Après une décennie d'échec à l'exportation, ce contrat sera le troisième remporté par Dassault à l'étranger
Après l'Egypte et l'Inde, le Rafale connaît un nouveau succès avec la vente de 24 avions de combat au Qatar, qui sera formalisée lundi à Doha par la signature des contrats en présence de François Hollande.
Le président de la République "s'est entretenu hier (mercredi) avec cheikh Tamim Ben Hamad Al-Thani, émir du Qatar. Ce dernier lui a confirmé son souhait de voir son pays acquérir 24 avions de combat Rafale", a annoncé jeudi matin l'Elysée dans un communiqué.
M. Hollande "se rendra à Doha le 4 mai afin d'assister à la signature des contrats entre les sociétés Dassault Aviation et le fabricant européen de missiles MBDA d'une part, et l'Etat du Qatar d'autre part, ainsi qu'à celle de l'accord intergouvernemental qui encadrera la coopération entre nos deux pays", ont précisé ses services.
"C'est un succès" pour Dassault et les entreprises sous traitantes mais aussi "pour les pouvoirs publics et la diplomatie française. (...) C'est une fierté pour le pays" et également "une bonne nouvelle qui confirme aussi la reprise de l'économie française", s'est réjoui François Hollande, en déplacement à Brest.
"Soyons fiers du grand succès de l'industrie française", a renchéri Manuel Valls sur Twitter, tandis que le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius a salué dans un communiqué cette "nouvelle démonstration du savoir-faire technologique et aéronautique" de la France qui "confirme l'étroitesse des relations diplomatiques et économiques entre la France et le Qatar".
Après une décennie d'échec à l'exportation, ce contrat sera le troisième remporté par Dassault à l'étranger après la vente de 36 Rafale à l'Inde, annoncée le 10 avril, et celle de 24 autres à l'Egypte, en février. Il constitue "aussi, pour les pouvoirs publics qui s'y sont engagés depuis trois ans, une grande satisfaction au service de notre industrie", selon l'Elysée.
Selon une source au sein du ministère de la Défense, l'accord final a été donné le 21 avril à Doha par l'émir du Qatar au ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian. Le montant du contrat, qui prévoit 12 autres avions en option selon des sources proches des négociations ayant requis l'anonymat, s'élève à 6,3 milliards d'euros et scelle une année exceptionnelle pour l'export d'armements français, qui devrait dépasser les 15 milliards d'euros.
Le Rafale avait essuyé six échecs à l'export depuis son entrée en service en 2004 dans les forces armées françaises. Au total, 84 exemplaires du Rafale seront exportés.
Deux autres acquéreurs potentiels
Par ailleurs, deux autres acquéreurs potentiels au moins sont sur les rangs: les Emirats arabes unis, pour le remplacement à terme de 60 Mirage 2000-9, et la Malaisie, qui doit encore lancer un appel d'offres pour l'acquisition de 16 appareils.
Construit en collaboration par Dassault, qui supervise 60% de la valeur de l'avion, l'électronicien Thales (22%) et le motoriste Snecma (groupe Safran, 18%) qui fournit le moteur M-88 de nouvelle génération, le Rafale est destiné à être l'avion de combat français jusqu'en 2040 et doit à terme relever l'ensemble des appareils en service en France.
Déployé dès 2007 en Afghanistan, il a acquis un haut degré de maturité opérationnelle depuis son entrée en service en 2004. Le Rafale a été le premier appareil à intervenir en Libye en 2011, avant d'être engagé au Mali en 2013 dans le cadre de l'opération Serval. Neuf appareils sont actuellement engagés dans l'opération Chammal contre le groupe Etat islamique en Irak.
Cet avion de combat de quatrième génération, considéré comme l'un des plus performants actuellement en service, est qualifié pour des opérations de défense aérienne, de bombardement stratégique et d'appui au sol, de lutte anti-navires et de reconnaissance aérienne. Il est également le vecteur de la dissuasion nucléaire aéroportée française.
Ce succès commercial intervient au lendemain des annonces de François Hollande sur la réévaluation du budget des armées. Le budget de la Défense 2015 a été "sanctuarisé" et la rue Saint-Dominique va bénéficier de 3,8 milliards d'euros supplémentaires entre 2016 et 2019.
Les effectifs des armées sont soumis à rude contribution avec 9.000 hommes engagés dans les différentes opérations extérieures au Sahel, en Centrafrique et dans le Golfe, sans compter la pérennisation, avec 7.000 militaires affectés de manière "durable", de l'opération antiterroriste intérieure "Sentinelle" décidée après les attentats de janvier.
Comment Le Drian a séduit le Qatar
C'est une négociation de longue haleine qu'a menée le ministre de la Défense Le Drian pour la conclusion de ce contrat de 6,3 milliards d'euros. Récit en 11 dates.
Troisième contrat en trois mois ! Le Rafale, "l'avion impossible à vendre", serait-il devenu "le plus prisé des avions de combat" ? Après six tentatives infructueuses depuis son entrée en service dans les forces françaises en 2004 de vendre à des armées étrangères cet appareil 100% français, celui-ci s'écoule finalement (presque) comme des petits pains. L'Elysée vient en effet d'annoncer la vente de 24 avions au Qatar. Un contrat qui intervient après ceux prévoyant la fourniture de 36 pièces à l'armée indienne confirmée le 10 avril dernier et de 24 autres à l'Egypte annoncée en février. "Une victoire majeure pour notre industrie de défense et pour nos partenariats de sécurité au Moyen-Orient", se félicite-t-on à la Défense alors que "l'année s'annonce exceptionnelle pour l'export d'armement français avec plus de 15 milliards d'euros".
Le nouveau contrat avec le Qatar, d'un montant de 6,3milliards, ne s'est pas négocié en un jour mais est le résultat d'une longue négociation, comme on le raconte volontiers au ministère de la Défense.
C'est le 22 août 2012, affirme-t-on rue Saint-Dominique, que tout a commencé lorsque le ministre Jean-Yves Le Drian, en visite à Doha pour une rencontre avec l'émir Cheikh Hamad ben Khalifa Al Thani pour évoquer la question syrienne et, plus généralement, celle de la sécurité au Moyen-Orient, fixe le cadre du nouveau dialogue stratégique avec le Qatar.
Mais il faudra attendre le 10 février 2013 pour qu'une négociation technique puisse commencer avec le Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, alors prince héritier. C'est la première fois que celui-ci parle du Rafale avec Jean-Yves Le Drian.
Un an plus tard, le 24 février 2014, devenu émir, Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani déclare à Jean-Yves Le Drian, selon le ministère :
Mon père a promis d'acquérir cet avion. Je vous l'achèterai."
La France ne relâche pas les efforts. Quelques jours après, le 19 mars, alors que le ministre de la Défense qatari, le général Hamad Al Attiyah vient en visite officielle à Brest, un Rafale accoste le Falcon gouvernemental. La démonstration a-t-elle impressionné le ministre ? La semaine suivante, en tout cas, Le Drian retourne à Doha afin de fixer le calendrier de fin de négociation.
Dernière ligne droite
Enfin, le 18 octobre 2014, l'émir annonce au ministre à Doha sa volonté de conclure sous 6 mois. S'en suivent quelques allers-retours de contrats détaillés ainsi dans l'entourage du ministre : le 30 décembre le ministre français appelle son homologue pour lui dire que le contrat est finalisé. Le lendemain, c'est Al Attiyah qui prend contact avec Le Drian alors en visite au Tchad : le Qatar souhaite que l'armée de l'air forme les 36 pilotes qataris. Dix jours plus tard, à Doha où il est accompagné du chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Mercier, et du délégué général à l'armement Laurent Collet-Billon, Jean-Yves Le Drian est reçu par l'émir qui lui confirme sa volonté de signature imminente.
L'accord final sera donné le 21 avril par l'émir au ministre et, définitivement, le 29, au chef de l'Etat François Hollande.
Deux autres acquéreurs potentiels au moins sont sur les rangs: les Emirats arabes unis, pour le remplacement à terme de 60 Mirage 2000-9, et la Malaisie qui doit encore lancer un appel d'offres pour l'acquisition de 16 appareils.
Source Le Nouvel Observateur / Boursorama Céline Lussato
Le Pèlerin