C'est dans la plus grande discrétion que les Qataris ont conclu le rachat du grand magasin parisien
Mais avec quelles contreparties pour un des actionnaires ?
Les Qataris n’ont fait qu’une bouchée du Printemps. Rien à cela de vraiment étonnant : nos riches amis, on le sait, aiment bien s’emparer de joyaux nationaux. Cela fait partie de leur stratégie d’influence. Puisqu’ils ont acheté Harrods, ils pouvaient bien s’offrir le célèbre Printemps du boulevard Haussmann, et ses cousins de province qu’ils revendront sans doute. Mais cette fois, il semble que le Qatar ait voulu, jusqu’au bout, s’éviter toute publicité.
Comme s’il avait réalisé qu’en France, dans cet étrange pays où l’on s’inquiète de leurs investissements, mieux valait mieux ne pas trop étaler son argent, et ses méthodes. Comme s’il craignait que leur projet ne soit parasité. Les négociations ont été menées dans la plus grande discrétion, par le biais d’intermédiaires, d’avocats, -comme toujours royalement rémunérés- et d’une société écran luxembourgeoise.
Les Galeries Lafayette proposaient 1,8 milliard
L’émirat s’est obstiné à faire croire qu’il se contentait de s’associer au groupe Maurizio Borletti (détenteur de 30% des parts) afin de racheter les 70% du fonds d’investissement RREEF (filiale de Deusche Bank) qui voulait s’en débarrasser. En réalité, son intention était claire : il voulait racheter la totalité du Printemps. Mediapart a révélé les accords le 21 décembre 2012, prévoyant que French properties, propriété personnel de l’émir Al Thani, rachète le groupe pour 1,6 milliard d’euros par le biais d’une structure "directement ou indirectement détenue par l’acquéreur".
Selon nos informations, parmi les actionnaires du groupe (Dassault, Naouri, Allianz, les anciens propriétaires de Picard… ) certains soupçonnent le président Borletti d’avoir bénéficié des largesses qataries. Cela expliquerait peut-être son empressement à vendre, dans la plus grande opacité, le Printemps aux fonds qataris pour un montant de 1,6 milliard d’euros, alors que les Galeries Lafayette en proposaient autour de 1,8 milliard. "C’est lui qui a signé l’accord du 21 décembre, sans même en référer aux autres actionnaires", s’étonne un cadre du groupe. "Aucun plan n’a été présenté, le personnel est tombé des nues".
Une vitrine pour Sheikha Mozah
Il se dit que le patron a été reçu comme un prince à Doha, et qu’il aurait obtenu, pour sa coopération, de larges commissions qui seront versées, elle aussi, au Luxembourg, donc exonérées d’impôt. Certains parlent de près de 40 millions d’euros, sans compter les autres dizaines de millions d’euros destinés aux différents intermédiaires. C’est donc une mystérieuse société d’investissement luxembourgeoise baptisée "Disa", récemment créée avec un capital de 31 000 euros, qui devrait opérer le rachat. On ne sait toujours pas l’origine précise des fonds qataris. S’agit –il de l’émir lui-même, ou de son épouse, la sheikha Mozah, qui a toujours aimé la mode parisienne au point d’espérer concurrencer LVMH avec son Qatar Luxury group.
Une ligne de joaillerie et de maroquinerie, pensée avec les plus grands designers, est actuellement en création à Doha. La Sheikha veut-elle se servir des vitrines du Printemps pour exposer ses modèles ?
Source Le Nouvel Observateur Sophie des Déserts
Le Pèlerin