La loi de la Maison : entre l'aide et la dépendance
Le sort des cadets
La famille pyrénéenne veille à ce que l'amour règne entre ses divers membres. Elle ne peut se désintéresser du sort de ses enfants qu'elle a le devoir de recueillir à tout moment, même s'ils ont voulu la quitter et si leur tentative a été vouée à l'échec, en particulier ceux qui n'ayant pas eu la chance d'être des héritiers appartiennent à la catégorie des cadets.
Véritables sacrifiés, leur intérêt personnel est subordonné à l’intérêt collectif de la Maison. Qu'ils soient frères ou sœurs de l'héritier, leur destin doit s'aligner sur les besoins impérieux de la Maison. Si la famille souche requiert leur présence pour des raisons dues à l’importance du travail, ils ont le devoir de rester et de renoncer au mariage étant donné que la Maison ne peut abriter plus de deux couples à la fois, celui du maître et celui de l'héritier. Condamnés au célibat, phénomène qui semble avoir été plus sensible à l'ouest de la chaine qu'à l'est, les cadets travaillent en tant qu'ouvriers agricoles ou comme bergers. Ils jouissent généralement de la considération du maître mais ne possèdent aucun droit, les exigences de la Maison l'emportant sur tout sentiment d'égalité.
Le Cadet a parfois la chance, lorsqu'il est pâtre, de posséder quelques brebis qu'il garde avec celles de son maître. Il a aussi la possibilité de se constituer un petit capital susceptible d'intéresser une famille voisine peu prospère qui ne verra pas d'inconvénient à ce qu 'il épouse l'héritière de la Maison. Mais même dans cette éventualité, ni la réussite ni le bonheur ne lui sont garantis, car non content de perdre son nom, il peut devenir un gendre peu écouté, voire exploité, « le premier domestique de sa femme, son berger et au plus son homme d'affaires ».
Si elle vient à décéder il ne bénéficie que de l'usufruit de ses biens, qu’il gère jusqu'à la majorité de ses enfants, fixée à 25 ans. Si le couple n'a pas eu d'enfant, il peut récupérer sa dot mais doit quitter la Maison. Pour éviter cet inconvénient, certaines familles ont recours à la pratique du « double mariage » : un héritier épouse la cadette d'une maison dans laquelle son frère cadet devient gendre. Ainsi, chacune des deux familles constitue un asile pour le cadet ou la cadette dans l'éventualité d'un veuvage.
La maison d’habitation ou l’appartenance à la Maison
Le pyrénéen est très attaché à l'habitation qui symbolise pour lui la permanence du patrimoine foncier, même si elle ne représente qu'une faible part de l'ensemble du domaine familial. La maison d'habitation principale dans laquelle est rassemblée toute la famille est souvent modeste, parfois même exiguë et insalubre. Elle consiste en une grande pièce qui sert à la fois de cuisine et de chambre. Ecoutons Paul Guth, né à Ossun en 1910, décrire sa maison natale : « On faisait cuire les aliments dans l'immense cheminée où aurait pu brûler un tronc d'arbre. Dans l'âtre on installait des chaises sur lesquelles on se chauffait. Au-dessus de la cheminée s'alignaient des boîtes de sel, de poivre, la statue de Notre-Dame de Lourdes, notre voisine, notre cousine presque. Aux poutres du plafond de la cuisine, étaient suspendues des grappes d'épis de maïs, rutilants comme de l'or. La table de la cuisine était puissante comme les tables du temps des paysans de Le Nain. Elle servait aussi de huche à pain. Au fond de la cuisine, s'élevait un monument : le lit, dans lequel je me hissais, dans mon enfance, en grimpant sur une chaise. Il était surmonté d'un édredon rouge sous lequel on étouffait de chaleur l'été et l'on pelait de froid l'hiver. » L'exiguïté des lieux rend habituel le partage des lits, la nuit, entre les personnes du même sexe. Ainsi, dans un cadre familial, le grand-père couche d’ordinaire avec le jeune garçon et la grand-mère avec la petite fille et, si le maître et la maîtresse de Maison partagent souvent le même lit, il arrive parfois, lorsque la famille s'agrandit, qu'ils soient amenés à dormir, lui avec un domestique, elle avec la servante. C'est dans ce lieu de vie qu'est la maison que se nouent entre les membres de la famille des liens de solidarité très étroits et que se forge l'esprit d'entraide, en dépit de la supériorité de l'aîné sur les cadets et d'une certaine autorité des frères sur les sœurs. La famille pyrénéenne forme un bloc très uni où l'obéissance absolue au chef de famille et le caractère sacré du patrimoine familial sont inculqués aux enfants dès leur plus jeune âge, le respect et l'attachement à la religion venant fortifier ces préceptes éducatifs. L'emprise familiale s'exerce donc fortement sur les petits Pyrénéens qui ne s'évadent de la maison que pour suivre les cours d'instruction religieuse approuvés par le chef de famille. Les réticences à la scolarisation des enfants ne s'expliquent pas uniquement par l'utilisation de ces derniers à la garde des troupeaux ou à certains travaux agricoles, mais par l'hostilité profonde des parents à l'alphabétisation et à l'adoption de la langue française ainsi qu'à leur désintérêt total à toute forme de culture.
Les fermes pyrénéennes
Les fermes pyrénéennes font preuve d'une robustesse exceptionnelle. Construites pour durer il n'est pas rare d'en trouver du XVIème ou du XVIIème siècle, leurs murs de pierres sont percés d'ouvertures très étroites pour mieux résister aux intempéries. Le bois est peu utilisé car sa présence est redoutable en cas d'incendie, véritable obsession du paysan. On s'en sert cependant dans les Pyrénées centrales et occidentales, dans la construction de balcons et de galeries extérieures si pratiques pour sécher le linge ou les céréales. Les toits, à forte pente, sont faits de chaume, d'ardoise ou de tuiles. Ils débordent généralement sur la cour pour abriter le passage des gens. On rencontre des fermes aux types très divers. En Couserans et en Béarn, c'est la maison basse, rectangulaire, avec un toit de chaume qui recouvre à la fois l'étable et la salle commune. Au Pays basque et parfois en Ariège, la maison est bâtie en hauteur : l'étage est réservé à l'habitation et le rez-de-chaussée est occupé par le bétail. En Cerdagne et en Aragon, les bêtes sont rassemblées dans des écuries et des étables situées à proximité du bâtiment principal.
Source autrefois Les Pyrénées
à suivre
Le Pèlerin