Et si l’amour était une drogue ?
Les poètes ne s’y sont pas trompés et la science le confirme : notre première drogue, la plus naturelle et la plus innée, c’est l’amour, avec son pouvoir bénéfique et ses effets toxiques. Pour le meilleur et pour le pire. Preuves dans « L’amour est une drogue douce… en général » du Pr Michel Raynaud.
Un puissant stimulant
Il (elle) a les plus beaux yeux du monde, un charme irrésistible, un esprit fou. Avec lui (elle), je plane, je vois la vie en rose, je me sens pousser des ailes… Si l’amour nous stimule et nous met dans un état euphorique, c’est bien sûr grâce à la présence de l’Autre. Mais, n’en déplaise aux romantiques, les neurobiologistes avancent une autre explication. Si l’amour nous « dope », c’est à cause de la dopamine. Une hormone euphorisante dont la production augmente quand on est amoureux et qui active le circuit naturel du plaisir. Plus on en a, plus on en veut. « C’est ce dopage de la mécanique naturelle du plaisir qui, dans l’état amoureux comme dans la toxicomanie, peut rendre accro. Le manque est alors vécu comme insupportable et la passion se transforme en addiction », explique Michel Reynaud. Aux États-Unis, on soigne dans des cliniques spécialisées les « addicts sexuels »en souffrance, tel l’acteur Michael Douglas, selon son propre aveu.
La passion fougueuse est une phase de sur régime et de « dé réalité » qui ne peut pas durer. Elle peut s’achever brutalement, parce que l’un des deux se lasse ou qu’il n’est pas prêt à faire le grand saut dans l’inconnu. Elle laisse alors le souvenir brûlant d’avoir vécu quelque chose d’intense et d’exceptionnel.
Mais elle peut aussi déboucher sur une relation durable. « On peut repérer le point de basculement de la passion vers l’attachement à l’apparition d’un sentiment nouveau : la tendresse. Cette mansuétude dont nous sommes pris pour les défauts de l’autre, ses rides, ses maladresses ou son mauvais caractère ! Entier et aveugle dans la passion, l’amour devient tolérant et clairvoyant dans l’attachement. Plus les années passent, plus nos amours se teintent d’attachement », constate Michel Reynaud.
La souffrance du manque
Quand la relation tourne mal, l’amoureux « fou », transi ou éconduit, risque de basculer dans une passion destructrice qui le fait souffrir (patio en latin veut dire je souffre, je subis). Comme le toxicomane, il est devenu esclave, dépendant de l’Autre. Sans lui, il vit en état de manque. Il devient capable de toutes les humiliations pour garder l’être aimé : « Laisse-moi devenir l’ombre de ta main, l’ombre de ton chien… », chante Jacques Brel.
Cette souffrance insupportable peut s’exprimer par une violence dévastatrice. Passion autodestructrice chez Adèle H., l’héroïne du film de Truffaut, fille de Victor Hugo, qui poursuit jusqu’au Canada l’homme qu’elle aime éperdument avant de sombrer dans la folie. Furie meurtrière chez l’héroïne du film Liaison fatale d’Adrian Lyne qui tente de tuer son amant avec un pic à glace. Cela donne froid dans le dos…
Notre spécialiste en addiction se veut toutefois rassurant : « On peut être lié sans être aliéné », assure-t-il. À condition de repérer certains facteurs de risques avant de se lancer dans l’aventure. D’abord, se méfier des obstacles inhérents à la situation (distance géographique, différence culturelle ou sociale, grand écart d’âge, non disponibilité de l’autre, etc.). Ils peuvent exalter le sentiment amoureux (Roméo et Juliette), mais sont aussi précurseurs de souffrances. Ensuite, réfléchir sur soi-même. Si on a connu des souffrances répétées en amour, on y est peut-être pour quelque chose ; autant s’interroger pour ne pas retomber dans les mêmes schémas. Enfin, essayer d’estimer l’Autre avec discernement pour s’assurer qu’il n’est pas un peu plus névrosé que la moyenne…
Tomber amoureux, c’est prendre le risque d’être heureux ou malheureux. Mais est-ce que cela n’en vaut pas la peine ? Écoutons Edith Piaf : « L’amour, ça sert à quoi ? À nous donner de la joie. Avec des larmes aux yeux, c’est triste et merveilleux… Sans amour dans la vie, sans ses joies, ses chagrins, on a vécu pour rien ! » Ce serait tout de même dommage…
Source Seniorplanet
Le Pèlerin