Présidentielles françaises : programmes ternes, élection à surprise
Nicolas Sarkozy, après une campagne surtendue, commencerait à dévisser dans certains sondages. C'est aussi l'une des conséquences inattendues de l'attentat islamiste qui a endeuillé Alger, la semaine dernière.
85% des Français se déclarent intéressés et satisfaits par la campagne présidentielle ! C'est pratiquement le double des étiages recueillis lors des scrutins des années 80/90. Pourtant, les analyses et les propositions innombrables des candidats sont, sans être outrageusement cruel, consternantes d'ennui et de conformisme. Beaucoup de promesses à de micro-clientèles, guère de mesures d'ensemble, peu de vision internationale. Mais voilà ! Cette campagne terne retient l'attention des Français.
C'est hélas ! un peu comme à la Star Academy, ce qui compte, c'est l'action au jour le jour, pas le résultat ! A preuve, une petite moitié de mes concitoyens restent indécis sur le candidat de leur choix. Ségolène ? Sarko ? Le Pen ? Bayrou ? Un des cinq candidats d'extrême gauche ? Les Verts ?...
La plupart des électeurs, même quand ils ont fait leur choix, ne sont pas bien persuadés du résultat final du scrutin présidentiel.
Les organismes de sondages, c'est leur métier, sont bien plus affirmatifs : selon Ipsos ainsi, en début de semaine, le candidat UMP Nicolas Sarkozy est en tête des intentions de vote au premier tour de l'élection présidentielle avec 29,5% ( 1), devant la socialiste Ségolène Royal à 24,5 (-0,5), l'UDF François Bayrou à 18,5% et le président du Front national Jean-Marie Le Pen à 13,5% (-0,5). Mais, reconnaît l'Institut Ipsos, « la marge d'erreur de cette enquête est de plus ou moins trois points de pourcentage pour les principaux candidats ». La société CSA, de son côté, prévoit pour la 1ère fois au second tour, un coude à coude 50/50 entre Ségolène Royale et Nicolas Sarkozy.
Le 23ème président ou la 1ère présidente
Nous entrons dans les derniers jours de la campagne présidentielle française : le 22 avril au soir, nous saurons quels sont, sur les douze candidats autorisés à concourir, les deux finalistes choisis par ceux des 44,5 millions d'inscrits qui auront voté. L'un des deux sera, le 6 mai au soir, le sixième président de la Ve République française - et le vingt-troisième président de la République française, le premier étant Louis Napoléon Bonaparte (IIe République), élu en 1848 (il choisira de rétablir l'Empire en 1851). La première république a été proclamée le lendemain de la victoire inespérée des troupes de Dumouriez sur les Prussiens à Valmy (20 septembre 1792). Les Français voteront peut-être pour la 1ère Présidente de l'histoire de la République...
Louis Napoléon Bonaparte avait été plébiscité par 74% des électeurs, mais le record absolu a été obtenu avec le triomphe de Jaques Chirac, en 2002, qui l'emporta sur Jean-Marie Le Pen avec 82% des voix. Son successeur, homme ou femme, aura du mal atteindre ce pic de popularité électorale. Sauf, bien sûr, si Jean-Marie Le Pen réussit à nouveau à être le challenger du second tour...
Le vieux leader du Front national est bien capable de rééditer son exploit de 2002. La stratégie de fin de campagne de Nicolas Sarkozy pourrait en effet le servir. L'ancien ministre de l'Intérieur est un animal politique : déterminé, brillant, infatigable, « habité » par sa campagne électorale et son destin futur, comme il l'a déclaré lui-même, avant-hier, en se recueillant devant la tombe de Charles de Gaulle.
Habité ! C'est là le problème de Nicolas Sarkozy : il en fait toujours un peu trop.
Le patron de l'UMP a ainsi durci nettement son discours en espérant gagner des voix lepénistes : il a ainsi lancé l'ubuesque idée d'un « ministère de l'identité nationale et de l'immigration », aux relents très pétainistes. Il s'est également égaré dans des propos quelque peu confus sur une origine « génétique » de la pédophilie ou de l'homosexualité. Ce salmigondis proche du discours des néos-conservateurs américains a laissé de marbre l'électeur lepéniste qui semble toujours préféré « l'original à la copie ». Jean-Marie le Pen, quand même un peu inquiet, n'a pas manqué avec l'élégance qu'on lui connaît, de rappeler les origines hongroises du Nicolas Sarkozy qui le disqualifieraient, selon lui, à représenter le peuple français.
L'erreur de Nicolas Sarkozy, qui est grand commanditaire de sondages, est peut-être de faire un vrai gros contresens dans leur interprétation. Dans le cas d'un scrutin présidentiel, à la question « qui va gagnez ? », les sondés répondent avec intelligence sur les personnalités qui leur paraissent avoir le plus de chance d'être éligibles. Pour 2007, il s'agit naturellement de Royal, de Sarkozy et dans une moindre mesure Bayrou. Vont-ils voter pour ces trois « gagnants ». Que nenni ! Ils vont voter au premier tour, d'abord pour leurs idées.
Nicolas, en tête, inquiète
Dans ce contexte, en entendant Nicolas Sarkozy reprendre les thèmes électoraux de l'extrême droite, les électeurs d'extrême droite ne vont pas trouver un encouragement à voter UMP mais bien plus une légitimité à voter Le Pen. C'est ainsi que l'on a noté, depuis quelques jours, une perte de deux points dans les sondages (non redressés) pour Sarkozy et une montée équivalente pour le Pen.
De la même façon, la droite française utilise à chaque échéance électorale, l'arme de la sécurité. L'élection 2002 avait été dominée par un fait-divers et les images récurrentes d'un vieillard agressé. On a su plus tard que toute l'affaire avait été un montage...
En 2007, les occasions ne manquent pas pour ceux qui réclament un régime plus « musclé » des incidents à la gare du Nord à un attentat revendiqué par Al Qaida dans un pays proche, l'Algérie. Mais, le candidat Sarkozy peut-il se plaindre du laxisme du gouvernement auquel il appartenait et au ministre de l'Intérieur qu'il a été quasi continûment pendant cinq ans ?
L'attentat d'Alger a remis au premier plan l'angoisse suivante : quels effets politiques si un attentat se déroulait dans l'Hexagone dans les prochaines semaines ? Nul ne saurait anticiper les réactions du corps électoral.
Bref, Nicolas Sarkozy ne convainc pas les « ultras » qui exigent une politique beaucoup plus dure et inquiète beaucoup de Français qui ne souhaitent que les libertés publiques soient malmenées plus que de raison.
Et surtout, l'ancien ministre de l'Intérieur n'arrive pas à se départir d'une image inquiétante, d'un discours de forte autorité porté par une personnalité parfois fragile comme l'a montré son désarroi lors de difficultés privées qui semblent se poursuivre.
Ce qui maintient en revanche le patron de l'UMP à la tête du peloton, ce sont les difficultés et les handicaps de ses principaux concurrents.
François Bayrou ? Il a séduit les Français avec son projet de « grande Alliance » gauche / droite comme cela se pratique actuellement en Allemagne. Il serait le mieux à même de battre Nicolas Sarkozy au second tour. Il est sympathique, il a la langue bien pendue et la réputation d'être un honnête homme. Mais il n'a pas d'armée et ses rares députés ne sont élus que par l'apport des voix de la droite.
Ségolène Royale ? Elle est d'une rare constance, elle a le cuir épais, elle est intuitive. Elle a des chances tout à fait sérieuses de devenir la 1ère Présidente de la République française qui avait pris une femme, Marianne, comme image emblématique. Mais, comme dans le cas de ses deux principaux concurrents, trois mois de campagne n'ont pas permis de faire émerger quelques idées-forces qui structureraient la France dans la décennie. Elle dispose d'une bonne machine électorale, mais le PS n'est plus vraiment un parti mais un « syndicat d'élus » aux intérêts locaux de plus en plus contradictoires.
L'inconnue du 3ème tour
Nous avions déjà signalé dans ces colonnes, que l'élection présidentielle ne déterminera, grosso modo, que la moitié du nouveau visage de l'exécutif. Un, ou une Présidente, sera élu le 6 mai prochain. Il lui faudra cependant attendre le 17 juin, second tour des élections législatives, pour savoir s'il ou elle disposera de la majorité parlementaire nécessaire pour appliquer sa politique. Rien ne dit que les électeurs français ne seront pas tentés en juin non pas de confirmer mais de corriger leur choix de mai. La presse n'en parle pas, les institutions de sondages non plus mais les États-majors se préparent au pire : Sarkozy élu mais pendu à une majorité socialo-centriste, Ségolène couronnée avec une « marée bleue » (couleur de l'UMP) à l'Assemblée nationale, ou toute autre formule de cohabitation musclée. Il y a fort à parier, en effet, que le peuple français ne se contente pas de l'offre politique actuelle et ne résiste pas à la tentation d'imposer à la classe politico-médiatique, une solution diaboliquement originale. Après tout, comme le rappelle le préambule de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, un peuple qui a inscrit dans ses textes fondateurs, le droit au bonheur pour tous, n'est pas tout à fait sérieux : « Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous ».
Source le Quotidien d’Oran
Le Pèlerin