Algérie - Biométrie : précipitation et bricolage
La semaine dernière, en marge de la séance à l'Assemblée populaire nationale consacrée aux réponses d'Ouyahia aux députés, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Dahou Ould Kablia, sollicité par la presse à propos du déroulement de l'opération de délivrance aux citoyens des documents d'identité biométriques, a reconnu sans détour qu'elle «marche mal».
Sa franchise en la matière a tranché singulièrement avec les déclarations de son prédécesseur sur le sujet, lequel refusait péremptoirement d'admettre la réalité du cafouillage auquel elle donnait lieu et sur lequel la presse nationale attirait son attention. Ould Kablia ne s'est pas limité au constat ; il a aussi donné les causes qui, selon lui, sont à l'origine que l'opération «marche mal». Il a ainsi révélé que le gros problème est l'insuffisance des équipements dont les administrations concernées ont besoin pour confectionner les passeports biométriques et avoué que seuls 80 de ces équipements ont été acquis sur les 600 indispensables.
L'aveu est de taille et renseigne sur la précipitation et l'impréparation avec lesquelles une opération aussi vaste que celle de la confection et de la délivrance des documents d'identité biométrique a été lancée. Qu'en déduire, sinon que le bricolage est la marque de fabrique des actions des pouvoirs publics.
L'Etat rattrapera peut-être la situation lorsque ses appels d'offres, comme annoncé par Ould Kablia, lui permettront d'acquérir les équipements manquants, mais il ne fera aucunement oublier les tracasseries que son bricolage a occasionnées aux citoyens.
La seconde raison invoquée par le ministre de l'Intérieur pour expliquer le cafouillage dans l'opération est que «les gens sont pressés d'avoir leur passeport». Quoi de plus normal que leur impatience puisqu'il leur a été affirmé et promis que l'administration avait mis en place le dispositif adéquat ! Zerhouni en avait donné toutes les assurances et balayé les doutes sur la capacité de l'administration à prendre en charge une opération de telle ampleur. Plusieurs mois donc après son lancement, l'opération documents biométriques patine encore.
Il faut seulement espérer que le nouveau ministre de l'Intérieur, qui a fait le bon constat, s'attelle à en faire cesser les dysfonctionnements au plus vite.
Pour le reste, nous retiendrons que les pouvoirs publics ont agi dans l'affaire avec une singulière légèreté. Il est clair qu'ils ne se sont résolus à passer à la biométrie que sous la pression d'exigences extérieures. D'où la précipitation et l'improvisation dans le lancement de l'opération. Ce passage s'imposait pourtant en terme de modernisation et aurait pu être progressif en tenant compte du temps d'adaptation qui est nécessaire aux administrations locales pour se mettre à niveau humainement et techniquement pour en assumer la généralisation du procédé aux documents d'identité.
Nous retiendrons également que la gouvernance du pays est faite de bricolage et d'injonctions et que ceux qui s'y adonnent prennent leurs désirs pour des réalités. Ce n'est pas ce qui ramènera la confiance des citoyens en leur Etat.
Source Le Quotidien d’Oran Kharroubi Habib
Le Pèlerin