Les dits et les non-dits !
Dans les années 1970 déjà, on parlait de l’épuisement des réserves pétrolières algériennes dans une vingtaine d’années.
Le pétrole est une énergie non renouvelable et viendra le jour où elle s’épuisera. Mais quand cela se produira-t-il ? Le sujet fait débat dans tous les pays producteurs de pétrole, dont bien évidemment l’Algérie.
Pour les uns, la fin des réserves pétrolières est toute proche. «C’est l’affaire de quelques années», affirment-ils. Pour les autres, en revanche, l’or noir a encore de beaux jours devant lui dans la mesure où de nouvelles réserves sont découvertes chaque année dans le sud du pays. «Avec l’utilisation de technologies de plus en plus pointues, il y aura certainement plus de découvertes, sachant que le potentiel de l’Algérie est énorme», relèvent-ils.
A dire vrai, l’hypothèse de la fin imminente du pétrole dans notre pays ne date pas d’aujourd’hui. Ceux qui ont travaillé dans le Sud dans la deuxième moitié des années 1970 se souviennent encore de ce qu’on leur disait déjà à l’époque. «On nous distribuait des prospectus sur lesquels était écrit noir sur blanc : ‘’Il n’y aura plus de pétrole dans une vingtaine d’années’’», se remémore Ahmed, qui était chauffeur au sein de l’Entreprise nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation et la commercialisation des hydrocarbures (Sonatrach) à Hassi Messaoud, dans la wilaya de Ouargla. Un film avec ce scénario a même été réalisé et diffusé par la Télévision nationale. Mais quelque quarante ans plus tard, l’or noir continue d’être extrait du sous-sol du Sahara. Mieux encore, de nouvelles découvertes d’hydrocarbures sont régulièrement annoncées par la compagnie nationale Sonatrach. Aujourd’hui, l’on ne parle plus de la fin du pétrole en Algérie à l’horizon 2020. «Les réserves ne vont pas s’épuiser à cette date», a affirmé récemment à ce propos le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi. Mais en même temps, il a annoncé la mise en œuvre, à partir du premier trimestre de l’année en cours, d’un programme national de développement des énergies alternatives. Une chose est certaine : les réserves pétrolières s’épuiseront. Quand ? Toute la question est là…
Estimations et contre estimations
Evaluation n La durée de vie des réserves pétrolières de l’Algérie est de 16 ans, avait prédit la société britannique de recherche, d'extraction, de raffinage et de vente de pétrole, BP, dans un rapport publié en juin 2004.
Les réserves prouvées de brut du pays étaient, à la fin 2003, de 11,3 milliards de barils, soit 1,6 milliard de tonnes, avait-elle ajouté. A titre de comparaison, la durée de vie des réserves de pétrole de l’Iran est évaluée à 92 ans, contre 73 pour l’Arabie saoudite, 71 pour le Venezuela, 66 pour la Libye, 43 pour le Nigeria et 22 pour la Russie.
En outre, l’ancien Président-directeur général (P-DG) de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, avait fait part de «18 ans d’exploitation à partir des réserves prouvées» dans un entretien accordé à un confrère en décembre 2007.
Quelques jours après, le ministre de l’Energie et des Mines à l’époque, Chakib Khelil, déclarait à partir de Skikda que le potentiel pétrolier algérien est considérable. «Nous avons des réserves de quelque 40 ans», avait-il poursuivi. Intervenant récemment sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, son successeur, Youcef Yousfi, a abondé dans le même sens en faisant remarquer que les réserves de pétrole ne s’épuiseront pas en 2020, comme cela a été avancé par certains acteurs et observateurs.
Mieux, il a laissé entendre que les stocks pourraient augmenter sensiblement dans les prochaines années à la faveur de la mise en œuvre d’un important programme d'exploration. «Pour 2011, nous allons augmenter l'exploration de plus de 40% par rapport à 2010», a dit le ministre, précisant que l'exploration sera étendue aux zones géologiques les moins connues. En vérité, il est très difficile d’évaluer des réserves que l’on n’a pas encore découvertes.
Tous les pays sont d’ailleurs confrontés à ce problème. Les évaluations sont généralement faites sur la base des données recueillies sur la nature des sols. Ce qui revient à dire que la marge d’erreur peut être grande. Cela étant, les pays producteurs de pétrole évitent généralement de révéler le volume exact de leurs stocks. Il faut dire que la question est très sensible. A en croire certaines sources, des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) fournissent des estimations surévaluées avec pour objectif de préserver leurs quotas de production sachant que ceux-ci sont indexés sur les réserves prouvées.
Une menace pour le pays
Il est de notoriété publique que l’économie nationale est essentiellement basée sur les hydrocarbures qui assurent plus de 90% des recettes du pays. Autant dire que si les réserves pétrolières venaient à s’épuiser, c’est tout le système économique qui s’effondrerait.
Cette dépendance constitue, il est clair, une véritable menace pour le pays. Pour le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui s’exprimait devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN) en décembre 2008, le danger qui guette l’Algérie ne réside pas dans la baisse des prix de l’or noir, mais plutôt dans l’épuisement des réserves.
Selon lui, la production pétrolière nationale connaîtra un recul considérable à partir de 2030. D’où la nécessité d’agir au plus vite de sorte à éviter d’être pris de court. «La crise des prix du pétrole nous a conduits à réfléchir à libérer l'Algérie d'une économie basée sur les hydrocarbures, ce qui requiert un consensus national de tous les acteurs de la société», a indiqué à ce sujet le Premier ministre.
Toujours est-il que peu a été fait jusque-là pour nous prémunir contre les effets de l’épuisement des réserves pétrolières, de l’aveu même de M. Ouyahia. «La crise financière internationale a eu au moins le mérite de nous révéler que nous n’avons pas travaillé en conséquence pour préparer l’après-pétrole», a-t-il dit. Sur ce registre, il y a lieu de noter que les investissements dans le secteur des énergies renouvelables restent encore modestes. Pourtant, notre pays dispose d’un énorme potentiel à même de lui permettre de devenir un leader mondial en matière de production d’énergie solaire. Sur un autre plan, le secteur des hydrocarbures continue de créer des milliers d’emplois, qui seront inéluctablement perdus une fois les réserves pétrolières du pays épuisées.
C’est pourquoi la politique de création d’emplois doit être, d’ores et déjà, axée sur d’autres secteurs. Sur ce registre, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a souligné dans un message rédigé à l'occasion du 54e anniversaire du déclenchement de la Révolution du 1er Novembre que le souci majeur de l’Etat est de «substituer à la manne pétrolière, la valeur ajoutée du travail productif sur les plans, matériel, intellectuel et technologique, et ce, en puisant dans des alternatives à rechercher dans l'agriculture et les industries diverses, notamment les industries de transformation et en accordant davantage d'intérêt aux services et aux sources d'énergie autres que les hydrocarbures».
On se prépare en conséquence
Un programme national de développement des énergies solaire et éolienne constitué de 65 projets doit être mis en œuvre au cours de cette année 2011, a annoncé récemment le ministre de l’Energie et des Mines.
Cela fait bien des années que l’on parle de la nécessité pour notre pays de préparer l’après-pétrole en développant les énergies alternatives. Toutefois, peu de projets ont été lancés jusque-là dans ce cadre. Mais les choses vont normalement changer cette année.
Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, un programme national de développement des énergies solaire et éolienne sera mis en œuvre au cours de l’année 2011, a annoncé récemment le ministre de l’Energie et des Mines. Constitué de 65 projets destinés à produire, dans un premier temps, 2 600 MW d'électricité, ce programme permettra la création de quelque 200 000 emplois, dont 100 000 dans l'exportation.
Il sera financé en partie par l’Etat, afin de satisfaire les besoins internes en matière d’électricité. Pour ce qui est des projets destinés à l’exportation, «ils seront financés dans le cadre d’un partenariat», a expliqué M. Yousfi.
Dans le même ordre d’idées, le ministre a réitéré la disponibilité de l’Algérie à discuter «avec tous ses partenaires sans exception» de tout projet de production d’énergies renouvelables sur le territoire national. «Nous voulons contribuer à approvisionner l'Europe en énergie et nous sommes ouverts à toute proposition», a-t-il dit. Il a tenu, néanmoins, à préciser qu’il n’est pas question que notre pays serve «de cobaye de projets pour les Européens».
Pour illustrer la nouvelle politique du gouvernement en la matière, M. Yousfi a annoncé que la ville nouvelle de Hassi Messaoud sera réalisée et alimentée à partir de sources renouvelables.
La mise en œuvre de ce programme très coûteux, il faut bien le noter, constitue un tournant dans la politique énergétique adoptée par les pouvoirs publics depuis l’Indépendance. Elle signifie clairement, selon les analystes, que l’hypothèse de l’épuisement prochain des réserves pétrolières est prise très au sérieux.
Un vieux dilemme
L’hypothèse de la fin du pétrole remonte au début du siècle dernier. C’est le bureau des mines aux Etats-Unis d’Amérique qui, le premier, a parlé en 1913 de l’épuisement des réserves mondiales de l’or noir dans une quarantaine d’années, soit dans la deuxième moitié des années 1950. Ce qui ne s’est pas produit, bien évidemment. Par la suite, plusieurs estimations ont été faites, à l’instar de celle du Club de Rome en 1972, qui avait fixé l’échéance à la fin des années 1990. Mais tout cela s’est avéré faux. Aujourd’hui, encore et avec tous les moyens technologiques dont on dispose, on n’arrive pas à avoir une réponse précise à la question qui taraude tous les esprits : à quand la fin du pétrole ?
Source Infosoir Kamel Imarazène
Le Pèlerin