Air Algérie, entre économie de rente et mondialisation
Deux ans après sa nomination, le P-DG d’Air Algérie s’est aperçu que les émigrés ne sont pas forcément tous riches et qu’il y a parmi eux “des retraités et tout…” Dans le même entretien radiophonique où il fait cette constation, Bouabdallah annonce une réduction de moitié des tarifs pour les voyages dans l’autre sens, dans le sens Algérie-France.
En comparaison des effets d’un virtuel open sky, la concurrence “contrôlée” qui régit le ciel algérien a été bien plus profitable aux compagnies d’aviation française et algérienne qu’à leur clientèle. Dans cette structure de marché, la crise sociale en France a probablement posé les limites de la demande de l’émigration algérienne sur laquelle repose la politique commerciale des aviateurs qui monopolisent les lignes entre les deux pays. Beaucoup d’Algériens résidant en France, ou de Français d’origine algérienne, optent pour des vacances en Tunisie et au Maroc, l’offre de package transport-séjour y étant particulièrement alléchante, quitte à inviter leurs proches restés au pays à les rejoindre.
La “politique du ciel” national, soutenue, au sens négatif, par une politique touristique désuète, fait que la destination Algérie ne constitue point un produit touristique. Avec une politique touristique réduite à son aspect promotionnel et qui ne repose pas sur des produits touristiques vendables, les aviateurs sont contraints de faire eux-mêmes la promotion de leurs services, et donc de la destination, alors qu’aujourd’hui l’intermédiaire naturel du transporteur est le tour-operator.
Air Algérie n’est donc pas le premier responsable de la valorisation de la destination Air Algérie, mais le confort d’une clientèle captive du fait de la tradition du retour annuel au pays. Mais l’entêtement à prolonger le verrouillage du ciel algérien a fini par avoir raison de cette habitude, les aspects économiques l’emportant toujours à terme sur les réflexes culturels. Si Air Algérie offre de “passagères” réductions au départ de l’Algérie, c’est qu’elle s’en est remise à une réalité : l’Algérie offre des touristes plutôt qu’elle n’en attire. Et l’attention envers nos émigrés, exprimée dans le discours plus politique que managérial du président-directeur général de la compagnie nationale, n’y pourra rien.
C’est la politique générale dite de “patriotisme économique” qui est à l’origine de ce piège. Le tourisme, prisonnier d’une réglementation bureaucratique, incompatible avec le profil du touriste contemporain et de monopoles anachroniques de l’administration, aujourd’hui livré à une tutelle islamiste, ne peut assurer le minimum de demandes qui assureraient la viabilité d’une compagnie nationale d’envergure. Paradoxalement, elle doit, pour cela, s’orienter vers les voyageurs locaux et le transport de touristes algériens vers la France et les pays voisins du Maghreb, notamment. Ce qui ne change rien à la tentation monopolistique et rend un peu controuvé le discours de gestion du P-DG d’Air Algérie, en réalité partagé entre le passéisme économique d’un régime enclin à conserver les situations de rente et la nécessaire mise à jour managériale d’une activité soumise à la logique mondialisante.
Source Liberté Mustapha Hammouche
Le Pèlerin