Algérie - Seconde opération «mains propres» pour le gouvernement Ouyahia?
Les barons du commerce extérieur seraient dans le collimateur. Le gouvernement est plus que jamais décidé à briser leur monopole. En l’espace de quelques jours, deux ministres de la République, Tayeb Belaïz et Mustapha Benbada, ont juré d’avoir leur peau.
Le premier a affirmé que la Cour suprême «a été saisie de plusieurs dossiers liés à la corruption» mettant en cause des barons qui sont, selon lui, à l’origine de la cabale montée contre lui (l’affaire liée à la pseudo arrestation de son fils) ayant pour but de le déstabiliser.
Quant au second, il a juré de «briser le monopole des barons» lors d’un entretien paru hier dans les colonnes du journal l’Expression : «Nous allons intervenir par la force de la loi pour sévir contre toute tentative de spéculation. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur le contrôle des dépôts afin d’écarter toute pénurie sur le marché.» Dans la foulée, le ministre du Commerce a annoncé qu’une vaste opération a été lancée pour inspecter tous les dépôts.
Près de 1 500 agents seront mobilisés sur le terrain, a-t-il encore affirmé. Entre ces deux déclarations, une semaine s’est écoulée. Qu’ont-ils de commun pour réaffirmer leur engagement à lutter contre le cartel ? Les deux ministres sont en effet au centre de la lutte contre la corruption sous toutes ses formes.
Ainsi, la première étape a été de freiner le transfert illicite de devises, les fausses domiciliations bancaires, l’évasion fiscale et la contrefaçon. Le gouvernement a arrêté une panoplie de mesures à travers une série de dispositions contenues dans la loi de finances complémentaire
2009 (LFC), à même, en principe, de gêner sérieusement les barons de l’import-import, et d’assainir la filière importation.
Livré depuis 1995 à la rapine et à la prédation, le commerce extérieur est entre les mains de barons qui font aujourd’hui feu de tout bois. Ils n’hésitent pas, par exemple, à mettre en péril l’approvisionnement de certains produits de première nécessité. L’Etat n’arrive-t-il plus à contrôler et à régler un marché où la demande n’est pas identique par exemple à celle de la pomme de terre, dont le contrôle devient très difficile ?
Aussi, le rythme imprégné en ce moment à la lutte anticorruption donne à penser que les pouvoirs publics sont en train d’engager une nouvelle opération «mains propres» précautionneuse et loin du battage médiatique qui a caractérisé la première qui s’est soldée par des erreurs monumentales.
On se souvient que des chefs d’entreprise issus du secteur public ont été mis injustement en prison, à la fin des années 1990, et certains ont passé plusieurs mois en détention avant d’être finalement disculpés et certains réintégrés dans leur poste.
Tout donne lieu à penser que le gouvernement Ouyahia a entrepris, en catimini, une lutte sans merci contre la corruption, sous toutes ses formes, les passe-droits et autres fléaux liés à ce phénomène. La batterie de mesures anticorruption que le gouvernement a mise en place depuis la fin de l’année dernière est très sévère à l’endroit de ceux qui seront amenés à comparaître, sous les chefs d’inculpation de corruption sous toutes ses formes, devant la justice.
Les affaires liées à la gestion des ex-walis de Blida, Bouricha, et d’El-Tarf seront examinées dès la rentrée sociale, a-t-on annoncé officiellement.
Le procès du siècle, celui de Khalifa, qui aura lieu probablement à la fin de l’année en cours – l’instruction de l’affaire n’étant pas encore terminée (800 personnes devront être entendues par le juge d’instruction) – servira d’exemple à la justice algérienne et aux experts engagés dans la lutte contre la corruption.
La machine judiciaire qui s’est mise en branle et commence à fouiller de plus en plus dans les tréfonds de la corruption ne doit pas se limiter aux seuls lampistes ou aux seconds couteaux, mais aux véritables fossoyeurs, car l’expérience du passé a démontré – et les gouvernants devront s’en inspirer – que lorsque ce sont les petits qui trinquent, en lieu et place des vrais barons, les citoyens se détournent de la chose publique et s’installent dans l’indifférence générale, au grand dam des gouvernants.
On croit savoir que les choses vont s’accélérer ces jours-ci, car d’autres affaires plus complexes y seraient dévoilées au grand jour.
La vraie menace pour l’Etat et le gouvernement Ouyahia viendrait de leur immobilisme ou s’ils sous-estiment la chose.
Source Le jeune indépendant Mahmoud Tadjer
Le Pèlerin