Croyances et Superstitions , Fées et Sorcières, Maléfices et Médecines parallèles
Vendredi saint à Fontarabie
Procession de la fête Dieu dans le Val d'Aran
Pèlerins au calvaire de Lourdes
Le christianisme ne s'est infiltré dans les Pyrénées qu'avec une extrême lenteur et de manière assez superficielle. Ces montagnes, difficiles à pénétrer, longtemps vouées au paganisme et au catharisme, ne l'ont accueilli qu'avec réticence. Le Pyrénéen, attaché à ces doctrines manichéennes fondées sur la cœxistence du bien et du mal, est perpétuellement « en balance » entre Dieu et le Diable. Ainsi, en fonction du moment, de la situation ou d'une intuition personnelle, il choisit la protection qui lui paraît être la plus judicieuse, celle d'un saint ou d'un sorcier, d'une vierge ou d'une fée, peu importe, pourvu qu'elle soit efficace et qu'elle lui assure le salut.
Fées, sorcières et magie
« Aussi n'est-il pas de cabane solitaire qui n'ait son revenant ; pas de caverne qui n'ait sa fée ; ni de cimetière son loup-garou ; et pas de village dont la moitié des habitants ne soient sorciers... »
(Chausenque)
Les populations pyrénéennes sont superstitieuses, très superstitieuses. Il y a dans cette attitude un manque certain de discernement, mais l'environnement souvent inquiétant dans lequel elles vivent ne manque pas de frapper leur imagination et d'exacerber leur goût pour le surnaturel, comme le décrit Chausenque :
« Sur les hautes montagnes, où réside pendant plusieurs mois une partie de la population, leurs yeux ne sont frappés que de scènes étranges : des masses décrépites et menaçantes ; des torrents dévastateurs ; des déserts de neiges et de ruines qui semblent soumis à l'influence de mauvais génies.... C'est surtout la nuit, que le pâtre passe souvent loin de sa hutte, que les impressions sont fortes. C'est alors que l'apparence singulière des neiges qui semblent se détacher des monts, l'aspect confus des masses qui séparent de noires profondeurs et de fréquents météores plus éclatants dans une atmosphère épurée, joints aux murmures des torrents et aux retentissements inégaux des cascades lointaines, n'offrent à une imagination déjà frappée que des objets extraordinaires, des bruits sinistres et un pays peuplé d'êtres fantastiques. »
Le Pyrénéen, proie facile pour « tous ceux qui ont passé un pacte avec Belzébuth », croit à la magie et la sorcellerie prend très vite des dimensions considérables, à tel point que l'Église s'en émeut et ordonne à tous les curés de « s'appliquer de toutes leurs forces à détruire toutes les superstitions qui pourraient s'être introduites dans leurs paroisses ».
Pratiques superstitieuses
Le Pyrénéen, hanté par tout ce qui concerne « l'au-delà », est irrésistiblement attiré par le surnaturel. Et malgré l'implantation du christianisme, maintes pratiques magiques appréciées des habitants ont été conservées : on fait une croix sur le pain avant de l'entamer, on évite à table d'entrecroiser les couverts, on se signe lorsqu'on croise un enterrement et le port de médailles bénies permet de détourner le mauvais sort. Enfin, la coutume de faire sonner les cloches à toute volée pour atténuer les méfaits des orages subsiste à tel point que l'évêque de Bayonne passera une circulaire aux curés les priant de « faire cesser l'usage de sonner les cloches pendant les orages ».
Et le Pyrénéen retrouve naturellement ce syncrétisme religieux, paganisme accommodé à la mode chrétienne, lors des rites de protection qui entourent le nouveau-né.
Pour prévenir le tarissement du lait, la mère doit porter une agate et éviter le « mauvais œil », car le bruit court dans les campagnes que non seulement une sorcière mais aussi une mère jalouse peut tarir le lait et faire dépérir l'enfant. Seules, des paroles sacramentelles permettent de lever le sort.
Avant d'être baptisé, l'enfant est déclaré sensible aux influences maléfiques et doit être constamment protégé. Il faut abréger la période dangereuse qui précède le baptême religieux, aussi on le baptise dans les trois jours qui suivent la naissance. Dans les vallées ariégeoises, le nourrisson est veillé jour et nuit avant son baptême et le berceau reste constamment éclairé. Du pain, de l'ail et du sel, réputés pour leurs vertus protectrices, sont disposés à proximité. En vallée d'Aspe, les voisins évitent de rendre visite à la mère avant le baptême. Au retour de l'église, en Ariège, un rite de protection veut qu'une pièce de monnaie soit offerte au premier passant adulte rencontré qui, en l'acceptant, prend en charge.
A quel saint se vouer?
Le pouvoir des saints est mis à contribution :
Saint Galdéric met fin à la sécheresse en Roussillon ; Saint Georges détruit les sauterelles ; Sainte Barbara et Sainte Agathe éloignent la grêle ; Sainte Quiterie écarte les chiens enragés, Saint Roch protège les animaux bénis le 16 août, jour de sa fête ; Saint Sébastien guérit la peste et Saint Blaise le mal de gorge.
On invoque encore Saint Antonin pour un objet perdu tandis que Saint Michel escorte les âmes jusqu'au paradis dont Saint Pierre ouvre les portes.
Des fées et des sorcières
Lorsque les saints sont impuissants, le Pyrénéen a recours aux fées qui ont la réputation de venir à bout des génies malfaisants à condition de combler leurs désirs. Aussi, prépare-t-il, la veille du jour de Tan, pour ces bonnes fées qu'il vénère tout en redoutant leur colère, un repas comportant les mets les plus recherchés.
« Qui ne les a aperçues au moins une fois dans sa vie ?, écrit Alexandre Du Mège, vêtues de blanc, la tête couronnée de fleurs, elles habitent le sommet du mont de Cagire ; elles y font naître les plantes salutaires qui soulagent nos maux. On les entend, la nuit, chanter d'une manière douce et plaintive, à Saint-Bertrand, au bord de la fontaine qui porte leur nom. Quelquefois, elles entrent dans l'intérieur du pic de Bergons et transforment en fil soyeux, en vêtements de prix, le lin qu'on dépose à l'entrée de leur grotte solitaire. Désirez-vous des richesses ? Il faut adresser vos hommages à la fée d'Escout. Là, sous un chêne millénaire, s'ouvre un antre profond. Allez près de cet asile impénétrable. Invoquez la déité qui l'habite, déposez un vase au pied du chêne. À votre retour, dans quelques heures, vous retrouverez ce vase rempli de métaux précieux... Et vous aussi, jeunes filles des hameaux, vos désirs les plus chers seront exaucés : vous le savez, vos pensées les plus secrètes sont connues des Maires, des fées. Heureuses si vos mains ont préparé le lait durci, le pain blanc qu'il faut leur offrir ! Mais que de nombreuses infortunes s'accumuleront sur ceux qui ne leur rendront pas un culte digne d'elles ! Un incendie consumera leurs demeures, les loups dévoreront leurs troupeaux qui paissent sur le mont Sacon, ou dans les prairies d'Izaourt et d'Erechède. » Quant aux êtres que craignent les Pyrénéens, ce sont les « encatadès », sorciers maléfiques des Pays catalans, ou encore les « hantaumas », fantômes difformes redoutables de méchanceté, qui sévissent dans la vallée du Ger.
A chacun son maléfice
L’Univers de la sorcellerie, difficile à pénétrer, présente un monde aux fonctions très spécialisées. Il y a d’abord le sorcier, celui qui fait le mal, effectue les envoutements et jette les sorts. Puis on trouve le devin, contre-sorcier chargé de guérir. Enfin l’armier ou messager des âmes est chargé d’établir des contacts avec l’au-delà.
Les médecines parallèles
Les Pyrénéens font souvent appel aux guérisseurs, aux rebouteux et même aux charlatans qui savent les mettre en confiance. Ils sont en outre plus nombreux que les médecins, moins chers et plus accessibles.
Suivant la nature du mal, le Pyrénéen consultera un rebouteux ou un guérisseur qui lui administrera des remèdes à base de produits courants comme l'eau-de-vie, le vin, l'huile et le sucre, ou des préparations dont il garde le secret. Quelques observateurs ont percé le secret de certains « médicaments » : l'huile d'araignées est employée pour guérir les fièvres, la fiente de vache vient à bout des rhumatismes et l'huile de lézard mélangée à de la graisse d'ours fait pousser les cheveux.
D'autres pratiques s'apparentent à la magie. Ainsi pour soigner un malade atteint d'un cancer de l'estomac, une « savante bonne femme » d'un village proche de Bagnères-de-Bigorre conseille de « prendre trois crapauds adultes, autant que possible de couleur jaune clair, et de les jeter vivants dans un chaudron où se trouve de l'eau bouillante. Utiliser dans la journée ce bouillon macabre en boisson légèrement sucrée ou en lavements. »
Et malgré ces divagations, la mode des charlatans va bon train au XIXème siècle, et même au-delà, au détriment de la médecine officielle. « Quelle honte, écrit en 1818 J. M. J. Deville, de voir tant d'ignorants exercer la médecine! Tout, jusqu'à ces misérables gueux qui égorgent les cochons, s'avise de médicamenter les hommes ! »
La peur des revenants est très répandue dans les campagnes pyrénéennes ainsi que la croyance selon laquelle les âmes des morts veulent se venger du manque de messes et de prières dites à leur intention. Une vieille légende veut que, le soir de la Toussaint, les âmes reviennent sur la terre pour faire une procession autour du village où elles ont vécu. D'où la coutume, dans la région de Montségur, de réserver un repas aux morts en laissant sur la table autant de cierges que de couverts.
Source autrefois Les Pyrénées
A suivre
Le Pèlerin