La vie quotidienne à la ferme - Les travaux domestiquesCi-dessus - vie à la ferme
Ci-desous l'abbattage du cochon
Ci-dessous la veillée
La plus grande partie de l'espace domestique est réservée à la femme, notamment la cuisine où elle entretient le feu, prépare les repas et procède à la fabrication de grosses miches de pain de quatre à cinq kilos qui se conservent fraîches pendant plusieurs jours. C'est là également qu'elle confectionne, le soir, les vêtements du ménage avec des étoffes de laine ou de lin.
Les repas sont souvent pauvres, la viande étant réservée aux fêtes et banquets. L'ordinaire consiste en une bouillie préparée à base de farine de millet, de fèves et de pommes de terre écrasées. Il faudra attendre la fin du XIXème siècle pour que le régime alimentaire s'améliore sensiblement dans la famille pyrénéenne qui, d'une façon générale, est sous-alimentée ou carencée. Elle se retrouve le matin à huit heures devant une soupe aux choux dans laquelle trempent des morceaux de pain de seigle et de froment et parfois une petite tranche de porc. A midi, le repas se compose d'un ragoût de pommes de terre, d'une bouillie de maïs et de quelques galettes. Le repas du soir est constitué de pain de sarrasin ou de maïs trempé de lait.
La fête du cochon
Un beau matin, la famille est sur pied bien avant l'aube. Elle a choisi un jour de vieille lune pour que la viande se conserve bien et a fait appel au « Seigneur.» du village, réputé pour sa dextérité. Tandis que l'eau bout dans le grand chaudron, les hommes maintiennent le porc sur la maie renversée pendant que le spécialiste procède à l'exécution.
Le porc est ensuite raclé dans la maie qui a été remplie d'ea bouillante, puis suspendu à une poutre par les tendons arrière. Il est alors dépecé, le ventre est ouvert, les longes sont dégagées, la vessie est enlevée, soigneusement vidée et nettoyée pour être remplie de saindoux.
Les femmes procéderont ensuite à la préparation des produits tirés de l'animal : saucisse, boudin, graisse, tandis que le maître de maison mettra les jambons à sécher dans le sel et la cendre.
« Si tu veux être heureux huit jours, tue ton cochon », dit le proverbe. Cette cérémonie se nomme diversement suivant les régions : la tuaille, le pèle-porc ou la fête du cochon.
Les grandes lessives
Les grandes lessives se pratiquent deux ou trois fois par an et durent trois jours : le premier jour, on met le linge dans le cuvier et on ajoute des cendres ; le deuxième jour, on le remplit d'eau bouillante ; le troisième jour, le linge est battu.
Les lavandières s'installent au lavoir, à la fontaine ou au bord de la rivière, courbées derrière un banc, les manches retroussées, et frappent le linge jusqu'à ce qu'il soit propre. Après un bon rinçage, elles érendent sur des cordes ou le posent directement sur l’herbe
La veillée
Lorsque le travail est terminé, le Pyrénéen recherche la compagnie. Il aime converser avec les voisins et commenter les deniers échos du village. L'hiver, de la Toussaint à Pâques, on pratique la veillée au cours de laquelle on chante et on bavarde tout en tricotant ou en filant la laine, en fabriquant des paniers d'osier ou des manches d'outils, ou en égrenant du maïs. « Les soirées réservées au dépouillement du maïs, écrit Jean-François Soulet, n'engendraient pas la mélancolie. Un peu plus tard dans la saison, tout le monde se retrouvait pour d'autres longues veillées au cours desquelles les épis étaient égrenés soit en les frottant les uns contre les autres, soit en les frappant avec de gros maillets de bois sur des égrenoirs de fortune.».
Parfois on joue aux cartes ou bien un conteur fait le récit de quelque légende et relate l'histoire du village. Mais on ne se quitte pas sans avoir mangé des châtaignes grillées ou un morceau de millas que l'on fait « descendre » avec un bon verre de vin chaud parfumé aux clous de girofle.
La lecture
La lecture ne constitue pas le passe-temps favori des populations pyrénéennes et l'on connaît l'extraordinaire résistance qu'opposent les Basques et les Catalans à la diffusion du français. Jusqu'au milieu du siècle dernier, les crieurs publics de Perpignan font leurs annonces en catalan. À cette même époque, la plupart des maires des arrondissements de Bayonne et de Mauléon s'expriment en-basque et « ne connaissent pas un mot de français ».
La littérature de colportage est pourtant assez abondante sur toute l'étendue de la chaîne, peut-être parce que la population analphabète se contente d'admirer les images d'Épinal qui illustrent abondamment les diverses publications que les colporteurs acheminent jusque dans les hameaux les plus reculés.
Les journaux
Avec l'apparition en 1873 du Petit Journal, vendu cinq centimes, la presse pénètre dans les campagnes. Mais la lecture d'un journal réclame une bonne aisance du français, ce qui limite considérablement sa diffusion dans les milieux pop pyrénéens. Parmi les journaux locaux paraissant à cette époque, on peut citer le Mémorial des Pyrénées et le Messager de Bayonne dans les Pyrénées-Atlantiques ; La Bigorre d Hautes-Pyrénées ; L'Ariégeois et L'Etoile de l'Ariège ; L'Indépendant, fondé en 1846 d Pyrénées-Orientales ; enfin La Dépêche, journal radical imprimé à Toulouse à partir de 1870
La presse nationale a plus de succès dans les Pyrénées que les journaux régionaux.
« Le courrier arrive régulièrement tous les jours, écrit Jean Fourcassié, portant les journaux de Paris. Ils font passer un moment, excitent les discussions et parfois même colères. Car les âcretés des opinions politiques ne s'arrêtent pas aux pieds des montagnes.
Mais ce sont surtout les notables, les riches propriétaires, les intellectuels et les prêtres qui lisent régulièrement les journaux.
Le braconnage
Le paysan pyrénéen préfère de beaucoup le braconnage à la lecture. Il a longtemps joui de la liberté de poursuivre le gibier dans les bois appartenant aux communautés, privilège dû à l'abondance des animaux nuisibles qui ravageaient les récoltes. Aussi la foret reste pour lui un domaine de choix et tous les moyens sont bons pour s'emparer du gibier.
Certes, le permis de chasse, instauré en 1844, soulève la réprobation générale des Pyrénéens, mais les gardes-chasse sont peu nombreux et les terrains accidentés sont propices au camouflage des braconniers.
En dehors du passage régulier du laitier, de la porteuse de pain ou de l'épicier ambulant, la famille pyrénéenne reçoit périodiquement la visite de journaliers en quête de travail et de colporteurs, le ballot sur l'épaule.
Le chiffonnier rural, plus communément appelé « peillarot », va de ferme en ferme à la recherche de vieilles fringues, de chiffons, de peaux de bêtes, de plumes et de duvet. Les marchandages sont longs mais les peaux de lapins finissent toujours par s'entasser dans les grands sacs troués que transporte son âne. Elles serviront à confectionner d'élégants manteaux pour les dames de la ville. Le facteur rural est toujours accueilli avec cordialité, même s'il lui arrive d'apporter quelque « douloureuse » du percepteur. Il est tenu de classer lettres et journaux par ordre de communes et d'écarts de communes;'selon l'itinéraire décrit dans son bulletin de marche. Il ne doit ni interrompre ni modifier l'ordre de la tournée. Parti de grand matin, il ne revient l'hiver qu'à la nuit noire après avoir distribué tous les messages de joie et de peine aux habitants de son secteur qui se feront un devoir de lui accorder quelque étrenne en échange du calendrier des Postes qu'ils accrocheront juste au-dessus de celui de l'année qui vient de s'achever.
"Un petit sou s'il vous plait"
L'Ariège est par excellence le pays des mendiants et il n'est pas rare, dans la vallée de Massât ou du Garbet, que l'un d'entre eux aille frapper à la porte d'une ferme pour demander l'aumône. S'il est étranger, espagnol ou bohémien, il sera chassé sans pitié et les chiens le dissuaderont de revenir. S'il est du village, il sera mieux traité surt est connu de la maîtresse de maison.
« Partout les mains se tendent pour demander l'aumône, observe Ardouin-Dumazet. De chaque maison sortent des enfants ; ils courent âprès notre voiture en tendant la main et chantent, sur un rythme exaspérant qui voudrait s'accorder avec les grelots des chevaux : « Un p'tit sou, siou plaît, m'ssius ! Un p'tit sou, siou plaît, m'ssius! ».
« Dans la vallée d'Ossau les mendiants pullulent, écrit Taine, et il en est ainsi dans toutes les Pyrénées. »
Source autrefois les Pyrénées
Le Pèlerin