Passer une retraite heureuse sous d’autres cieux ? Un nombre croissant de Français font ce choix. Pour le soleil, pour se rapprocher de leurs enfants expatriés, parfois pour améliorer leur niveau de vie ou tout simplement pour changer d'air. Qu'est-ce que cela donne ? Vu à la télé ! Ils n’ont qu’une petite retraite, et pourtant ils habitent une belle villa, sous le soleil, avec une piscine, une employée de maison et un jardinier… Quelque trente-six mille Français sont déjà partis profiter d’une retraite paisible et ensoleillée au Maroc. Ce pays, il est vrai, leur déroule le tapis rouge. Il leur accorde, comme aux retraités marocains, un abattement de 40 % sur leurs revenus imposables et réduit encore leur impôt sur le revenu de 80 % à la seule condition qu’ils transfèrent dans le pays la totalité de leur pension de retraite française. Il leur reste donc largement de quoi vivre, et même de très bien vivre. Car ici, on s’offre une villa pour quelques dizaines de milliers d’euros et une employée de maison à plein temps pour une dizaine d’euros par semaine. La belle vie ? Le mal du pays frappe parfois, mais la France n’est qu’à quelques heures d’avion.
Ces pionniers, en tous les cas, font école. "Nous sommes de plus en plus souvent consultés par des retraités désireux de s’installer au Maroc ou en Tunisie", reconnaît-on à la maison des Français de l’étranger qui dépend du Ministère des affaires étrangères et renseigne les candidats à l’expatriation. D’autres retraités choisissent, eux, d’autres destinations : la Grèce pour la mer et le soleil, l’Italie, l’Espagne, Chypre, etc. Simple ? Pas toujours. Formalités, impôts, assurance maladie : il faut savoir à quoi on s’engage… Retraite, impôts : les règles du jeu
Côté retraite, partir à l’étranger ne vous empêchera pas de percevoir votre pension (seule l’allocation supplémentaire, c’est-à-dire le minimum vieillesse, est réservée aux résidents en France). Vous demandez, au choix, à votre caisse de continuer à la verser sur votre compte bancaire en France ou, au contraire, sur un compte ouvert dans votre nouveau pays. Mieux encore, si vous n’êtes plus fiscalement domicilié en France, la CSG et la CRDS (au taux de 6,7 % ou 4,3 % selon votre revenu) ne seront plus prélevées sur votre pension. Mais une cotisation de 2,8 % pourra être retenue à la source, en fonction des accords signés avec votre nouveau pays de résidence.
Côté impôts, vous continuerez à les payer en France si vous y séjournez plus de cent quatre-vingt-trois jours par an ou, à défaut, si votre foyer et vos intérêts économiques sont situés dans notre pays. "Par exemple, si tous vos biens ou votre famille sont restés en France, vous pouvez être imposé ici même si vous vivez cent quatre-vingt-quatre jours par an à l’étranger", prévient Louis Marie Bourgeois, avocat à Paris.
Si vous ne remplissez aucune de ces conditions, votre imposition dépendra de la convention fiscale signée entre la France et votre pays d’accueil. Lisez-la, c’est la seule façon de savoir comment seront taxés vos revenus. Ces conventions, disponibles sur le site Internet du ministère des finances fixent en effet la répartition des taxes entre les deux États. "Elles prévoient souvent que les pensions de retraite restent imposables dans le pays qui les verse", avertit Louis Marie Bourgeois. Même principe pour les revenus locatifs. "Ceux tirés de biens immobiliers situés en France sont en général imposés par l’État français", ajoute Me Bourgeois.
Et s’il n’y a pas de convention fiscale entre votre nouveau pays et la France ? "Vous risquez alors une double imposition. C’est-à-dire d’être taxé ici par l’administration française sur les revenus dont elle a connaissance et de voir ces mêmes revenus taxés aussi dans votre pays de résidence lorsque vous les ferez virer sur place pour vivre", répond Me Bourgeois. Et cela arrive plus souvent qu’on ne le croit ! Santé, statuts : ma nouvelle vie Attention aussi à votre assurance maladie. Si vous partez vivre dans un pays de l’Union européenne ou en Suisse, votre caisse de retraite vous remettra le formulaire E 121. Grâce à lui, vous profiterez de la même couverture santé que les habitants de votre nouveau pays de résidence. C’est parfait si celle-ci est complète et si les soins pris en charge par le service public sont de qualité. Si, en revanche, seul le secteur privé est valable et qu’il est très mal remboursé, vous soigner peut vous coûter cher. D’autant que, si vous souhaitez revenir en France pour cela, vous devrez en principe demander dans votre pays de résidence, à la caisse d’assurance maladie locale, un formulaire autorisant la prise en charge des soins programmés.
Si vous élisez domicile hors de l’Union européenne, vous devrez en général (sauf accord particulier de la sécurité sociale française avec les autorités locales) cotiser à la Caisse des Français de l’étranger. Celle-ci vous assure, moyennant cent quatorze euros par trimestre ou 3,5 % du montant de vos retraites, la même couverture que celle offerte en métropole. En clair, vous serez remboursé de vos dépenses à l’étranger aux mêmes taux et tarifs qu’en France. En prime, moyennant une cotisation égale à 2 % de vos pensions, vous verrez aussi rembourser les soins reçus en France lors de vos séjours temporaires. Le problème ? Il faut en général trouver une mutuelle qui complète cette protection… Successions : ça se complique !
Votre départ pour un autre pays peut aussi avoir une conséquence surprenante. En cas de décès, les biens immobiliers situés dans l’Hexagone seront partagés entre les héritiers suivant les règles du droit français. "Mais le reste (c’est-à-dire tous les placements financiers et le patrimoine immobilier situé hors de France, dans le nouveau pays de résidence, par exemple) sera réparti entre les héritiers selon les règles successorales en vigueur dans ce pays", souligne Me Patrice Bonduelle, notaire à Paris. Cela peut tout changer pour votre conjoint ou les enfants. En France, par exemple, ces derniers ont droit, quoiqu’il arrive, à une part minimale d’héritage : leur réserve. Aux États-Unis ou l’Angleterre, cette réserve n’existe pas.
Moralité ? Si l’on part s’installer à l’étranger, il est indispensable de consulter un spécialiste sur place pour connaître les règles du jeu locales et prendre les dispositions nécessaires.
Et où faudra-t-il payer les droits de succession ? En principe, en France, au moins pour les biens immobiliers qui y sont situés ou lorsque les héritiers y vivent. Mais l’héritage peut aussi être taxé par le pays où vous habitiez. Pour éviter cette double imposition, des conventions fiscales ont été conclues entre la France et de nombreux États. Elles précisent le pays qui taxe les biens, en fonction de leur localisation et de la résidence du défunt et des héritiers.
La mauvaise surprise ? Même si une fraction seulement de votre succession est imposable en France, les héritiers devront fournir à l’administration fiscale française une estimation de son montant total (y compris pour les biens à l’étranger). Le fisc calculera ainsi (d’après le barème progressif en vigueur dans notre pays) le taux moyen d’imposition qui aurait été appliquée à la totalité de cette succession si elle avait été intégralement imposée ici. Ce taux moyen sera ensuite appliqué seulement aux biens imposables dans notre pays. Pour en savoir plus
Organiser une nouvelle vie dans un autre pays exige de bien connaître les us et coutumes locaux : vie quotidienne, formalités (hors de l’Union européenne, vous pouvez avoir besoin d’un permis de séjour ou visa pour rester longtemps dans un pays), système de santé, etc. La maison des Français de l’étranger propose des dossiers complets sur chaque pays. Même chose à l’Union des Français de l’étranger (UFE), une association qui informe les Français tentés par l’expatriation et dispose d’un réseau de plus de cent cinquante correspondants dans le monde.
Maison des Français de l’étranger : 01 43 17 60 79 ou www.mfe.org |