République Tchèque - De Nicolas Sarkozy à Angela Merkel, toute l'Europe a rendu hommage à Vaclav Havel, disparu ce dimanche matin...
Alors que l’ancien dissident et président tchèque Vaclav Havel est décédé ce dimanche matin, les hommages se succèdent à travers l’Europe. A droite comme à gauche, tous saluent la mémoire de l’un des symboles de la lutte contre le totalitarisme soviétique.
En France, le Président Nicolas Sarkozy a fait part de «sa très grande tristesse» et de sa «profonde émotion» dans une lettre de condoléances adressée à la présidence tchèque. «La République tchèque perd l'un de ses grands patriotes, la France perd un ami, l'Europe perd l'un de ses sages», écrit le chef de l'Etat français, qui salue son «engagement infatiguable en faveur de la démocratie et de la liberté» et de l'Europe.
Le PS, par la voix de Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national du PS à l'Europe, a rendu hommage à un «nom était étroitement lié à la dissidence. Il a combattu le totalitarisme dans son propre pays en utilisant l'arme du théâtre et de la culture pour passer du combat pour le socialisme à visage humain à la lutte pour une démocratie à portée de main.» «Vaclav Havel demeurera une source d'inspiration pour les démocrates de toute l'Europe», a-t-il ajouté.
Jack Lang, ancien ministre de la Culture de François Mitterrand, a quant à lui déclaré ressentir «un immense chagrin» après la disparition de «l'un des combattants emblématiques de la libération de son pays». «Au Panthéon des grandes figures morales de la vie publique contemporaine, Vaclav Havel est sans doute avec Nelson Mandela l'une des personnalités les plus marquantes», a-t-il précisé.
François Bayrou, le président du MoDem, a quant à lui jugé que Havel représentait «le plus formidable amour de la liberté». «Le parcours original et même unique de cet homme, né dans l'univers de la philosophie, de la littérature et du théâtre, engagé comme s'il ne pouvait pas faire autrement dans la défense des valeurs de la liberté et de la citoyenneté à la tête du forum civique et puis porté, pour ainsi dire malgré lui, au pouvoir par ses adversaires mêmes alors que le communisme allait disparaître, a ému et entraîné tous les défenseurs de la démocratie en Europe.»
L'actuel président tchèque Vaclav Klaus, qui fut un rival politique de Vaclav Havel, a lui aussi rendu un hommage à son prédécesseur. «Vaclav Havel est devenu un symbole de l'Etat tchèque moderne», a-t-il déclaré à la télévision nationale. «Il fut leader de notre Révolution de velours et le premier président de notre pays redevenu libre», a-t-il déclaré. Sa personnalité, son nom et son oeuvre «ont largement contribué à ce que la République tchèque devienne partie intégrante de la communauté des pays libres et démocratiques».
En Allemagne, la Chancelière Angela Merkel a adressé une lettre de condoléances au président tchèque, dans laquelle elle lui fait part de son «bouleversement». Elle salue également un «grand européen» qui a combattu pour «la liberté et la démocratie». «Son combat pour la liberté et la démocratie était aussi inoubliable que sa grande humanité. Nous les Allemands, nous lui sommes particulièrement redevables.»
Pour le Polonais Lech Walesa, qui fut le leader de l’opposition de son pays avant de devenir, comme Vaclav Havel, chef de l'Etat à la chute du bloc soviétique, l'ex-président tchèque «fut un grand théoricien de nos temps et sa voix manquera énormément à l'Europe surtout maintenant alors qu'elle traverse une sérieuse crise. Il fut un grand orateur de la lutte pour la liberté, pour la démocratie et pour la libération du joug du communisme.»
Vaclav Havel, le dissident devenu président
Vaclav Havel à Prague, le 3 février 2011.
Portrait - L'ancien opposant au communisme et président de la République tchèque, autorité morale du pays, est décédé à l'âge de 75 ans...
Aux yeux de beaucoup, il incarnait l'autorité morale par excellence dans l'Europe de l'Est post-communiste. L'ancien dissident puis président tchèque Vaclav Havel est décédé dimanche à 75 ans des suites d'une longue maladie.
La «conscience éclairée» de la République tchèque, usée par ses problèmes de santé, s'était retirée de la vie politique en janvier 2003, après une douzaine d'années à la présidence, tout d'abord de la Tchécoslovaquie, puis, après une brève interruption, de la République tchèque.
Artisan de la «Révolution de Velours»
Dramaturge et dissident, il passa près de cinq années en prison dans les années 1970. Politique et intelligent, il fut l'artisan de la «Révolution de Velours» qui mit fin, en novembre 1989 à quatre décennies de régime communiste.
La Tchécoslovaquie se tournait alors vers l'économie de marché, mais Havel fut là pour rappeler à ses compatriotes que la recherche de la prospérité ne devait pas effacer la mémoire d'un peuple, et il fustigea, lui, grand amateur de rock et de Frank Zappa, la culture occidentale lorsqu'elle se résumait aux fast-food et aux sodas.
Durant ses années de présidence, loin des moments où il s'était adressé aux foules immenses sur la place Wenceslas, le président occupa une place plus distante mais toujours privilégiée dans le coeur des Tchèques.
Dissident
Peut-être parce que, comme il l'admettait, il avait conservé «certains traits du dissident dans son comportement de chef de l'Etat».
En janvier 1997, une bande de dissidents aux cheveux longs se réunit au Château de Prague, la résidence présidentielle, pour célébrer le 20e anniversaire de la signature de la Charte 77, manifeste pour les droits de l'Homme et pavé dans la mare du communisme.
Paradoxalement, Havel, qui venait d'être opéré d'un cancer, ne put participer à la fête, mais il s'adressa aux participants dans un message enregistré.
Timide et nerveux en public
«Ceux qui sont à l'origine de la Charte 77 ou qui, sachant parfaitement à quoi ils devaient s'attendre, l'ont signée plus tard, pouvaient-ils imaginer alors qu'ils la célèbreraient dans la salle espagnole du Château de Prague, comme citoyens d'un Etat libre?» souligna alors le président.
Le chef de l'Etat, timide et nerveux en public, frôla la mort une première fois en 1996. Il fut hospitalisé pour une pneumonie mais les médecins découvrirent une tumeur maligne, qu'ils retirèrent. L'opération se passa mal, Havel fut atteint de fortes fièvres. La même année, il perdit Olga, épousée 32 ans auparavant, vaincue par un cancer en janvier.
Un an plus tard, il se remariait avec une actrice de 43 ans, Dagmara Veskrnova, et arrêtait le tabac. Mais les ennuis de santé ne cessèrent pas pour autant. Cancer du poumon, occlusion intestinale, bronchite aiguâ, hernie, les séjours à l'hôpital du chef de l'Etat furent réguliers.
Arbitre
Malgré cela, il se représenta à la présidence tchèque en 1998 et le Parlement le réélit pour un mandat de cinq ans.
Havel appréciait son rôle d'arbitre, celui-là même qui l'avait propulsé sur le devant de la scène en 1989, lorsqu'il avait négocié la capitulation du pouvoir pro-soviétique.
Vaclav Havel est né en 1936 dans une famille d'entrepreneurs en bâtiment très impliquée dans la vie culturelle et politique tchécoslovaque de l'entre-deux-guerres.
Technicien dans les théâtres
L'arrivée au pouvoir des communistes, en 1948, prive la famille de la plupart de ses biens et à quinze ans, une fois terminée la scolarité obligatoire, le jeune Vaclav n'est pas autorisé à poursuivre des études au lycée.
Il devient apprenti dans un laboratoire de chimie et prend des cours du soir pour achever sa formation secondaire, ce qu'il parvient à faire en 1954.
Mais, pour des raisons politiques, l'accès à l'étude des sciences humaines dans un établissement d'enseignement supérieur lui est interdit. Il s'inscrit alors à la Faculté d'Economie de l'Université technique Tchèque, qu'il quitte au bout de deux ans.
Prison
A son retour du service militaire, il travaille comme technicien dans des théâtres, au Divadlo ABC puis, au Divadlo Na zabraldi et, de 1962 à 1966, il suit des cours par correspondance à la Faculté de Théâtre de l'Académie des Arts musicaux.
Depuis l'âge de vingt ans, Vaclav Havel a publié divers articles et critiques dans différents périodiques littéraires. Ses premières oeuvres seront montées au Divadlo Na zabraldi, notamment «La garden party», en 1963.
Il est l'une des figures de la prise de conscience civique du Printemps de Prague, en 1968, période au cours de laquelle il produit «Le mémorandum» (1965) et «La difficulté accrue de se concentrer» (1968).
Après l'écrasement du Printemps de Prague, ses oeuvres seront interdites de publication en Tchécoslovaquie.
Tête froide
Cofondateur de la Charte 77 dont il fut l'un des trois porte-parole, il a effectué plusieurs séjours en prison. Mais en pleine effervescence, en plein tumulte de la fin de l'empire soviétique, il garda la tête froide.
Dès le début de la Révolution de Velours, en novembre 1989, il devient la figure de proue du Forum civique, qui regroupe des organisations et des personnalités réclamant des changements fondamentaux du système politique tchécoslovaque.
Il négocie la fin du régime communiste et, sept semaines plus tard, après avoir été élu président de l'Assemblée fédérale de Tchécoslovaquie, il s'installe au Château, d'où il voit arriver de nouveaux dirigeants, des technocrates avec lesquels il ne s'entend guère.
Désaccord
Comme par exemple Vaclav Klaus, nommé Premier ministre en 1992, monétariste convaincu, qui s'oppose à Havel pour imposer la partition de la Tchécoslovaquie la même année.
Havel démissionne alors de la présidence tchécoslovaque pour devenir président de la nouvelle République tchèque un an plus tard. Mais ses relations restèrent tendues avec Klaus et les deux hommes apparurent très rarement ensemble en public.
De son château, Havel défendit l'intégration de la République tchèque au bloc occidental, de l'Otan à l'Union européenne. Mais, devant le parlement de Strasbourg, il mit l'Europe en garde contre les "symptômes de l'égoïsme national, de la xénophobie et de l'intolérance raciale", l'invitant à faire l'"examen critique" de ses valeurs.
Le président et l'écrivain se rejoignirent alors. De ses "Lettres à Olga" à "Largo Desolato", Vaclav Havel n'aura jamais cessé de s'interroger sur les responsabilités morales de l'homme et le respect des libertés.
Source 20minutes.fr N. Be. / P.K.
Le Pèlerin