Les Diversités de l’Ariège - Saint Girons
Massipou, Bethmale, Tondeille, Moulis, Cabrioulet, Trois-laits et combien d'autres. Presque autant de fromages que d'habitants. Il n'est que de parcourir, sous les platanes, le marché du samedi à Saint-Girons pour se convaincre de cette diversité qui sied bien à cette terre d'Ariège partagée entre la rudesse séduisante des reliefs du Couserans et les douceurs méditerranéennes du pays de Mirepoix.
Jeunes et moins jeunes, artisans et paysans, post-soixante-huitards intégrés et bobos new age tout droit débarqués de la City se retrouvent là, à Saint-Girons, au carrefour de ces dix-huit vallées, pour prendre, le temps d'une matinée, le pouls de ce pays adossé aux sommets pyrénéens du Valier et de l'Andorre. Ça fleure bon la brebis, la vache, la chèvre, le poulet rôti, le miel, la confiture artisanale, le savon au lait d'ânesse, mais aussi, et depuis longtemps, les épices d'Asie.
Après les courses, rendez-vous au Café de l'Union, où l'on saucissonne avec les produits du marché avant de rejoindre la petite cité de Saint-Lizier, membre de la confrérie très fermée des "Plus beaux villages de France".
Terre de Tolérance
Ruelles étroites, vieilles maisons à colombages, vestiges de remparts gallo-romains, palais épiscopal et, surtout, deux cathédrales, dont l'une, coiffée d'un clocher de briques octogonal d'inspiration gothique toulousain, offre de magnifiques fresques romanes représentant les douze apôtres. Un cloître à l'architecture sobre, riche de quelques jolis chapiteaux romans, complète cet ensemble que l'on abandonne pour courir à la pharmacie de l'Hôtel-Dieu. Une officine du XVIIIe siècle, intacte, avec ses vitrines, ses fioles et ses faïences dont les flancs rebondis recélaient hier ici de l'Huile de chien, là de l'Elixir de longue vie ou du Vinaigre des quatre-voleurs, censé protéger de la peste.
A une soixantaine de kilomètres à l'est répondent d'autres fresques du XIIe siècle récemment restaurées. On y pénètre par une volée de marches, taillées dans une faille naturelle de la roche conduisant à une étonnante double nef.
Là, s'affiche une série de peintures aux couleurs vives représentant trois périodes de la vie du Christ. Les personnages, dont une Vierge couchée, présentent de grands yeux en amande et sont figés dans des attitudes hiératiques. On est sur les routes des chemins de Compostelle, qui, partant du Languedoc, fait notamment étape à Foix et à Saint-Lizier. Cette piété ne saurait cependant faire oublier qu'on est aussi en terre cathare et que la région administrée par les puissants comtes de Foix était terre de tolérance, d'accueil et surtout de refuge. Le chemin des "bonshommes" - nom que se donnaient les adeptes de cette religion - passe non loin de là, qui, après avoir été une route économique florissante, permettait aux derniers de ces "parfaits", poursuivis par la foudre papale et les troupes royales, de fuir en Catalogne vers la Cerdagne ou le Berguedà.
Les ruines sévères du château de Montségur, dont la défense fut en partie assurée par Pierre-Roger de Mirepoix, témoignent encore de cette sombre période. Du souvenir de ce seigneur ne subsiste aujourd'hui que son nom, porté par la plus charmante des bastides médiévales, Mirepoix. Un délicieux décor de théâtre qui s'organise autour d'une grande place où s'épanouissent boutiques et cafés. Et surtout, le Café Castignolles, une institution où la nouvelle foi tient moins aux débats sur la religion qu'à la manière de jouer au rugby.
Source : http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3546,36-987066,0.html?xtor=RSS-3546#
Le Pèlerin