Mariage mixte et immigration
Le parcours du combattant (2/2)
Dans une contestable logique de suspicion de l’acte de mariage dressé à l’étranger, la loi du 14 novembre 2006 ajoute un chapitre II bis dans le titre V du livre 1er du code civil. L’objet est de renforcer le contrôle de la validité des mariages célébrés à l’étranger entre Français ou entre un Français et un étranger. Il n’est pas certain que les nouvelles dispositions soient suffisamment lisibles au regard notamment des règles qui régissent le droit international privé. Quels que soient les arguments que l’on puisse avancer, ce dispositif vise des communautés non européennes décrites par le rapporteur de la loi. Le principe de confiance mutuelle entre les Etats disparaît avec ce texte.
II.1. Les formalités préalables au mariage
L’audition préalable : Elle doit être organisée à l’occasion de deux formalités préalables au mariage : lors de la délivrance du certificat de mariage et lors de la publication des bans. Le régime de l’audition est largement identique à celui prévu pour les mariages en France. Transposé dans l’ordre international, l’audition pose un problème de qualification et semble devenir une condition de fond du mariage. Un argument en faveur de cette opinion peut être tiré de l’audition lors de la transcription du mariage. Dans ces conditions, elle devient obligatoire pour le conjoint de nationalité française, même s’il possède également la nationalité algérienne. Seul le mariage de deux conjoints algériens échappe à ce contrôle préventif même si l’un des époux réside habituellement en France et y est titulaire d’un titre de séjour. Un mariage de complaisance reste pourtant possible. L’article 171-3 du code civil marque ainsi une défiance à l’égard de l’officier d’état civil algérien qui célèbre le mariage, soupçonné, à tort, de se prêter à la fraude au mariage. Le certificat de capacité au mariage : L’article 171-2 du code civil exige la production d’un certificat de coutume délivré par l’autorité diplomatique compétente au regard du lieu de célébration. Il n’est délivré que lorsque l’ensemble des formalités prévues par l’article 63 du code civil seront réunies. L’opposition du procureur de la République : L’article 171-1 du code civil organise une procédure d’opposition spécifique. En effet, lorsque l’autorité diplomatique ou consulaire croit déceler des indices sérieux laissant présumer qu’un tel mariage encourt la nullité au regard des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180, ou 191, elle saisit, sans délai, le procureur de la République qui a deux mois pour faire connaître à l’autorité diplomatique française, et aux futurs conjoints, par décision motivée, qu’il s’oppose à cette célébration (C. civ., art. 171-4). Ce dispositif marque une certaine méfiance à l’égard de l’autorité algérienne qui procède à la célébration du mariage entre un Français et un conjoint de nationalité algérienne en créant un obstacle à son office. Pourtant, les règles de forme du mariage, y compris celui d’un Français à l’étranger, se trouvent régies par la loi algérienne en vertu de l’article 171-1 du code civil. Les dispositions introduites par la loi du 14 novembre 2006 deviennent des règles matérielles qui s’imposent aux Français désireux de se marier à l’étranger. La mainlevée de l’opposition peut être demandée au tribunal de grande instance par les futurs époux ( C. civ., art. 176-1). A cette occasion, le TGI sera amené à vérifier l’exigence du consentement selon l’article 146 du code civil qui constitue une condition de fond, régie par la loi française. La prévention des mariages frauduleux ne nécessite pas une telle défiance à l’égard de l’autorité algérienne. Cette dernière aura à cœur, au moins à l’égard du conjoint de nationalité algérienne, de vérifier que toutes les règles ont été respectées. Le contrôle initié par la loi du 14 novembre 2006 retrouve encore son effet à l’occasion de la transcription.
II.2. Le contrôle postérieur à la célébration : la transcription
La transcription d’un acte d’état civil étranger constitue une mesure de publicité légale qui suppose la vérification de sa validité au regard des exigences de la loi française tant sur la forme que sur le fond.
II.1.1. Le contrôle avant la transcription
La formalité de la transcription est indispensable pour faire produire des effets en France à un mariage célébré à l’étranger avec un Français ou une Française, et notamment son opposabilité aux tiers, particulièrement à l’égard de l’administration (C.civ., art. 171-5). En l’absence de transcription, le mariage valablement célébré par une autorité étrangère produit néanmoins des effets civils en France à l’égard des époux et des enfants. Or, l’effet recherché est souvent lié à la condition de l’étranger, soit pour l’acquisition de la nationalité française (C.civ., art. 21-2), soit pour l’obtention d’un titre de séjour temporaire en France (C. des étrangers, art., L 313-11), ou d’une carte de résident (C. des étrangers, art. L 314-9). Précisément, tout est organisé pour empêcher la réalisation de cet effet. L’audition lors de la demande de transcription de l’acte de mariage célébré par l’autorité étrangère devient obligatoire en l’absence de production du certificat de mariage. Les époux sont entendus, ensemble ou séparément, par l’autorité diplomatique ou consulaire. En d’autres termes, un Algérien est convoqué pour s’expliquer sur le mariage qu’il vient de contracter avec un conjoint de nationalité française, voire binational. L’autorité diplomatique ou consulaire informe le ministère public et sursoit à la transcription (C. civ., art. 171-2), lorsque l’audition révèle des indices sérieux laissant présumer que le mariage encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191 du code civil. Le procureur de la République a six mois pour se prononcer sur la transcription. S’il ne s’est pas prononcé à l’échéance de ce délai ou s’il s’oppose à la transcription, les époux peuvent saisir le tribunal de grande instance pour qu’il soit statué sur la transcription du mariage. Le tribunal de grande instance statue dans le mois. Le même délai s’applique en cas d’appel. Lorsque le procureur de la République demande, dans le délai de six mois, la nullité du mariage, il ordonne que la transcription soit limitée à la seule fin de saisine du juge. Elle ne produira d’effet qu’à l’égard des époux et des enfants du couple (C. civ., art. 171-7). On observera que la communauté de vie est retardée tant que le tribunal ne se sera pas prononcé. Le temps est alors utilisé pour décourager les époux.
II.1.2. Le contrôle après la transcription
Le mariage régulièrement transcrit sur les registres de l’état civil français est de droit lorsque toutes les formalités ont été respectées (C. civ., art. 171-8). Seulement, une présomption de fraude s’attache au mariage mixte. Ainsi, si après la transcription, des éléments nouveaux fondés sur des indices sérieux laissent présumer que le mariage encourt la nullité au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, l’autorité diplomatique ou consulaire, après audition des époux, informe le procureur de la République et sursoit à la transcription. Le procureur de la République dispose de six mois à compter de sa saisine pour demander la nullité du mariage. S’il ne s’est pas prononcé dans le délai, l’autorité diplomatique ou consulaire transcrit l’acte de mariage (C. civ., art. 171-8). Au terme de cette étude des nouvelles mesures de maîtrise de l’immigration qui entourent la célébration du mariage, on éprouve le sentiment d’un régime déraisonnable parce que humiliant. Si légitime que soit la lutte contre les mariages simulés, il y a bien atteinte à la liberté de se marier. La juxtaposition de tous ces points de contrôle fait du mariage mixte un véritable parcours du combattant par l’extension des pouvoirs de l’officier d’état civil. Le rôle accru du procureur de la République fait qu’il devient le garant de l’union conjugale avant la célébration du mariage et lors de sa transcription. Il en surveille également les effets puisqu’il peut demander la nullité sur une période de cinq ans. On rappellera que l’accès à la nationalité française s’est durci puisque l’article 21-2 du code civil exige que la communauté de vie tant affective que matérielle n’ait pas cessé entre les époux après un délai de quatre ans à compter du mariage. Par ailleurs, le séjour en France impose la délivrance d’un titre de séjour temporaire en France (C. des étrangers, art., L 313-11, 4°) dès lors que l’étranger justifie d’un visa long séjour. C’est dire la difficulté d’obtenir un tel visa. Enfin, l’obtention d’une carte de résident est subordonnée à l’existence de la communauté de vie depuis au moins trois ans depuis le mariage (C. des étrangers, art. L 314-9, 3°). Ces règles sur le séjour ne s’appliquent pas aux Algériens régis par le traité du 27 décembre 1968 modifié (avenant du 11 juillet 2001). Alors que la désunion devient plus permissive, l’étranger qui épouse un Français est « condamné » à ne pas se tromper de partenaire au risque de tout perdre. Ce n’est plus de l’amour, cela devient de l’abnégation.
Source El Watan
Le Pèlerin