Quand l’Europe fait des miracles
Dans son combat pour sauver les banques et la zone euro, elle se donne en spectacle. Elle est discordante, alors que son unité suffirait à elle seule à soulager. Elle avance à un train de sénateur, alors que sa rapidité pourrait guérir. Et pourtant, voilà que l’Europe, en pleine crise, a mis sur orbite un fabuleux projet: Galileo, un système de radionavigation concurrent du GPS, et même supérieur à lui ! Avec une précision pouvant atteindre un centimètre, il fera cent fois mieux que son aîné américain. Stratégique sur le plan militaire, puisqu’il offrira à l’Europe son indépendance en matière de géolocalisation, Galileo sera tout aussi précieux pour les usages civils.
Il faut dire que les objets numériques que les hommes glissent dans leurs vestes, les femmes dans leurs sacs à main et les jeunes dans leurs sacs à dos ne sont pas seulement nomades. Grâce aux smartphones et aux tablettes nous sommes désormais repérés depuis l’espace. Et ce positionnement, au-delà des polémiques sur les libertés individuelles, génère une multitude de services innovants pour les pêcheurs, les randonneurs, les pompiers, les automobilistes, les aveugles, les ambulanciers, les pilotes de ligne, les banquiers… Placer des points sur une carte? C’est un marché. Il est évalué à 250 milliards d’euros d’ici à 2020.
Dans son sillage, Galileo entraîne déjà des trésors de savoir-faire industriel et de technologies numériques et spatiales, comme celles développées par l’allemand OHB. Cet industriel a remporté l’an dernier l’appel d’offres lancé par Bruxelles, contre la filiale d’EADS Astrium. Il fabriquera 14 des 30 satellites de la constellation européenne. D’ordinaire très discret, le patron d’OHB a accepté d’ouvrir ses portes et de répondre aux questions de "L’Usine Nouvelle" (lire notre enquête sur l’industrie spatiale, page 28). Bel exemple de Mittelstand (entreprise de taille intermédiaire), OHB vise dans les dix ans un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros, contre 600 millions en 2010 et à peine 150 millions il y a quatre ans… Merci l’Europe !
Le projet Galileo, qui ne date pas d’hier, a souvent été reporté. Plusieurs fois même, il a failli capoter. L’un de ses promoteurs, l’ancien commissaire européen Jacques Barrot, était d’ailleurs convaincu que son arrêt signerait l’échec du rêve européen. Qu’il soit rassuré : ce rêve pourra se poursuivre ! Le tir par une fusée russe (Soyouz), depuis un site français (Kourou), des deux premiers satellites de la constellation Galileo prouve que l’Union peut faire des miracles.
Source L’Usine Nouvelle Laurent Guez
Le Pèlerin