« Au fur et à mesure, on apprend à se débarrasser de l'inutile »
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« Qui suis-je ? », « De quoi suis-je capable ? », « Où vais-je ? », « à quoi j'appartiens ? » : les quatre grandes questions qui motivent en général le départ du « cheminant » sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Marcheur qui veut autant « éprouver » que « s'éprouver », chercher sa vérité intérieure autant que voir de nouveaux horizons…
« En fait, les chemins de Saint-Jacques sont un espace de psychothérapie, un moment de respiration pour faire le point au milieu d'une société agitée » explique Sébastien Pénari de l'Association de Coopération Interrégionale « les chemins de St-Jacques de Compostelle » (ACIR Compostelle), à Toulouse.
« Les gens attendent que le chemin leur parle, qu'il les révèle à eux-mêmes » souligne Catherine Albrech qui accueille les pèlerins isolés aux sanctuaires de Lourdes, « modeste accueil jacquaire » et variante de la voie du Piémont, avec ses 1299 créanciales (lettre d'accréditation du pèlerin de Saint-Jacques) tamponnées l'an passé.
Le chemin ? Mieux qu'un révélateur… « C'est une République de 1 600 km de long sur 500 mètres de large » explique à présent Jean-Louis Barrère, 51 ans. Et de préciser : « tant qu'on est dessus, on est considéré comme un pèlerin, dès qu'on s'en éloigne, comme un SDF. Cela fait réfléchir au statut de « l'autre » dans notre société ».
Lui ? Il l'a fait en 2002. Mais en VTT et en autonomie totale. Pour le côté sportif, mais surtout « pour se retrouver seul avec [moi-même] , un luxe rare aujourd'hui ». Et s'il n'est pas croyant, le chemin n'en a pas moins changé son rapport au monde, aux gens, à lui-même, reconnaît-il. « Car on part seul, mais on fait beaucoup de rencontres, c'est un vrai partage aussi qui permet d'accepter la différence de l'autre. C'est également un symbole de vie : le chemin va de l'est vers l'ouest, du soleil levant au soleil couchant et entre les deux, on se déleste au propre et au figuré. On se vide la tête et on va vers l'essentiel. On a toujours le sac ou les sacoches surchargés en partant et en route, on apprend à se débarrasser de l'inutile, de l'encombrant. » Marcher, pédaler ? « C'est s'alléger » résume Jean-Louis à qui Compostelle a enseigné la patience et appris qu'il avait « encore du chemin à faire dans cette voie-là ». Voyage vers la légèreté des bonheurs simples qu'il continue à partager : il vit désormais au bord de la voie mythique, toujours prêt à accueillir, héberger d'autres pèlerins.
Quelques chiffres en chemin
Difficile d'avoir une estimation précise de la fréquentation, mais par extrapolation de certains pointages (7 000 à Moissac l'an passé), on peut estimer qu'au moins 30 000 personnes par an traversent Midi-Pyrénées pour un succès mondial impressionnant avec 93 nationalités recensées en 2011. En 2003, une enquête (non remise à jour) établissait que le randonneur « touriste » représentait 26 % des « cheminants », le pèlerin « mystique » 24 %, le « sportif » 21 %, le « métaphysique » 10 % et le « traditionnaliste » 19 %.
Source La Dépêche du Midi
Le Pèlerin