L’Algérie, pays de rêves...
En Algérie, mon beau pays, il y fait bon vivre. Le climat aux quatre saisons, avec de la neige comme cerise sur le… butane, apporte déjà sa touche particulière.
La population adoptant un optimisme béat, porte en elle des qualités et des valeurs ancestrales ; accueil, solidarité et fraternité sont un ancrage indélébile émanant de nos aïeux. Nos jeunes et nos enfants, évoluant dans des cadres agréables parmi des familles heureuses, suivent pour la majorité une instruction pleine, meilleure que celle dispensée dans les pays développés et ils sont 99 % à décrocher un diplôme ; ils trouvent immédiatement emploi, chaussure à leur pied. Heureux, ils adorent naviguer sur des barques qu’ils confectionnent eux-mêmes, pour la plaisance ou pour la pêche, et regagnent illico presto, la nuit tombée, nos rivages propres et accueillants. Leurs autres hobbies sont la lecture, le théâtre, l’opéra et la musique classique. Ils se marient très jeunes en raison de la grande disponibilité de logements à portée de toutes les bourses. Chacun d’entre eux n’a qu’un seul logement décent pour toute son existence et ça suffit amplement à son bonheur. Un salaire ou une pension permettent de subvenir largement à toutes les dépenses d’une famille, les prix de tous les produits de consommation ayant perdu leur dernier zéro (alors que les pays d’en face perdent des A), ce qui rend accessible tout ce dont vous avez besoin. Il paraît que la pomme de terre est cédée à 5 DA. Les routes sont multipliées ou élargies et autorisent une plus grande fluidité dans la circulation automobile et nous avons beaucoup d’égards de la part des agents de l’ordre ; nous nous saluons réciproquement avec cordialité. Nous avons appris à conduire avec beaucoup de prudence, sans jouer des coudes, et un autre zéro est retranché sur les chiffres annuels indiquant les sinistres, les morts et les blessés. Les taxieurs, en tenue de service, s’arrêtent avant que vous ne leviez le bras ; ils sortent prestement de leurs véhicules, vous ouvrent la portière, vous prennent en famille pour un seul tarif, et vous déposent sur le lieu exact de votre destination. Les postes ou les télécommunications sont un bonheur pour l’aimable clientèle ; en moins de cinq minutes, vous retirez de l’argent ou un courrier dans une ambiance bon enfant : les employés, heureux, s’activent sans relâche. Les documents administratifs dont vous avez besoin vous coûtent également quelques minutes dans la mesure où tous les guichets des institutions civiques sont dotés de moyens informatisés qui sont très bien entretenus. C’est presque un plaisir que de faire une chaîne qui tourne court, hélas. Tous les immeubles des villes du pays se sont donné le mot pour rutiler de propreté et d’esprit de bienséance entre voisins. Tous les ascenseurs fonctionnent grâce à une maintenance régulière, ce qui fait le bonheur des personnes âgées qui ont des enfants diplômés et travailleurs qui aiment s’adonner à la pêche et à la musique classique, entre autres... Monsieur Eugène Poubelle (d’où son nom, précurseur de la récupération des déchets pour améliorer l’hygiène) est très respecté chez nous et c’est dans des sachets hermétiques que nous déposons tous les soirs, avec discipline, les restes de nos riches produits consommations, achetés presque gratuitement (rappelez-vous de l’issue du dernier zéro) avec notre forte monnaie. S’il vous arrive une fois dans votre vie de tomber malade, n’ayez crainte ; les services des urgences des hôpitaux vous accueillent à bras ouverts et votre prise en charge est immédiate. On vous fait passer tous les examens possibles, au scanner s’il vous plaît. Vous en ressortez totalement requinqué, presque à regrets. Toutes nos pharmacies sont convenablement achalandées en médicaments passés au peigne fin pour éviter ceux qui seraient proches de la péremption, et les assurés sociaux en bénéficient gratuitement. Les vignettes rouges ? C’est quoi ça ? Dans les autres pays, on ne cesse de faire étalage de la corruption. Je crois que c’est un méchant mot qui désigne une incitation à agir contre le devoir et de façon peu scrupuleuse. Ça ne nous ressemble pas, car nous avons tout pour vivre propres et heureux, de façon conviviale, pouvoir faire de la plaisance en bateau, circuler librement avec fluidité, être parfaitement soigné et ancrer à sa progéniture l’idée de rester dans son pays et de n’utiliser l’essence ou le mazout que pour se réchauffer ou pour faire le plein d’un réservoir d’automobile. Ceux qui sont partis ? Tant pis pour eux ; ils ne savent pas ce qu’ils ratent. Bientôt nous serons à la fête, le 10 mai, je crois. Nos médias lourds et moins lourds ne parlent que de ça. Toute la population sera ravie de voter pour pérenniser nos existences décentes et celles des milliers de candidats prêts à se sacrifier sans calculs pour la patrie et…» Debout ! Il est six heures ! Descends vite faire la chaîne pour le lait. Le livreur vient d’arriver!» A demi-réveillé et secoué, je réalise que mon rêve prend fin brutalement ; mais quelle chance de l’avoir vécu. J’attends avec impatience la nuit prochaine pour replonger dans d’autres belles aventures. A suivre…
Source Le Soir d’Algérie Kamel Adjou
Le Pèlerin