Chanson pour l’Auvergnat
Elle est à toi cette chanson
Toi l’Auvergnat qui sans façon
M’as donné quatre bouts de bois
Quand dans ma vie il faisait froid
Toi qui m’as donné du feu quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
M’avaient fermé la porte au nez
Ce n’était rien qu’un feu de bois
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr’ d’un feu de joie
Toi l’Auvergnat quant tu mourras
Quand le croqu’mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au père éternel.
Elle est à toi cette chanson
Toi l’hôtesse qui sans façon
M’as donné quatre bouts de pain
Quand dans ma vie il faisait faim
Toi qui m’ouvris ta huche quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
S’amusaient à me voir jeûner
Ce n’était rien qu’un peu de pain
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûle encore
A la manièr’ d’un grand festin
Toi l’hôtesse quant tu mourras
Quand le croqu’mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au père éternel.
Elle est à toi cette chanson
Toi l’étranger qui sans façon
D’un air malheureux m’as souri
Lorsque les gendarmes l’ont pris
Toi qui n’as pas applaudi quand
Les croquantes et les croquants
Tous les gens bien intentionnés
Riaient de me voir emmener
Ce n’était rien qu’un peu de miel
Mais il m’avait chauffé le corps
Et dans mon âme il brûler encore
A la manièr’ d’un grand soleil
Toi l’étranger quant tu mourras
Quand le croqu’mort t’emportera
Qu’il te conduise à travers ciel
Au père éternel.
Georges Brassens
Etonnants sont ces propos, étonnante cette chanson
cette chanson comme "évangélique"…Il y a en effet un rapport plus qu’évident à faire avec l'Evangile selon Matthieu (25, 35-36), qui rapporte les propos du Christ : « J’avais faim. Vous m’avez nourri. J’avais soif. Vous m’avez donné à boire.
J’étais un étranger. Vous m’avez ouvert votre porte.
J’étais sans vêtements. Vous m’avez vêtu…. »
Le Christ est remplacé par un « marginal », mis au ban de la société, et c’est un simple Auvergnat, lui-même exclu de la majorité bien pensante, qui vient à son secours, avec ses maigres moyens.
Cette discrétion dans la « bonne action » est clairement le reflet de la modestie prêchée par le Christ.
Or Brassens était un anticlérical fanatique; il serait gêné qu'on le récupère ainsi.
En réponse à ceux qui le taxaient de "Chrétien sans le savoir", il a écrit la chanson assassine « Tempête dans un bénitier ».
Quant aux Auvergnats, ils n’ont pas la réputation d’une forte générosité, comme les habitants de nombreuses contrées fort reculées, où un sou est un sou…
Des études plus approfondies laisseront penser que Brassens s’adressait à Quelqu’un de bien précis, voire Quelqu’une….
Laissons Brassens à ses contradictions et ses idées, sans essayer de les récupérer, constatons que les valeurs que ses textes véhiculent des valeurs d'humanité et goûtons simplement sa belle écriture pleine d'humour et de culture.
Le Pèlerin