Abidal: "Une revanche sur la vie"
Les événements se succèdent à une vitesse folle pour Eric Abdial. Un peu plus de deux mois après avoir appris qu'il avait une tumeur au foie, il a remporté la Ligue des champions avec le Barça et retrouve l'équipe de France avant un match très important en Biélorussie. Le défenseur tricolore est venu en conférence de presse pour confier son plaisir de retrouver les Bleus et expliquer que c'est "une revanche sur la vie".
Eric Abidal a expliqué combien sa maladie avait changé sa vie. (Reuters)
Eric, considérez-vous qu'il s'agit d'une marque de confiance d'être rappelé immédiatement avec les Bleus ?
Je ne sais pas si c'est une marque de confiance mais ça m'a fait du bien. Deux mois avant, je ne savais pas si pourrais rejouer et là je suis en équipe de France, pour le moral c'est super.
Quel a été l'accueil de vos coéquipiers ?
Les joueurs ont été énormes. Le parcours du Barça a été exceptionnel, ils m'ont félicité pour le trophée (la Ligue des champions) et ce que j'ai vécu. Ils ont dit que ça avait touché beaucoup de monde. J'en ai discuté avec Pat (Vieira), Alou (Diarra), Flo (Malouda). C'est une étape de la vie, beaucoup ont été surpris par la rapidité de mon retour, c'est dû au travail fourni et à l'appui des gens qui sont autour de moi.
Vous attendez-vous à jouer contre la Biélorussie ?
Je me prépare pour ce match important, je compte me mettre au service du collectif et de l'entraîneur. Si j'ai la chance de jouer, je donnerai le maximum.
Laurent Blanc a laissé entendre que vous alliez jouer...
Il ne nous a rien dit. On se prépare tous, on est tous concernés, c'est notre objectif. Peu importe qui jouera, il faudra gagner.
"L'équipe de France, c'est un rêve de gosse"
Vous considérez-vous à 100% de votre potentiel ?
Je ne sais pas si je suis à 100% mais j'ai eu la chance d'avoir un entraîneur à Barcelone (Pep Guardiola, ndlr) qui m'a fait confiance, m'a permis de revenir rapidement dans le groupe. Pendant deux semaines, j'ai un préparateur physique particulier qui m'a remis d'aplomb. Là, j'ai encore trois kilos à prendre mais j'en ai pris quatre en dix ans donc ça va être dur. Là, j'ai joué 90 minutes en finale de la Ligue des champions et je suis opérationnel.
Votre regard sur l'équipe de France a-t-il évolué ?
Non, c'est le même qu'au départ. L'équipe de France, c'est un rêve de gosse. Au-dessus de la Ligue des champions, il y a l'équipe nationale. Tous les deux ans, il y a un trophée énorme à gagner en cas de qualification. J'ai passé de bons et de mauvais moments en Bleu mais ça reste le summum footballistique.
Quelle place tient cette victoire en finale de la Ligue des champions dans votre carrière ?
Il n'y a pas que la finale, avec ce qui m'est arrivé ces derniers mois. C'est une revanche sur la vie de pouvoir jouer cette finale qu'on attendait tous, j'avais déjà raté celle de 2009, je rêvais de jouer, de gagner et de lever ce trophée, tout cela fait que ça fait partie des meilleurs moments de ma carrière.
Qu'avez-vous ressenti au moment de lever la Coupe ?
J'avais l'impression que le temps s'était arrêté. Tu te retrouves au milieu d'une tribune avec en face de toi énormément de supporters, surtout de Barcelone ravis de voir leur équipe gagner. J'ai eu beaucoup de flash, peu de joueurs ont eu la chance de lever ce trophée, pour moi c'était un honneur. C'est une image qui va rester à vie.
Qu'avez-vous ressenti quand Carles Puyol vous a donné le brassard pour lever la Coupe ?
Ça confirme le slogan du club qui dit que le Barça est plus qu'un club (mes que un club, ndlr). On est tous humain que ce soit l'entraîneur ou les capitaines de Puyol à Valdes que ce qu'ils ont fait est un geste fort après ce que j'ai vécu. "Puyi" (Puyol) m'a dit qu'il me laissait le brassard pour lever le trophée car je le méritais mais on le méritait tous. Je n'ai jamais vu de geste comme ça.
Ça a été le moment le plus fort ?
Dans ce match, il y a eu beaucoup de moments forts, l'annonce de ma titularisation une heure avant, le match en lui-même, la victoire, le geste de Puyi et lever le trophée.
"Il y avait des jours où j'étais moins bien"
A quel moment avez-vous compris que vous pourriez jouer cette finale ?
J'ai beaucoup discuté avec le chirurgien et avec les médecins du club, j'ai coupé pendant trois semaines parce que je ne pouvais rien faire, ensuite il y a eu des étapes. Ils ont été honnêtes car ils m'avaient dit que tout dépendrait de comment réagirait mon corps, j'ai eu la chance qu'il ait très bien réagi ce qui m'a permis de me remettre très vite dans le bain, il y avait des jours où j'étais moins bien, je ne pouvais rien faire je restais à la maison, j'étais énervé contre moi-même car je voulais fouler à nouveau les pelouses très vite mais il fallait passer par des étapes et Dieu a fait le reste.
Est-ce que le fait d'avoir survécu à ces moments difficiles à renforcé votre foi ?
La foi, je l'ai depuis ma naissance, c'est quelque chose que m'ont inculqué mes parents, elle a été renforcée par ce qui m'est arrivé il y a peu de temps car il faut se battre contre la maladie. Ça m'a permis de voir les choses différemment, c'est pour ça que je vous dis que j'ai vendu des voitures et avec ces fonds, je vais faire des dons pour la lutte contre le cancer. J'étais déjà investi mais le don que tu fais ne concerne que toi et l'association, pas besoin de dévoiler ce que tu fais. Depuis deux mois, j'ai beaucoup de sollicitations, je vais faire le tri pour faire les bons choix.
Avez-vous peur de subir une grosse décompression ?
Je vais décompresser pendant les vacances, j'ai vécu des moments forts, tant mieux, je vais essayer de finir fort, ça passe par de bons résultats en Biélorussie et lors des matches amicaux afin de démontrer que l'équipe de France est toujours à son niveau.
Qu'avez-vous appris de cette épreuve ?
Ça m'a donné plus de confiance, j'avais un gros mental mais après ça mon mental s'est renforcé, ça m'a fait énormément de bien. Quand on passe de l'autre côté de la barrière, on voit la vie différemment, ça m'a enrichi. Je ne sais s'il faut en profiter au maximum mais par exemple, je ne prévois jamais mes vacances, je crois que la maladie veut dire ça, tu vis aujourd'hui tu ne sais pas ce qui peut se passer demain, je l'ai vécu: je joue à Séville, je me sens hyper bien, le lendemain je passe des examens et on m'apprend que j'ai une tumeur.
Avez-vous craint d'être obligé de mettre un terme à votre carrière ?
Oui. Après une discussion avec les chirurgiens et les docteurs, j'ai compris qu'on ne sait jamais comment le corps va réagir. Mais j'étais très content quand, une semaine après, le chirurgien m'a dit on se verra à Wembley le 28, ça lui a donné raison.
Source Sports.fr
Le Pèlerin