61 personnes ont trouvé la mort dans des affrontements à Tripoli ces derniers heures, selon Al Jazira.
Le mouvement de contestation, qui ébranle depuis près d'une semaine le régime de Mouammar Kadhafi, a gagné la capitale Tripoli pour la première fois dimanche.
Des tirs nourris ont été entendus dans plusieurs quartiers de la ville et des heurts entre opposants et sympathisants du régime ont notamment eu lieu sur la Place verte, selon des témoins.
Les manifestations se poursuivent en Libye
Le siège d'une télévision et d'une radio publiques ont été saccagés dimanche soir par des manifestants à Tripoli.
Des postes de polices et des locaux des "comités révolutionnaires", bras armé de la dictature, ont par ailleurs été incendiés, a-t-on appris lundi. La "salle du peuple", un bâtiment situé près du centre ville et où sont souvent organisées des manifestations et des réunions officielles, a également été la proie des flammes, a déclaré à l'AFP un Tripolitain résidant à proximité.
Evacuer les expatriés
Une trentaine de Français qui travaillaient à l'hôpital de Benghazi, centre de la révolte dans le pays, ont été rapatriés vers la capitale, Tripoli, a annoncé lundi le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Laurent Wauquiez. "On essaie d'organiser les choses pour que la fermeture des écoles françaises soit faite maintenant, encourager les Français et les familles qui sont à Tripoli ou sur l'ensemble du territoire libyen à pouvoir revenir en France. Globalement, notre message, c'est: surtout pas de risque", a-t-il insisté.
Le gouvernement portugais a annoncé lundi l'envoi d'un avion militaire C-130 qui devrait atterrir dans les prochaines heures à Tripoli pour rapatrier ses ressortissants et des citoyens d'autres pays de l'Union européenne (UE).
Certaines entreprises étrangères présentes en Libye, comme les compagnies pétrolières BP et Statoil, vont évacuer une partie de leur personnel sur place. En raison des évènements, les cours du pétrole sont au plus haut depuis septembre 2008.
Selon Reuters, plusieurs centaines de personnes ont attaqué lundi un chantier sud-coréen à Tripoli. Trois travailleurs sud-coréens et un à deux Bangladais ontété blessés lors de l'assaut, selon le ministère sud-coréen des Affaires étrangères sans donner davantage de précisions.
Plus de 200 morts selon Human rights Watch
Human Rights Watch. La plupart d'entre eux ont été tués à Benghazi. 60 personnes y auraient été tuées pour la seule journée de dimanche.
Selon l'un des fils du colonel Kadhafi, Saif Al Islam Kadhafi, qui s'exprimait dimanche à la télévision, les bilans donnés par "les médias étrangers" sont "très exagérés". Il a avancé le chiffre de 84 morts.
Pour l'ancien porte-parole du gouvernement libyen, le pouvoir doit entamer un dialogue avec l'opposition et débattre de l'élaboration d'une constitution. Il faut "reconnaître l'existence d'une opposition populaire interne et entamer un dialogue avec elle pour des changements profonds dans le système libyen", a dit lundi Mohamed Bayou, qui occupait ce poste de porte-parole il y a encore un mois. Sa déclaration pourait marquer des désaccords au sein du régime de Mouammar Kadhafi.
Les informations en provenance de Libye sont rares. De plus, il est difficile d'identifier et vérifier de manière certaine les différents témoignages et bilans provenant de ce pays. De plus, les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre dans le pays depuis le début des violences. Les reporters libyens ne peuvent pas aller à Benghazi. La chaîne de télévision quatarie Al Jazira a accusé lundi les services de renseignements libyens de brouiller son signal dans le pays.
Le fils Kadhafi évoque un risque de "guerre civile"
Mouammar Kadhafi n'a fait aucune déclaration officielle depuis le début du mouvement. Selon certaines rumeurs, il pourrait avoir quitté le pays. Selon son fils, Saif Al Islam Kadhafi, le pays est au bord de la "guerre civile". "La Libye est à un carrefour. Soit nous nous entendons aujourd'hui sur des réformes, soit nous ne pleurerons pas 84 morts mais des milliers et il y aura des rivières de sang dans toute la Libye", a-t-il déclaré lors d'une allocution télévisée dans la nuit de dimanche à lundi,
Saif Al Islam Kadhafi, fils du dictateur libyen, s'exprimant à la télévision (Libyan TV)
"Nous avons le moral et le dirigeant Mouammar Kadhafi mène la bataille à Tripoli et nous sommes derrière lui comme l'armée libyenne", a-t-il déclaré. "Nous ne laisserons pas la Libye à des Italiens ou à des Turcs", a-t-il ajouté. Saif al Islam Kadhafi a accusé les exilés libyens de fomenter les violences.
Dans le même temps, il a promis l'ouverture d'un dialogue sur les réformes et une hausse des salaires. Le Parlement libyen, le Congrès général du Peuple, va se réunir lundi pour discuter d'un programme de réformes, a-t-il annoncé.
La contestation semblait se muer en insurrection dans l'est, surtout à Benghazi, bastion des opposants à 1000 km à l'est de Tripoli. La majorité des personnes tuées lors de la répression l'ont été dans cette ville, la seconde de Libye. Selon un chirurgien, la plupart des dizaines de victimes transportées dans son hôpital ont été tuées par balles.
Un haut responsable libyen a affirmé qu'un "groupe d'extrémistes islamistes" retenait depuis mercredi en otage des membres des forces de l'ordre et des citoyens à Al-Baïda (est), où il a "pendu vendredi deux policiers".
Des affrontements auraient par ailleurs eu lieu dimanche à Zaouia, à 60 km à l'ouest de Tripoli,
Les violences dans l'est de la Libye ont fait fuir des centaines de Tunisiens arrivés dimanche dans leur pays par le poste-frontière de Ras-Jdir. Ils disent vouloir échapper à "un vrai carnage", a indiqué un responsable syndical contacté sur place. "Environ 1.000 Tunisiens sur les 50.000 (vivant en Libye) ont exprimé leur désir de rentrer en Tunisie" et des "contacts sont en cours entre l'ambassade et les autorités libyennes pour faciliter le retour des Tunisiens après la fermeture des aéroports de Benghazi (est) et de Misratah (nord)", a déclaré l'ambassadeur de Tunisie en Libye, Slah Eddinne Jemali.
La France demande la "cessation immédiate" des violences
Les autorités françaises ont appelé lundi à la "cessation immédiate" des violences en Libye, où des manifestations ont été violemment réprimées, a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Bernard Valero, lors d'un point de presse électronique.
"Face à la lourde répression de ces derniers jours, la France est très préoccupée par l'évolution de la situation en Libye. Elle appelle à la cessation immédiate des violences", a-t-il souligné.
Paris demande également aux autorités libyennes de respecter "le droit de manifester pacifiquement et les libertés d'expression et de communication", a-t-il ajouté.
Les ministres des Affaires étrangère de l'UE condamnent "la répression en cours contre des manifestants pacifiques en Libye" et déplorent "la violence et la mort de civils", selon un projet de déclaration cité lundi par Reuters.
Un peu plus tôt, la France avait jugé "inacceptable" cette répression. "La France est extrêmement préoccupée par ce qui se passe" en Libye, selon le ministre des Affaires européennes Laurent Wauquiez. Comme la France, la plupart des pays européens, dont l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Espagne, ont condamné l'usage de la force de la part des forces de sécurité libyennes. L'ambassadeur de Libye à Londres a été convoqué par les autorités britanniques qui ont protesté contre la violence de la répression.
La Libye a fait savoir à l'Union européenne qu'elle suspendrait sa coopération en matière de lutte contre l'immigration vers l'Europe si les Vingt-Sept continuent à encourager les mouvements de contestation en cours, a annoncé dimanche la présidence hongroise de l'UE. Le pays est un point de passage privilégié de réseaux d'immigrants clandestins venus d'Afrique, du fait de ses 2000 kilomètres de côtes et des 4000 km de frontières qu'il partage avec ses six voisins africains.
L'ambassadeur de la Libye en Inde a démissionné pour protester contre la répression violente des manifestations, a rapporté la BBC. Ali Al Essawi, a également accusé le gouvernement d'avoir recours à des mercenaires étrangers. De son côté, le représentant permanent de la Libye auprès de la Ligue, Abdel Moneim Al Honi, a annoncé qu'il démissionnait lui aussi pour rejoindre "la révolution" et protester contre la "violence contre les manifestants" dans son pays.
Les chefs religieux appellent à "la fin du massacre"
Une cinquantaine de dirigeants musulmans libyens ont appelé à la "fin du massacre" à Benghazi.
"C'est un appel pressant de dignitaires religieux, d'intellectuels, de chefs de clan de Tripoli, de Bani Walid, de Zintan, de Jadu, de Msalata, de Misrata, de Zawiah et d'autres villes et villages de l'ouest du pays", peut-on lire. "Nous appelons chaque musulman, qui se trouve au sein du régime ou l'aidant de quelque façon que ce soit, de reconnaître que le massacre d'êtres humains innocents est interdit par notre créateur et par son prophète (...). Ne tuez pas vos frères et vos soeurs. Arrêtez le massacre immédiatement."
Pas de journalistes ni d'internet en Libye
Il est difficile d'identifier et vérifier de manière certaine les différents témoignages et bilans provenant de Libye. Les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à se rendre dans le pays depuis le début des violences. Les reporters libyens ne peuvent pas aller à Benghazi.
Les liaisons téléphoniques sont fréquemment coupées. De plus, il n'y a plus d'accès à internet en Libye où le régime tente ainsi d'empêcher les opposants d'organiser les manifestations. L'accès à internet a été "brusquement interrompu" dans la nuit de vendredi à samedi, a rapporté une société américaine spécialisée dans la surveillance du trafic web, Arbor Networks. Vendredi soir, c'est d'abord Facebook qui avait été coupé, suivi de tout le web.
La "journée de colère" libyenne contre le régime du colonel Kadhafi, au pouvoir depuis bientôt 42 ans, avait été lancée sur Facebook. Sous le slogan "Révolte du 17 février 2011: pour en faire une journée de colère en Libye", un groupe Facebook, qui appelait à un soulèvement contre le régime libyen, était passé de 4.400 membres lundi, à 9.600 mercredi matin, selon l'AFP.
Le déclencheur du mouvement
L'arrestation d'un militant des droits de l'homme a servi de déclencheur aux violences. Selon le journal Quryna, les forces de l'ordre sont intervenues mercredi 15 février pour mettre fin à des affrontements entre des partisans du leader libyen Mouammar Kadhafi et des "saboteurs" parmi des manifestants. Ceux-ci s'étaient rassemblés pour réclamer la libération d'un avocat représentant des familles de prisonniers tués en 1996 dans une fusillade dans la prison d'Abou Salim à Tripoli.
L'avocat, Fethi Tarbel, a été arrêté, toujours selon le journal, "pour avoir répandu une rumeur selon laquelle la prison était en feu", avant d'être relâché à la suite de la manifestation. En dépit de sa remise en liberté, les manifestants, "auxquels se sont jointes des personnes munies d'armes blanches et de cocktails molotov", ont marché jusqu'au centre-ville où "ils ont incendié et endommagé des voitures, essayé de détériorer des biens publics, bloqué la route et jeté des pierres", selon Quryna.
Source FR2.fr
Le Pèlerin