«Nous ne sommes ni la Grande-Bretagne ni la France» !
Abdelaziz Bouteflika surprend ! Il a choisi l’occasion de l’ouverture officielle de l’année judiciaire, hier mercredi au siège de la Cour suprême à Ben Aknoun, pour s’exprimer sur la situation politique en des termes «crus», dans une longue digression qui rappelle l’homme d’avant novembre 2005 !
Devant l’ensemble des hauts cadres de l’Etat, Bouteflika lisait d’abord, de manière mécanique, son discours écrit. L’exercice semblait pénible et Bouteflika trouvait même parfois des difficultés à prononcer certains mots. Se sachant sans doute attendu sur ce genre de détails, surtout depuis sa sortie catastrophique du 15 avril dernier, Bouteflika abandonne ses feuilles, redresse la tête et s’élance : «Je ne vous dirais pas que nous avons atteint la perfection dans l’exercice de la démocratie. Nous ne sommes qu’au début de notre expérience démocratique. Mais, de grâce, ne nous comparez pas avec la Grande-Bretagne ou la France !» Avec ses accents légendaires d’antan, il passe outre la langue des «officiels» pour choisir celle des «meetings» et assène encore : «Des voix s’élèvent, ici et là, pour s’interroger sur l’exception algérienne. Non ! L’Algérie est un pays qui fait partie de ce monde, dont il subit l’influence tout comme il y influe. Mais il est hors de question de revivre ce que nous avons déjà eu à vivre.» Ici, l’allusion est à peine voilée aux révoltes qui secouent le monde arabe depuis le début de l’année 2011. «Le peuple algérien est jaloux de son indépendance et de sa souveraineté. Nul ne peut lui dicter ses choix.» Cette indépendance, «nul ne peut la marchander. Je n’ai pas le droit de la marchander». Décidément bien inspiré, lui qui s’exprime pour la première fois de manière aussi directe sur les bouleversements que connaît la région, Bouteflika lâche cet aveu : «Ce pays a connu des élections et même des élections à la Naegelen (des élections marquées par des fraudes massives comme du temps de ce tristement célèbre gouverneur d’Algérie sous la colonisation ndlr).» Bouteflika compare, ici, l’expérience algérienne avec celles tunisienne et égyptienne sans pour autant les citer. Et il insiste sur le fait de ne pas comparer l’Algérie «aux autres». Avant d’aborder, sans transition apparente, l’opposition et les agréments des nouveaux partis : «Il y a quelque chose d’anormal dans ce pays qui fait que, certaines parties plus leur dimension est mineure, plus leurs voix s’élèvent !». Aussi, «si vous considérez que la démocratie, ce sont les petits partis, eh bien que cela soit ! Nous allons ouvrir pour tous les petits partis !» Il évoque dans sa même digression ses réformes politiques avec, au passage, une pique toute faite pour le MSP de Aboudjerra : «Des voix se sont élevées contre les réformes y compris parmi l’Alliance. Et alors ! C’est la démocratie. Moi je ne parle pas au nom d’un parti politique mais au nom du peuple algérien !» Une phrase qui, également, peut s’appliquer à Belkhadem et au FLN. Cela dit, Bouteflika abordera les prochaines législatives et répétera publiquement ce qu’il disait en cercle restreint, lors des derniers Conseils des ministres : «Nous sommes à la veille d’importantes échéances électorales où la justice devra jouer un rôle prépondérant pour faire aboutir le processus des réformes (…) Tout un chacun sera soumis au contrôle de la justice (…) L’administration n’est pas soustraite à ce contrôle ni à l’obligation d’appliquer les décisions de la justice» lors des prochaines élections. Une manière pour lui de rassurer quant à la régularité des législatives. Des garanties cependant inutiles pour une classe politique qui, mis à part le RCD, en est déjà à un stade très avancé dans sa campagne électorale !
Source Le Soir d’Algérie Kamel Amarni
Le Pèlerin