Algérie - Victimes de maltraitance ou en danger moral
Ces enfants qui souffrent en silence
Amel, une adolescente de 14 ans a été violée par son voisin qui l’a engrossée. Son bébé a été placé dans une famille d’accueil.
Beaucoup d’enfants, victimes de maltraitance dans la société ou au sein même de la famille, vivent leurs souffrances en silence par peur ou par ignorance.
Dounia, un nouveau-né de 2 jours, a été trouvée abandonnée. Mohamed âgé de 13 ans a fugué du domicile familial, Hichem, 2 ans, est né sous X. Amina, 15 ans, est suivie par un psychologue pour échec scolaire à cause de conditions de vie difficiles. Farouk, 17 ans, est toxicomane. Amira, 6 ans, se retrouve au milieu d’un conflit familial à la suite de la séparation de ses parents. Sabrina, 17 ans, et Fella, 14 ans, souffrent de maltraitance. Maria, 11 ans, est victime d’agression et de tentative de viol par ses camarades. Ali,13 ans, a, quant à lui, subi des attouchements sexuels.
Amel, une adolescente de 14 ans, a été violée par son voisin qui l’a engrossée. Son bébé a été placé dans une famille d’accueil selon le président du réseau Nada et la jeune adolescente a été prise en charge par ce réseau qui lui sert d’intermédiaire avec ses parents qui l’ont par la suite mieux acceptée.
«Ce sont là certains cas que nous avons jugés utiles de porter à la connaissance de l’opinion publique pour dire que les violences sont multiples et que la rue, la maison, l’école sont tous des vecteurs de violence, au visage souvent couvert par les traditions et la condamnation de la société», dit le président du réseau algérien Nada pour la défense des droits de l’enfant, Abderahmane Arar, dans un communiqué de presse diffusé au mois de juin 2009. Ces enfants souffrant de traumatismes psychiques selon ce responsable, ont été pris en charge par le réseau Nada. «Ils ont bénéficié d’un accompagnement et d’une réparation dans le cadre de notre programme grâce à une équipe pluridisciplinaire», nous a-t-il déclaré. En outre, le réseau a réussi, dans un temps record, à prendre en charge d’autres cas souffrant de traumatismes, de violences, de maltraitance et de danger moral grâce au numéro vert 3033 dans le cadre du programme «Je t’écoute» initié à titre pilote à Alger au début de l’année 2008. «Le nombre d’appels représente un indicateur très fort d’un cumul de détresse installée au sein de notre société», a-t-il commenté.
Une autre forme de maltraitance
Vu l’expérience développée à travers le numéro vert pour l’accompagnement des enfants victimes de maltraitance, un autre projet intitulé «L’enfant on line», a été lancé depuis le mois d’octobre dernier, selon le président du réseau Nada.
«Nous avons constaté des cas de maltraitance à travers Internet au niveau notamment des cybercafés, comme celui d’un enfant de 13 ans exposé à un pédophile. Nous les avons accompagnés et dénoncé le fait», nous a-t-il appris.
Ce projet, selon M. Arar, montrera à l’enfant comment se protéger de l’Internet, «mais sans lui faire peur de cet outil de haute technologie et sensibiliser les acteurs qui travaillent dans ce domaine ainsi que les parents, les associations des parents d’élèves et l’enfant lui-même».
Lancé au niveau de 12 écoles pilotes à Alger pour une durée de 18 mois sur la thématique comment protéger l’enfant et ses droits dans l’espace du Net,le projet sera lancé en force durant la prochaine rentrée scolaire pour être élargi à d’autres wilayas.
En parallèle, un site Internet est en construction, selon notre interlocuteur, et sera bientôt lancé au profit des enfants utilisant l’Internet «où on leur montre comment se protéger contre les aspects négatifs de l’Internet».
Impliquer les parlementaires et les élus locaux
Selon le président de Nada, son réseau veut impliquer les parlementaires et les élus locaux quelle que soit leur tendance politique dans la défense des droits de l’enfant. «Nous voulons les impliquer dans cette dynamique et qu’ils soient porteurs de ce droit», a-t-il souligné les appelant à porter avec le réseau les revendications vers l’amélioration des droits de l’enfant. «La société algérienne n’est pas bien informée sur les lois concernant les mariages mixtes par exemple, car nous avons vu plusieurs situations de conflits. On veut être avec eux en tant qu’acteurs. On veut également développer tout un travail international par rapport au comité international des droits de l’homme dans lequel l’Algérie présente, tous les 3 ans, un rapport sur la situation des droits de l’enfant.» Un enfant qui vient avec une détresse et n’est pas accompagné voit, selon M. Arar, que le meilleur moyen est la violence. «Il faut que tout le monde soit à l’aise dans sa mission, notamment la famille, l’école et l’enseignant.»
Emouvantes retrouvailles !
Badro voudrait être un grand pâtissier comme Farès, le jeune cuisinier de l’émission ‘Sabahiate’ programmée tous les vendredis.
Emouvantes furent ces retrouvailles, auxquelles nous avons d’assister au siège du réseau Nada, entre Badro, un adolescent de 15 ans qui a fugué du domicile familial, et son père.
Badro est un enfant du divorce. Il vivait avec son père et sa belle-mère. De Miliana, l’adolescent a pris le bus pour Alger afin, selon lui, de se réfugier chez sa grand-mère maternelle où vit sa mère avec sa sœur et son frère.
Mais selon sa version, il a été refoulé par sa mère. Alors il a préféré dormir dans les rues d’Alger plutôt que de retourner chez son père, jusqu’au jour où il a été recueilli par une âme charitable. «Mon fils lui donnait des sandwichs. Il lui disait qu’il dormait chez sa grand-mère.
Mais il venait très tôt le matin prendre chez moi son petit déjeuner. Ensuite, mon fils l’a vu rôder, tard le soir, dans les rues d’El Biar. En réalité, il dormait sur la dalle d’une bâtisse en face de chez moi. C’est à partir de là que je l’ai recueilli durant près de 2 mois surtout quand il est tombé très malade – une infection urinaire – et que sa mère que j’ai contactée par téléphone, a refusé de le récupérer.» Badro voudrait être un grand pâtissier comme Farès, le jeune cuisinier de l’émission ‘’Sabahiate’’ qui passe tous les vendredis. Nous avons pu le mettre en contact téléphonique avec lui. Farès s’est engagé, sans même connaître l’histoire du jeune adolescent, à l’aider et à le former «Tout est possible mon petit.Tu seras – si tu le veux – un excellent pâtissier», lui avait-il dit. Ravi, Badro a réellement repris confiance en lui. Mais il doit d’abord refaire sa 5e année primaire selon son père qui vient de rompre avec sa deuxième femme. «C’était un bon élève, mais il a fugué deux mois avant les épreuves de l’examen de passage au cycle moyen»,s’est-il désolé. Pour sa part, Badro a promis à son père et au staff de Nada de ne plus fuguer.
«Il pourra désormais se déplacer seul vers Alger qu’il connaît mieux que moi maintenant. Ce n’est pas la première fois qu’il me fait cela. Je souhaite que ce sera la dernière. Je suis fatigué de le voir constamment prendre des risques. Je ne cesse de lui expliquer qu’il existe des gens méchants dans la rue qui peuvent lui faire du mal.».
Renforcer la coordination
Les leçons tirées de «Je t’écoute», selon un document établi par Nada, tournent entre autres, autour de la nécessité de renforcer le dispositif de signalement, par des textes juridiques d’une part et, d’autre part, de renforcer la coordination institutionnelle et de la société civile et de la famille. «Nous voulons au niveau des institutions d’accueil et de prise en charge des enfants maltraités ou en danger moral, former du personnel (assistantes sociales, psychologues, médecins) spécialisé dans la question de l’enfance, créer la section des avocats spécialisés dans les droits de l’enfant et des affaires familiales au niveau des tribunaux.» Le réseau Nada recommande aussi le renforcement des dispositifs de prise en charge des enfants victimes de la tragédie nationale (enfants victimes du terrorisme, enfants de familles de disparus, enfants nés au maquis) ainsi que celui des mesures contre l’utilisation des technologies de l’information dans l’exploitation sexuelle des enfants ou d’autres formes de violence. Nada plaide pour l’amélioration de la qualité de la kafala et la prévention des rejets et des désistements. «Créer le comité des familles pour le suivi des enfants nés de mères célibataires, de mères divorcées, nés sous X, placés en kafala ou dans une famille ou foyer d’accueil ou encore en période d’urgence».
Abderrahmane Arar * à Infosoir - «Nous sommes devant un cumul de détresse»
InfoSoir : Pourquoi des droits de l’enfant ?
A. Arar : C’est un vecteur très important .Et durant toute la décennie noire, c’est l’enfant qui a payé la facture. Il y a eu de l’accompagnement psychologique et une prise en charge de cette frange de la société par différentes parties y compris le mouvement associatif. Mais le fond n’était pas touché. C’est la détresse ! Nous voulons aussi développer la culture du plaidoyer entre tous les acteurs auprès des pouvoirs publics (gouvernement et parlementaires) et ce, pour améliorer l’application les textes existants et proposer d’autres textes qui marchent avec les besoins futurs de nos enfants.
Comment arrivez-vous à travailler dans ce domaine sensible ?
A travers les associations, mais nous avons d’autres alliés : l’enfant lui-même qui devient le défenseur principal de ses droits. Nous avons également sa famille adhèrent au réseau. Les professionnels (juristes, psychologues, sociologues, médecins, vétérinaires) et des personnes ressources qui ne sont pas adhérentes dans les associations. Nous avons décidé de le mettre sur une approche de concertation et de participation de tous les acteurs associatifs qui tournent autour des droits de l’enfant.
L’importance de l’écoute ?
L’écoute représente 50% de la solution qui doit être accompagnée et aller vers les alternatives de propositions, de décisions et de solutions soit sur le plan juridique ou bien psychosocial. Nous sommes devant un cumul de détresse. Je pense qu’il devrait y avoir un dispositif d’écoute pour la femme, le jeune et l’enfant car la détresse du citoyen doit être écoutée.
Un dernier mot ?
Je lance un appel aux pouvoirs publics pour qu’ils dégagent un partenariat avec la société civile à travers laquelle on peut porter la voix du citoyen. J’insiste aussi sur le code de la protection de l’enfance. C’est un engagement international pour l’Algérie car il répond à beaucoup de besoins et précise le rôle de tous les acteurs. Il va améliorer et mettre à jour toutes les lois qui existent. La loi 72 par exemple, qui protège l’enfant chez nous est dépassée et ne répond pas à tous les défis.
7 342 appels au numéro vert 30 33
7 342 appels téléphoniques pour dénoncer les actes de violence contre des enfants, ont été reçus depuis le lancement en 2008 du numéro vert 30 33 du programme»Je t'écoute», a-t-on appris, hier, lundi, auprès du Réseau algérien pour la protection et la promotion des droits des enfants (NADA). Sur ces 7 342 appels téléphoniques dénonçant ces actes, 335 dossiers ont été traités depuis le début de l'opération lancée par le réseau. Cette opération, programmée pour une durée de trois années – dont la première année de mise en service concerne comme zone pilote la wilaya d'Alger –, vise à dénoncer tout acte de violence contre des enfants. Concernant les dossiers traités au niveau du comité consultatif du réseau, le rapport enregistre «210 cas psychologiques, 70 psychosociaux et 55 juridiques».
S'agissant des 210 cas psychologiques, le rapport relève que 30 enfants ont été maltraités, 28 abandonnés, 19 toxicomanes, 46 issus du divorce et 8 makfouls. Les 70 cas psychosociaux concernent notamment les enfants handicapés et malades, ainsi que les femmes et enfants abandonnés, alors que les 55 cas juridiques sont entre autres les enfants nés hors mariage. Les cas traités à travers le numéro 30 33, «a permis à de nombreuses personnes de trouver une écoute active et attentive aux différents problèmes que rencontrent quotidiennement des centaines de familles». Le réseau NADA a annoncé, par ailleurs, que le présent programme sera élargi cette année à 12 wilayas du pays.
Ce numéro vert qui s'inscrit dans le cadre du programme «Je t'écoute»lancé en février 2008, vise à contribuer à la promotion et à la protection des droits de l'enfant en Algérie, afin de dénoncer les actes de violence exercés contre eux.
Source Infosoir Souad Labri
Le Pèlerin