La mal-vie des Algériens perdure
Si les maux, quelle que soit leur nature, ont des délais de traitement bien précis, le rétablissement du malaise social des Algériens semble avoir besoin d'encore beaucoup de temps, si remèdes il y a.
Parce qu’une douleur se soigne à la racine et prend souvent le temps, la classe politique ne peut, aujourd’hui, se passer de la réponse à la question : «Comment en est-on arrivé là ?» pour tenter de sortir de la crise. Il s’avère tout compte fait naturel que les préoccupations socio-économiques des Algériens prendront du temps pour être prises en charge convenablement ou, dans une seconde hypothèse, réapparaîtront au bout d’un moment , une fois l’effet des tranquillisants passé. Il y a maintenant une année que l’Algérie a renoué avec une longue contestation sociale inaugurée dans son début par des émeutes menées par une jeunesse qui exprimait sa colère vis-à-vis de la flambée des prix. Mais cette dernière n’était que l’arbre qui cachait la forêt du chômage, de la crise du logement, de la bureaucratie, de l’injustice, du piston, de la négligence du citoyen dans des institutions publiques censées être à son service, le vent de la colère à ensuite gagné la rue au nom du malaise social. Des mois durant, la contestation n’a épargné aucun secteur, l’un après l’autre ou plusieurs en même temps, et les réponses des pouvoirs publics ainsi que leur promesses répondaient à tour de rôle dans des tentatives d’absorber la colère de la rue. Relativement maîtrisée, la grogne, si elle n’a pas pris la tournure des pays voisins, n’a toutefois quitté la rue. Des débrayages et des appels à la grève font encore le quotidien de plusieurs secteurs. A titre d’exemple, des associations et syndicats autonomes, la Laddh, le CLA, le RAJ, le Satef, le Snapap et SOS Disparus, appellent à une rencontre le 28 janvier 2012 à Alger pour débattre de la situation. «Au cours de cette réunion, nous échangerons des informations, des réflexions et des propositions en vue d’actions communes», ont-ils déclaré. Cette rencontre se justifie, d’après ses initiateurs, par le fait que «le régime s’est engagé dans une série de modifications législatives qui vont dans le sens d’un plus grand verrouillage de la vie publique après la levée formelle de l’état d’urgence», estiment ces organisations qui par la même occasion appellent les parties intéressées à y prendre part. Aujourd’hui, ce sont les enseignants hospitalo-universitaires qui entament une grève cyclique de trois jours pour des revendications socioprofessionnelles mais aussi pour exiger des «explications et une commission d’enquête» concernant les pénuries récurrentes des médicaments. Hier à Laghouat, des dizaines de familles sont entrées dans le 4e jour de contestation de la liste d’attribution de logements sociaux. Elles ont appelé «les professeurs, les travailleurs les transports en commun et les propriétaires de magasins à une grève générale aujourd’hui pour faire face à ceux qui voudraient vendre la ville et ses habitants», soulignent-ils. Contrairement à d’autres pays où le travail est la seule manière de lutter contre le chômage, chez nous les chômeurs ont leur manière de provoquer l’emploi, l’immolation, grève de la faim et autres tentatives de suicide. Mercredi dernier, un jeune chômeur de 33 ans a tenté de mettre fin à ses jours en se jetant du toit du siège du bureau régional de l’Agence nationale de soutien à l’emploi de jeunes (Ansej) à Boumerdès, pour protester contre le blocage de son dossier, déposé pour la création d’une agence de location de voitures. A Skikda, ce sont pas moins de 7 jeunes chômeurs qui observent une grève de la faim devant le siège de leur wilaya… Il n’est certes pas évident de satisfaire toutes les familles souffrant de la crise de logement, comme il n’est pas possible que les capacités de l’offre de marché du travail soient en mesure d’employer la population de jeunes et moins jeunes que compte l’Algérie. Mais si aujourd’hui les responsables se versent dans l’apaisement et les promesses c’est qu’ils n’ont pas le remède pour guérir des maux profonds qui ne datent pas d’aujourd’hui. Si auparavant l’Algérie avait ses chômeurs, aujourd’hui les dispositifs de l’Ansej et autres ont inventé «des chômeurs avec crédit», car comme on peut le constater tous les jeunes chômeurs veulent devenir chef d’une petite entreprise, mais qui travaillera alors ? Seule une économie productive est capable d’investir les chômeurs et mener le pays vers le développement et l’autosuffisance. Une économie consommatrice ne produit pas, elle peut seulement faire semblant, laissant des pannes un peu partout. Ce sont ces pannes qui rendent la vie difficile et pénible à une bonne partie de la population algérienne et par le biais d’autres fléaux comme c’est le cas de la corruption et de l’informel qui témoignent que les lois ne s’appliquent pas à tout le monde. Loin d’être un pays qui croit que l’ère des réformes soit révolue, le malaise social des Algériens est en attente des résultats des réformes engagées. Tout est question de temps pour ceux qui ont la volonté et les moyens.
Source Le Jour d’Algérie Yasmine Ayadi
Le Pèlerin