Tourments
Sur la rive nord de la Méditerranée ils se sentaient renaitre,
Deux Français Perez et Navarro, soixante cinq ans peut-être,
Devinrent des amis, ils étaient en effet tous deux nés en Algérie.
Ils discutaient le long de cette mer qu’ils avaient tant chérie
Leurs yeux contemplaient sans cesse la mer en direction du Sud
Ils venaient souvent ici, parler de ce pays et partager leur solitude.
On les sentait tristes et mélancoliques en évoquant leur enfance.
A une époque où l’Algérie n’avait pas encore son indépendance
Leur pays était là, juste en face à peine plus d’une heure d’avion
« Navarro, te souviens-tu de l’été 1962, ne fumes-nous pas des pions ? »
Perez avait les yeux embués de larmes et rêvait de ce pays si cher.
« Oh oui je m’en souviens, comme si c’était hier » répondit son compère
Il répondit d’une voix enrouée brisée par une affreuse mélancolie
Il avait alors seize ans… «Nous avons quitté l’Algérie c’était la folie…
Je ne peux oublier ce pays où nous sommes nés et où nous avons grandi.
Nous avons laissé nos âmes dans ce bled dont nous étions épris »
Ah cette terre ! Ses odeurs, ses lumières, j’en ai été captivé
Nulle part ailleurs, pas un seul équivalent je ne l’ai retrouvé
Nos parents ont bâti ce pays tout en y construisant leur vie.
Les uns devinrent « des Colons », tous à leur poste ont servi
Perez rappela que son père était employé des chemins de fer.
Ils vivaient en toute quiétude jusqu'au jour ou il y eut la guerre.
Dès lors toutes leurs espérances semblaient bien s’envoler
L'indépendance du pays était inéluctable et l’édifice s’écroulait.
Il leur était alors difficile d’admettre de vivre en frères
A savoir vivre sous le même statut qu’Arabes et Berbères.
Vivre selon leurs traditions, leur culture et leur autorité
C'était en effet perçu, à l’époque, comme une absurdité.
Navarro surenchérit jugeant en effet cela inadmissible
« Mais avez-vous vu leurs accoutrements horribles ? »
«Voyez leurs djellabas leurs turbans….A d’autres… !»
«De plus les préceptes de l’Islam s'opposent aux nôtres »
« Et cela… passe encore car nous craignions pour nos vies
Et oui nous l'avons quitté sans une grosse envie. »
«Y avait-il une autre solution? Je l'ignore même aujourd’hui.
Je n'arrive pas à l'enfouir complètement dans l’oubli »
C'est pour cela qu’ils revenaient souvent au Sud de la France
Pour rêver de l’Algérie natale et se remémorer leur enfance.
C’était pour eux une sorte de pèlerinage au moins pour rêver
Bien que pensaient-ils jamais ils ne pourraient le retrouver
Tous deux s’en retournèrent le dos plus que courbés
Ils avaient tant travaillé à la mer, elle les avait plombés
Ils ressentaient maintenant le poids écrasant des années
Mais leurs mémoires restaient des souvenirs imprégnées
Ces souvenirs d'un pays qu'ils ne seront pas prêts d'oublier
La mémoire de ces souvenirs qui était leur dernier bouclier
Auteur Hamid
Le Pèlerin