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  • : Algérie Pyrénées - de Toulouse à Tamanrasset
  • : L'Algérie où je suis né, le jour du débarquement des Américains, le 8 novembre 1942, je ne l'oublierai jamais. J'ai quitté ce pays en 1962 pour n'y retourner que 42 ans plus tard. Midi-Pyrénées m'a accueilli; j'ai mis du temps pour m'en imprégner...mais j'adore
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De Toulouse à Tamanrasset

 

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Le cirque de Gavarnie

L'Algérie, j'y suis né le jour du débarquement des Américains, le 8 novembre 1942. J'ai quitté ce pays merveilleux en 1962, pour n'y retourner qu'en août 2004, soit 42 ans plus tard...
Midi-Pyrénées m'a accueilli. J'ai mis du temps pour m'imprégner de Toulouse mais j'ai de suite été charmé par ce massif montagneux et ses rivières vagabondes que je parcours avec amour...Ah ces chères Pyrénées, que je m'y trouve bien ...! Vous y trouverez de nombreux articles dédiés à cette magnifique région et la capitale de Midi Pyrénées : Toulouse
L'Algérie, j'y suis revenu dix fois depuis; j'ai apprécié la chaleur de l'accueil, un accueil inégalé de par le monde.......L'espérance d'abord ...Une relative désillusion ensuite...Pourquoi alors que le pays a un potentiel énorme...Les gens sont perdus et ne savent pus que faire....Les jeunes n'en parlons pas, ils ne trouvent leur salut que dans la fuite....Est-il bon de dénoncer cela? Ce n'est pas en se taisant que les choses avanceront.
Il y a un décalage énorme entre la pensée du peuple et des amis que je rencontre régulièrement et les propos tenus dans les divers forums qui reprennent généralement les milieux lobbyistes relayant les consignes gouvernementales...
Les piliers de l'Algérie, à savoir, armée, religion et tenants du pouvoir sont un frein au développement de l'Algérie ....Le Pays est en veilleuse....Les gens reçoivent des ….sucettes...Juste le nécessaire... pour que ....rien nez bouge....
Pourtant des individus valeureux il y en a ....Mais pourquoi garder des élites qui pourraient remettre en cause une situation permettant aux tenants des institutions de profiter des immenses ressources de l'Algérie. Le peuple devenu passif n'a plus qu'un seul espoir : Dieu envers qui il se retourne de plus en plus...Dieu et la famille, cette famille qui revêt une importance capitale en Algérie.

Le vent de la réforme n'est pas passé en Algérie tant les citoyens sont sclérosés dans les habitudes et les traditions relevant des siècles passés....La réforme voire la révolution passera....à l'heure d'Internet, on ne peut bâillonner le peuple indéfiniment...Cela prendra du temps mais cela se ferra...
Pour le moment le tiens à saluer tous les amis que j'ai en Algérie et Dieu sait que j'en ai....C'est pour eux que j'écris ces blogs, quand bien même je choisis souvent mes articles dans la presse algérienne....pour ne pas froisser la susceptibilité à fleur de peau de l'Algérien...

Cordialement,
Le Pèlerin

 

 

 

 

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30 novembre 2008 7 30 /11 /novembre /2008 00:55

La littérature algérienne pendant la période coloniale




On ne peut se permettre l’exercice d’écrire sur la littérature algérienne, pendant les années de colonisation, sans nous intéresser au contexte de cette période, sous domination linguistique et culturelle de la France, et sans avoir effectué, avant, un court voyage dans les époques précédentes.
Contrairement aux thèses colonialistes, les Algériens ne croupissaient pas dans une «barbarie arriérée», selon l’expression de Louis Bertrand, la figure de proue du courant «algérianiste», j’y reviendrai. La terre algérienne subira, comme tout le Maghreb, l’influence phénicienne d’abord, puis latine, durant plus de cinq siècles. La domination de la région par les Romains n’a pas laissé que des vestiges historiques.
Durant cette époque, l’Algérie est entrée dans la temporalité culturelle méditerranéenne, qui reste jusqu’à présent, une dimension prégnante de sa culture .
C’était l’époque de talentueux rhéteurs en langue berbère et punique (langue apportée par les commerçants phéniciens et carthaginois). Les premières œuvres, écrites, le sont cependant en langue grecque. Juba II écrivait dans cette langue. «Même au temps des Latins, des auteurs continuèrent à utiliser le grec aussi bien Apulée, Fronton que Tertullien.» (Jean Déjeux)
Du premier au septième siècle, c’est la période dite de la littérature latine qui brillera avec les Fronton, précepteur de Marc Aurèle, Apulée, né à M’Daourouch (125-170), auteur du célèbre l’Âne d’or, et Augustin, né à Thagaste (Souk Ahras) (354-430), penseur, théologien et homme d’action, etc.
Nous apprendrons, avec notre écrivain Mouloud Mammeri, que Fronton et Apulée étaient Berbères autant que Tertullien, Lactance et Cyprien. Bien entendu, le plus grand d’entre eux, Augustin, l’était également.
A partir du milieu du septième siècle, avec la pénétration de l’islam, l’Algérie connaît ses premiers rapports avec la civilisation arabo-islamique. Les apports de cette dernière vont bouleverser la vie sociale et culturelle grâce à une culture florissante qui rayonnera sur le bassin méditerranéen sous la férule des grandes dynasties, qui domineront tour à tour l’Afrique du Nord et qui ouvriront l’Algérie aux cultures des contrées les plus lointaines .
Du septième au dix-neuvième siècle, c’est la période de la littérature arabe, des Ibn Hani, poète satirique, Ibn Rachiq (1000-1063), «le Boileau nord-africain», à la notoriété bien établie dans les lettres arabes, Ben Lefgoun, Abderramane Thaalbi, Ibn Khamis, le grand poète de Tlemcen, le célèbre historien-sociologue Ibn Khaldoun, auteur notamment d’El Mouqadima, etc. issus aussi bien des rangs arabes que berbères.
Mais avec le déclin de cette civilisation, au 13e siècle, l’Algérie connaîtra une première importante décadence culturelle avec un retour aux pratiques liées à l’oralité et un repli identitaire sur soi.
La domination turque confortera largement cette situation. C’est d’ailleurs la domination étrangère qui n’a laissé pratiquement pas de traces, ni d’influences apparentes sur la culture algérienne, en dehors de quelques survivances architecturales localisées notamment à la Casbah d’Alger.
Comme les Vandales avant eux, les Turcs refusèrent de s’assimiler aux populations arabo-berbères. Durant trois siècles, ils ne sympathisèrent jamais avec ces peuples.
Vassaux lointains du Sultan, «ils ne songèrent guère à mettre leur marque sur le pays. Tournée vers les profits de la course méditerranéenne, cette oligarchie de corsaires et de janissaires... vécut longtemps en marge des tribus» (Ch. Robert Ageron).
En vérité, comme l’écrit Jean Déjeux, «l’Algérie de ses époques anciennes ne fait pas figure de parent pauvre. Ses savants, ses poètes, ses juristes et ses théologiens, en contact avec l’Orient et l’Andalousie, circulant d’un bout à l’autre du Maghreb arabo-berbère, étaient les témoins vivants de la gloire des cités telles que Tlemcen, Alger, Béjaïa, Constantine, Msila, celles des communautés ibadites des Mzab, après la disparition de Tahert et de Sedrata. Cependant la décadence culturelle et littéraire, venant de causes diverses intérieures et extérieures, allait peser lourdement dans la balance lors de l’établissement de la conquête française à partir de 1830 pour 132 ans.»
L’envahissement du pays par les Français, à partir de 1830, et le démantèlement du régime turc, cause un désordre général déséquilibrant pour la société algérienne.
Comme le dit Abdelkader Djeghloul, tout le 19e siècle, des années 1830 aux années 80-90, est une histoire de guerre, une histoire de sang, une histoire de morts.
Chez les «indigènes», la situation, devenue des plus misérables avec, en sus, les maladies (famines, épidémies) est aggravée par le code de l’indigénat (1881-1927) qui instaure une série de pénalités exorbitantes du droit commun.
La domination française va introduire de grands changements sur le plan culturel. L’usage exclusif de la langue française dans les écoles et l’administration aura des retombées décisives, aussi bien sur les comportements que sur les mentalités. Il n’y aura pas cependant de scolarisation importante des Musulmans, ce sont les Français de souche et les étrangers assimilés qui ont profité de l’enseignement public en français. Les occupants n’étaient pas disposés à dépenser des fonds publics pour «instruire les indigènes». Les quelques actions de la IIIe République, comme celle de Jules Ferry, relatives à la création d’écoles pour accueillir les «indigènes» suscitèrent le courroux des communes qui refusèrent des écoles à «cette foule de gueux».
Des exceptions, comme le recteur Jeanmaire (1884-1908) «lutta pour développer l’école indigène malgré les préjugés tenaces des colons» (Ch. Robert Ageron).
Le nombre d’enfants musulmans scolarisés en français fut si minime qu’un haut fonctionnaire pouvait déclarer en 1880 : «Nous avons laissé tomber l’instruction des indigènes bien au-dessous de ce qu’elle était avant la conquête». Voici un autre témoignage : «L’Arabe, en 1830, savait lire et écrire. Après un demi-siècle de colonisation, il croupit dans l’ignorance» (cité par M. Lacheraf dans L’Algérie, nation et société, 1978).
«C’est entre les années 1900-1950 que tout se noue en Algérie... c’est entre 1900 et 1930 que se joue le phénomène d’acculturation et l’impossibilité de sa réalisation.» (Abdelkader Djeghloul)
Un mouvement appelé «Jeunes Algériens», constitué de qui pouvait être à l’époque une élite d’Algériens de souche, à essence plus culturelle, dénonce l’inégalité des droits et le refus des autorités françaises d’élargir la naturalisation aux populations musulmanes, vainement.
Le petit-fils de l’émir Abdelkader, l’émir Khaled, en était une figure de proue. Cette élite indigène «naissante» n’est pas sans susciter les réactions des colons qui ne souhaitent pas de «dialogue» direct, sous quelle forme que ce soit entre la Métropole et ces «barbares».
Dans le premier quart du 20e siècle, des écrivains d’origine européenne décident de prendre la parole au nom du colon, influencés par Louis Bertrand qui écrit «la véritable Afrique c’est nous, nous les Latins».
L’européen d’Algérie «en quête de soi» va être révélé à lui-même. Louis Bertrand va lui donner une identité. Un autre, Robert Randau, va lui donner la force de s’opposer à l’élite indigène et à la France au nom de cette «identité que le premier aura révélée» (Benammar Benmansour Leïla).
C’est la naissance du courant littéraire appelé le «Mouvement algérianiste». «J’ai écarté le décor islamique et pseudo-arabe qui fascinait les regards superficiels... cette Afrique latine n’était pas un accident mais elle avait des racines latines dans le passé», écrit Bertrand dans la préface de son livre les Villes d’or (1921). Louis Bertrand croyait obstinément «à sa chimère latine» et a effacé l’Algérien dans ses dimensions culturelles arabo-berbères-musulmanes. Ce courant qui évoluera au gré des circonstances est représenté par Randeau, Jean Pommier, Louis Lecoq, René Hughes et Alfred Rousse.
Jean Déjeux note à ce propos : «Esthétiquement parlant, l’algérianisme ne présente guère d’intérêt d’une façon générale. Son importance réside bien plus dans l’idéologie drainée par lui. Le roman colonial est en effet en parfaite cohérence avec cette période qui commence à la fin du XIXe siècle. De ce point de vue là, il révèle beaucoup de conduites et de comportements. Il donnait bonne conscience aux auteurs et aux lecteurs».
Le mouvement algérianiste qui défend une «certaine idée de l’Algérie» déclina à la suite des profonds changements sociaux qui ont affecté la société algérienne et de la montée en puissance du mouvement nationaliste. Parler de littérature proprement algérienne, à cette époque de la colonisation, c’était prêcher un peu dans le désert tant celle-ci apparaissait si peu dense et surtout occultée.
La littérature d’expression arabe est restée, elle, relativement vivante à l’époque coloniale. Par exemple, l’émir Abdelkader (1808-1883) n’était pas seulement le grand résistant. C’est un écrivain et un poète. Le cheikh Aftiyech (1818-1914), savant ibadite du Mzab, est l’auteur d’une «encyclopédie du droit» en dix volumes. Du fait des contacts avec l’Orient arabe, des écrivains comme Midjaoui (1848-1913), Ibn Khodja (1865-1915), Cheikh Ibnou Zekri (1851-1914), Mohamed Bencheneb (1869-1929), etc. se mettent à publier. A la fin de la Première Guerre mondiale, Abdelhamid Ben Badis, président de l’Association des oulémas musulmans algériens, est la figure emblématique du mouvement réformiste musulman en Algérie qui oeuvre pour la régénération morale des Musulmans algériens, la renaissance d’un islam authentique, et l’affirmation de la personnalité arabo-musulmane du peuple algérien. Elève, à partir de 1908, de l’université Zeitouna à Tunis et après avoir accompli le pèlerinage à La Mecque et Médine, dès son retour au pays, Abdelhamid Ben Badis va consacrer tous ses efforts et ses talents remarquables d’éducateur à l’enseignement ; cela va des sciences éducatives telles la littérature, l’histoire, la géographie aux disciplines civiques et religieuses.
Ce grand réformateur, dont la devise bien connue est «l’islam est ma religion, l’arabe ma langue, l’Algérie ma patrie», écrivit de nombreux sujets religieux et sociaux. Parmi les compagnons de Ben Badis, les plus remarquables sont :
Bachir Ibrahimi (1889-1965), considéré comme «un sommet de la culture nationale d’expression arabe». Il fut un écrivain raffiné.
Ses principaux ouvrages furent Ouyoune al Baçair, Athar el Ibrahimi et Fi Qualb el Maâraka.
Moubarak El-Mili (1897-1945), auteur de Histoire de l’Algérie dans le passé et le présent.
Selon lui l’histoire est «la preuve de l’existence des peuples, le livre où s’inscrit leur puissance, le lieu de résurrection de leur conscience, la voie de leur union, le tremplin de leur progrès».
Tayeb El Okbi (1888-1960), Tewfik El Madani (1898-1984), qui a une oeuvre écrite importante et Mohammed Laid, le poète du mouvement. Déjeux note que si le mouvement réformiste était axé d’abord sur les problèmes religieux et sociaux, il constituait aussi «par son combat mené pour la langue arabe un appui sérieux pour les écrivains, poètes et nouvellistes qui commençaient à faire paraître leurs oeuvres durant ces années. Il influençait directement ou indirectement la renaissance proprement littéraire».
Le genre romanesque a été essayé dans les années 1950 par Reda Houhou (1911-1956).
Son oeuvre (Ghadda Oum Al Quora, Himar al hakim, etc.) a constitué un tournant important dans la littérature algérienne de langue arabe. Ce genre a progressé et s’est développé avec Abdelhamid Benheddouga (1925-1996), auteur de L’Algérie entre le passé et le présent et de plusieurs recueils de nouvelles. Son roman Le vent du sud est considéré par la critique comme le premier véritable roman algérien de langue arabe.
Les Arabes ont toujours privilégié, comme mode d’expression, la poésie. Dans le premier quart du 20e siècle, de nombreux poètes, de langue arabe, se font connaître. Celui qui marquera son époque est Mohammed Laid qui a «influencé et éclairé un vaste courant de la poésie». La poésie algérienne s’est aussi illustrée par, d’abord essentiellement politique, Abdelkrim Akkoun (1915-1949) et Moufdi Zakaria (1912-1977), poète du mouvement national et chantre de la révolution algérienne, elle trouve ensuite une inspiration sociale avec Abou el-Quassem Saad Allah, et se fait plus personnelle et lyrique avec un poète comme Mohammed Lahdar el-Saïhi (né en 1917), auteur des recueils Murmures et Cris et L’Inspiration du Sahara. Concernant l’ostracisme à laquelle était vouée la littérature algérienne, voilà ce qu’en dit Kateb Yacine : «Les rapports de force étaient tels, que c’est plutôt la littérature française qui, à Alger à une certaine époque, s’est exprimée. C’était en Algérie, mais ce n’était pas encore la littérature algérienne !
La littérature algérienne en ce temps-là, il faut bien comprendre qu’elle était occultée... et ça explique pourquoi Charlot (la maison d’édition à Alger) n’a pas publié d’auteurs algériens...» Pour la littérature algérienne d’expression française, le titre qu’on dit avoir inauguré, chronologiquement, la série est le roman, en partie autobiographique, du caïd et capitaine Benchérif : Ahmed ben Mustapha, goumier (1920).
«Le capitaine Bencherif se veut un ‘politique’ et en tant que tel débat du ‘problème algérien’ avec les algérianistes. S’il rejoint Mohamed Ould Cheikh, louant les bienfaits de l’oeuvre française en Algérie, il se détache de lui car il se veut plus réaliste. Bencherif n’est pas un rêveur, c’est un soldat et un soldat n’a pas le droit, sur un champ de bataille, de se laisser aller à la rêverie...» (Benammar Benmansou Leïla : «L’algérianité»).
D’autres noms apparurent, Mohamed Bencherif, Abdelkader Hadj Hamou (ou Abdelkader Fikri), Choukri Khodja, Mohamed Ould Cheikh, Saadeddine Bencheneb, Mhamed-Aziz Kessous, Abdelaziz Khaldi, etc. Voilà ce qu’en dit Déjeux : «Les romans de cette époque sont médiocres et décevants. On copie.
Il s’agit de montrer qu’on peut écrire en bon français sans faire de fautes de syntaxe... les auteurs voient leurs sociétés comme l’extérieur, abstraitement, avec les yeux des ’autres’... ils n’oublient pas le couplet aux bienfaits de la ‘mère patrie’».
D’une façon générale, les romans des années 1920 et 1930 constituent, selon les chercheurs presque unanimes, la période d’assimilation, d’acculturation ou de mimétisme dans l’histoire de la littérature algérienne.

A cette époque, les Algériens maîtrisent suffisamment le français pour pouvoir créer des œuvres littéraires en imitant leur écrivain préféré. (Vladimir Siline, Le Dialogisme dans le roman algérien de langue française) Jean Amrouche (1906-1962) est l’auteur de deux recueils de poèmes, Cendres (1934) et Etoile secrète (1937), des chants berbères de Kabylie (1939) et de l’Eternel Jugurtha (1943) sont cités comme d’une grande qualité littéraire. C’est celui qui a dit, lors de la guerre d’indépendance, «la France est l’esprit de mon âme, l’Algérie est l’âme de mon esprit».
Jean Déjeux évoque Etienne Dinet 1821-1929) et Isabelle Eberhardt (1877-1904) comme deux précurseurs de la littérature algérienne «qui ont manifesté non seulement une sensibilité et une générosité algérienne mais encore une vision du mode analogue... leur appartenance à la religion musulmane leur a permis de mieux comprendre l’Algérie profonde.» L’œuvre de Dinet, en collaboration avec son ami Slimane Ben Brahim, n’est pas cependant d’une grande valeur littéraire, c’est surtout une «peinture de mœurs, très près de la vie des populations du Sud».
Déjeux qualifie la période qui va de 1900 à 1950, pour la littérature algérienne, comme celle de l’acculturation et du mimétisme.
Pendant ce temps, l’évolution de la vision des choses chez les intellectuels français donnera «l’Ecole d’Alger». Dans ce courant littéraire, on trouve, entre autres, Gabriel Audisio, Albert Camus, René-Jean Clot, Marcel Moussy, Jean Pélégri, Jean Roy et Emmanuel Roblès. Celui qui sera quelques années plus tard (en particulier à partir de 1954) au centre de la polémique n’est autre que le prix Nobel de littérature, Albert Camus. La Seconde Guerre mondiale, les massacres de mai 1945 et les mutations qui interviennent dans le monde entraînent une prise de conscience chez les Algériens, particulièrement dans le milieu intellectuel.
On peut même dire que la littérature algérienne de langue française naît véritablement à cette date. L’influence durable de la domination linguistique et culturelle de la France en Algérie, jointe au besoin pour les écrivains de trouver une audience, amène nombre d’auteurs à s’exprimer en français mais leurs œuvres n’en demeurent pas moins profondément nationales. «Ces romans ont marqué le début d’une littérature nouvelle que plusieurs chercheurs considèrent comme authentiquement algérienne. Le trait commun de la nouvelle littérature est son caractère ethnographique, et la période est souvent nommée, elle-aussi, ethnographique. Irina Nikiforova affirme que les romans ethnographiques algériens «sont très proches des essais dont ils dérivent en effet». Et c’est vrai, car il est possible d’imaginer Le Fils du pauvre comme une série d’essais ethnographiques liés entre eux par la présence d’un héros. Jean Déjeux note de même que L’Incendie de Dib est basé sur «un reportage effectué par le romancier lui-même sur une grève d’ouvriers agricoles dans la région d’Aïn Taya». C’est ce qu’écrit Vladimir Siline dans sa thèse «Le dialogisme dans le roman algérien de langue française».
La littérature algérienne, qui s’affirme et s’épanouit dans 1e genre romanesque, va donc faire entendre un langage nouveau et offrir une image bien différente des clichés de l’époque coloniale avec Mouloud Feraoun (1913-1962), Le Fils du pauvre (1950) ; Mohammed Dib (1920-2003), La Grande Maison (1952), L’Incendie (1954), Le Métier à tisser (1957) ; Mouloud Mammeri (1917-1989), Le Sommeil du juste (1955) ; et Kateb Yacine, le plus ardent, le plus novateur et dont Nedjma (1956) reste le livre phare de cette littérature, le chef-d’œuvre de la littérature maghrébine qui allait marquer tous les écrivains de la région et donner à voir un regard fort singulier sur l’Algérie et le Maghreb. Jamais l’Algérie n’avait donné une œuvre littéraire aussi forte. Il est également le roman sur lequel le plus grand nombre de recherches universitaires sont en cours ou terminées.
Kateb Yacine a rencontré mille et une embûches avant qu’une maison d’édition accepte de publier son livre. Après qu’il eut été «mis dans un coin» à Annaba, ce qui «montre un peu les rapports de l’écrivain français, ou du poète algérien, avec l’Algérie dite française». Il fallait qu’il parte à Paris. Voilà ce que raconte Kateb et c’est fort édifiant sur le contexte d’alors : «Par exemple aux éditions du Seuil, je l’ai emmené pendant sept ou huit ans. J’ai passé mon temps à l’emmener chez l’éditeur ; c’était toujours le même, je faisais semblant de changer, mais rien à faire, il était toujours refusé. Mais quand il a été accepté, c’est ça qui est triste à dire, il a été accepté à partir du moment où il y avait des embuscades, à partir du moment où le sang a commencé à couler, aussi bien du côté algérien que français. A ce moment-là on nous a pris au sérieux. A ce moment tous les éditeurs français commandaient les Algériens ; ça a commencé avec Dib, puis ensuite Mammeri, puis ensuite moi ! Eh bien s’il n’y avait pas eu la guerre, on serait encore des arrières-cousins inconnus. Et la littérature algérienne serait encore représentée par des écrivains européens» (Rencontres de Montpellier, association Cultures et Peuples de la Méditerranée ; éd. Dar el Gharb).
Dans La Grande Maison, inspirée par sa ville natale, Dib décrit à travers le regard d’un enfant de dix ans, Omar, l’atmosphère et les profondeurs de la société algérienne. C’est une réalité où règnent misère, mensonges et hypocrisie. L’action du roman (1939) se situe dans l’immédiat avant-guerre, au moment où les sirènes des exercices d’alerte emplissent déjà Tlemcen, Ce livre qui reçoit un accueil très favorable auprès des milieux nationalistes est très critiqué par la presse coloniale. Le fameux passage - souvent cité comme exemplaire - où l’instituteur Hassan dénonce le mensonge de la France, ne pouvait que déranger «Ce n’est pas vrai, si on vous dit que la France est votre patrie», lâche le maître en laissant passer une phrase en arabe. Omar est un personnage témoin se mêlant à la foule des rues qui lui renvoient l’écho de sa culture auprès des gens de sa condition comme Hamid Saradj. En choisissant un personnage d’enfant, Mohammed Dib signifie aussi que la vie n’est pas encore jouée et que les forces neuves de la jeunesse peuvent triompher. Dans «L’Incendie» (1954) Omar, encore gamin, va vivre à la campagne et découvrir la grande détresse des paysans et leurs espoirs. L’action se déroule en pleine Deuxième Guerre mondiale. Ce n’est certainement pas un hasard que «L’Incendie» soit né en 1954, année du déclenchement de la guerre de Libération. C’est du contexte historique qui a prévalu au déclenchement du 1er Novembre 1954, nourri de douleurs et de violences, que Mohammed Dib s’est certainement inspiré. Dans ses trois premiers romans transparaît une lente prise de conscience politique du peuple algérien devant la colonisation. Mohammed Dib montre comment était vécu le quotidien des plus humbles, là même où la Révolution s’est faite véritablement ensuite. Chez Feraoun la faim est omniprésente. Quant au livre de Mammeri, c’est une fine analyse de l’intrusion brutale du temps de la Cité, de l’Histoire, dans l’espace clos et «oublié» d’un village traditionnel kabyle.
L’essentiel de L’incendie, de Mammeri, n’est plus la description d’un cadre de vie, mais bien la révélation d’une prise de conscience paysanne, et sa manifestation par la grève : «Un incendie avait été allumé, et jamais plus il ne s’éteindrait», est-il dit dans ce livre prophétique. (Charles Bonn : Le roman algérien contemporain de langue française).
Malek Haddad (1927-1978) a vécu son écriture en français comme un drame. Il était incapable d’écrire en arabe, ce qui l’a conduit dès l’indépendance de l’Algérie à cesser d’écrire.
«Le tragique de Malek Haddad est bien celui de son acculturation d’intellectuel colonisé situé, comme Khaled dans le quai aux fleurs ne répond plus (1961), entre son univers culturel d’écrivain choyé par les milieux littéraires de gauche en France, et ses racines profondes constantinoises. Son œuvre est d’abord l’expression de la mauvaise conscience de l’écrivain qui se sait inutile à la révolution et à son pays. Elle est aussi celle du déchirement de personnages dépassés par l’Histoire, parce qu’ils en sont les victimes du fait de leur culture française, comme le héros de L’élève et la leçon (1960)». (Charles Bonn : Le roman algérien contemporain de langue française) Chez Assia Djebar, l’engagement nationaliste n’intervient qu’en 1962, dans son troisième roman, Les enfants du nouveau monde. «Elle est l’expression la plus apparente des contradictions d’une classe bourgeoise francisée par sa culture, et néanmoins conservatrice dans certains aspects de ses mœurs, principalement en ce qui concerne le respect de la famille et la mise en tutelle des femmes. C’est là un autre aspect de l’acculturation». (Charles Bonn) Est-ce s’y aliéner en écrivant dans la langue du colonisateur ? Mais était-il possible, sous la domination coloniale, d’écrire dans une autre langue ? Qu’en pensait Mouloud Mammeri, il disait en 1987 «quand j’ai accédé à la culture moderne véhiculée par la langue française. J’ai eu l’impression de débarquer dans une galaxie différente. Et il m’a fallu vivre avec ça pendant des années. Mais il était évident pour moi que la vérité, si on peut l’appeler ainsi, se trouvait dans la culture que j’avais à la fois reçue et vécue au début. Mais je ne concevais pas du tout qu’il y ait une antithèse, une opposition entre les deux.» Pour Yacine comme pour beaucoup d’autres écrivains postcoloniaux, «la langue française a été et reste un butin de guerre» qu’il faut plier au rythme de ses pulsations souterraines. Cependant, le fait de revendiquer le français comme butin de guerre ne l’empêche pas de voir en la francophonie «une machine néocoloniale». Nul doute que s’il avait été vivant, il aurait participé au collectif demandant qu’on ne parle plus de «littérature francophone» mais de «littérature-monde» (Kasereka Kavwahirehi).

 Cet article, car ce n’est qu’un article, pèche certainement, pour un sujet aussi riche que complexe, par des omissions ou un besoin, parfois, de plus de précisions et d’éclaircissements.

 

Les éclairages émanant d’avis autorisés sur la question raviront le lectorat du Quotidien d’Oran, et moi-même.

Source Le Quotidien d’Oran

Le Pèlerin

 

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commentaires

H
<br /> <br /> Bravo pour cet article mais je trouve que le passage dans lequel on site Malek Haddad est trop méchant.C'est la mauvaise critique qui a fait de Malek Haddad un traitre .Je trouve personnellement<br /> qu'il a servi son pays à sa manière par  'l'écriture'. "la plume est plus forte que l'épé" j'y crois et conteste toute mauvaise critique de cet auteur qui est l'exemple du vrai nationaliste.<br /> Il faut aujourd'hui lire malek haddad sous une nouvelle optique. Malek Haddad est l'engagement avec la plume .Rien qu'en lisant ses romans  et rien en analysant les passages dans lesquels il<br /> parle de son algérie(constantine) je me dis que c'est un grand auteur.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Bonjour<br /> Halima<br /> <br /> <br /> J’ai relu le passage relatif à Malek Haddad…je comprends tout<br /> à fait ses problèmes d’antan voire ses problèmes….L’article, je ‘avais pêché dans le quotidien cité en référence<br /> <br /> <br /> Toutefois je ne doute pas que Malek sois un bon auteur<br /> <br /> <br /> Aussi si vous aviez un texte qui me permettrait de lui rendre<br /> hommage je le passerais sur le blog sans hésiter<br /> <br /> <br /> Je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à mes blogs et<br /> vous remercie pour votre contribution.<br /> <br /> <br /> A Bientôt peut être<br /> <br /> <br /> Cordialement,<br /> <br /> <br /> Le<br /> Pèlerin<br /> <br /> <br /> <br />