Economie - Les ravages de l’austérité ? Une « simple » erreur de modèle du FMI
Ce sont deux économistes de l’institution elle-même qui le disent. Le FMI s’est trompé dans ses prévisions de croissance en raison d’un « effet multiplicateur » erroné des coupes budgétaires.
Mots-clés : CRISE, austérité, modélisation, modèle, mathématique
Mais pourquoi donc les coupes dans les dépenses publiques recommandées par les institutions financières ne semblent rien régler à la crise ? Pourquoi les prévisions de croissance restent-elles en berne ? Parce que le FMI s’est trompé. C’est la conclusion de deux économistes du... FMI, Olivier Blanchard et Daniel Leigh, dans un document d’une quarantaine de pages publié en ce début d’année.
Ils le reconnaissent sans fard : la modélisation mathématique utilisée par le FMI pour établir ses prévisions de croissance en fonction des coupes budgétaires est erronée !
Le mécanisme est celui-ci : quand le FMI préconise une baisse de 100 dans les dépenses publiques (ou une hausse de 100 dans l’imposition), il est censé en découler une baisse de 50 en matière de croissance du PIB. L’effet multiplicateur est de 0,5. Or, le FMI s’est rendu compte qu’il avait finalement atteint... 1,6, aggravant systématiquement la situation des pays appliquant l’austérité !
Bien sûr, les deux économistes précisent en préambule qu’ils ne s’expriment pas au nom de leur institution et que leur étude n’engageait qu’eux. Mais l’aveu est de taille (et la démarche inédite), même si Olivier Blanchard critique les politiques d'austérité depuis 2009-2010, craignait de voir plonger les économies européennes...
« Cette situation illustre la différence de niveau de confiance que l’on peut accorder à des résultats issus de modèles relevant d’un côté des sciences molles, comme l’économie, et de l’autre des sciences dures, note l’économiste et consultant indépendant Norbert Gaillard. On peut avoir des problèmes similaires en sciences dures mais pas à ce point. »
Le FMI n’a pas à proprement parlé commis d’erreur de calcul. Il a pêché en amont, en construisant son modèle de calcul. Celui-ci est basé sur des historiques de crises remontant aux années 60 et 70. Évidemment, tous les pays ne vont pas obtenir le même multiplicateur, relève Norbert Gaillard : « Le FMI va s’apercevoir que dans certains pays, le multiplicateur se situe entre 0,3 et 1,3, avec une forte concentration entre 0,4 et 0,7 et quelques cas entre 0,9 et 1. Du coup, il se fixe sur un multiplicateur de 0,5.»
Cette modélisation a le tort de partir du principe que les mêmes causes et situations de bases entraîneront les mêmes effets. Or, la matière économique est intimement liée au politique, au social, à l’institutionnel.
« Contrairement aux sciences dures, nous ne sommes pas dans un monde expérimental vierge et duplicable, où un cas n évolue mathématiquement vers le cas n+1. »
Le monde réel n’a rien d’un modèle linéaire. Les politiques d’austérité génèrent au contraire des « effets cliquet » qui perturbe cette linéarité : du chômage en masse va causer des troubles sociaux, des responsables politiques vont craindre pour leur réélection et altérer leurs décisions, etc. Autant d’éléments qui ne sont pas intégrés dans les modèles.
De plus, remonter aux années 60 ne suffit plus. « Le ralentissement des pays développés est sans précédent depuis les années 30, insiste Norbert Gaillard. Il n’était pas aussi fort dans les années 70, ni même en 1992-1993. Si on s’en tient aux petites crises, le modèle ne marchera pas. »
Source Sciences et Avenir Arnaud Devillard
Le Pèlerin