Algérie - Le chèque, le sachet et l’alternance
Le Conseil des ministres de dimanche dernier l’a décidé : d’ici mars 2011, on devrait, une fois de plus, se séparer du sachet noir. Le chèque et la carte électronique, qui ont déjà été “habilités”, une première fois pour les sommes supérieures à cinquante mille dinars, sans succès, sont “réhabilités” pour les paiements qui dépassent les cinq cent mille dinars.
En multipliant le plafond de paiement par monnaie fiduciaire, le gouvernement a-t-il tenu compte de l’inflation qui n’a tout de même pas été de 900% en cinq ans ? Ou bien a-t-il revu à la baisse ses ambitions à rendre visible le mouvement de circulation de l’argent ?
On se souvient que l’expérience d’éradication du sachet noir a été tentée, une première fois en 2005, pour la même raison de transparence des flux financiers et une seconde fois, à la fin de la même année, pour des raisons d’écologie alimentaire. Mais pour la même raison, le sachet renaissait invariablement de ses cendres : au pays de la “chkara”, le sachet est plus fort que la loi.
Le même jour, le Conseil des ministres s’attaquait à la réglementation des marchés publics et au “sachet” en instituant à nouveau l’obligation de paiement, à partir d’un certain niveau de dépense. Si le sachet est à la base de la corruption, dans sa manifestation locale, il ne fait que compléter les procédés plus complexes de la grande corruption qui opère sur les transactions internationales des entreprises et de l’État.
Le sachet n’est que le mode de détournement du pauvre. Mais utilisé à grande échelle, il peut soutenir des transferts considérables, comme on a eu à le constater lors du procès de la caisse Khalifa qui, par certains aspects, s’est résumé au remake virtuel d’un ballet pluriannuel de sachets transitant entre caisses, agences, malles de véhicule, voire bennes de camion ! Dommage que ce genre de reconstitutions ne mobilise que les exécutants : caissiers, chauffeurs, secrétaires… Difficile de retrouver l’origine et la destination des sacs de billets. C’est l’arrêt de renvoi qui voulait qu’il en soit ainsi, disait-on à l’époque, empêchant la suite judiciaire de retracer jusqu’au bout les itinéraires de ces coffres en plastique.
Si le sachet pollue le circuit économique autant que le circuit alimentaire, qu’est-ce qui empêche de le prohiber purement et simplement ? L’obligation du chèque peut y aider, mais…
Le Premier ministre Ouyahia réussira-t-il là où le Chef du gouvernement Ouyahia a échoué ? Même s’il a révisé à la hausse la somme transférable par monnaie fiduciaire, imposera-t-il cette fois-ci le mode de paiement scriptural ?
Cette question posée, on se souvient que sa dernière tentative, à la suite de quoi il dut céder sa place à un Belkhadem apparemment plus accessible aux besoins de l’économie informelle, ne lui a pas porté chance. On peut même faire le raccourci et trouver là l’explication du boycottage actuel du Conseil des ministres par le chef du FLN.
Mauvais présage donc pour l’actuel coordinateur — il ne faut pas dire chef, n’est-ce pas ? — de l’Exécutif. Comme c’est ce genre de soucis qui préside à l’alternance au pouvoir, aux postes plus exactement, on peut gager que d’ici mars 2011, Belkhadem sera à la tête du gouvernement pour suspendre le décret imposant le chèque... Et préparer les législatives de 2012.
Source Mustapha Hammouche
musthammouche@yahoo.fr
Le Pèlerin