«Le pétrole peut tourner à la malédiction»
«Les ressources naturelles de l’Algérie (hydrocarbures) qui sont une bénédiction pour le pays, risquent de tourner à une malédiction si elles sont mal gérées.»
L’observation émane du directeur général du Fonds monétaire international (FMI), en visite depuis hier en Algérie. Selon M. Strauss-Kahn, le risque, pour une économie qui repose sur des ressources naturelles, «c’est que l’autre économie aura du mal à se développer». «C’est une ressource, une richesse qui ne crée pas d’emplois ; le chômage, en Algérie, demeure élevé parce qu’en réalité, son taux est supérieur à 20% chez les jeunes», a dit M. Strauss-Kahn lors d’un point de presse organisé hier soir à Alger.
Autre défi de l’Algérie : il est urgent et impératif, d’après le DG du FMI, «de créer un secteur privé compétitif car il n’est aujourd’hui que balbutiant». Sans nul doute, l’Algérie n’a plus besoin aujourd’hui du FMI compte tenu de son matelas de devises généré par les recettes du pétrole. Mais les recommandations de cette institution lui sont nécessaires car sa dépendance des hydrocarbures est plus que jamais importante. «L’accumulation des ressources générées par les recettes du pétrole a atteint 40% du PIB de l’Algérie. C’est important ! La question qui se pose pour l’Algérie est de savoir comment développer un secteur privé compétitif et créer de l’emploi», estime le patron de cette institution monétaire internationale issue des fameux accords de Bretton Woods. Les prochaines années seront donc décisives pour l’Algérie qui, d’après M. Strauss-Kahn, n’a de choix que de «bien gérer ses ressources». L’exercice est difficile pour le gouvernement algérien. L’appareil productif, réduit à un simple amas de ferraille, risque de ne pas faciliter la tâche à l’Exécutif qui a promis de doubler, à l’horizon 2014, la part de l’industrie dans le PIB, estimé à l’heure actuelle à 5,3%. Difficulté qui redouble lorsqu’on sait que l’Etat ne dispose que de 400 entreprises pour relever le défi, de 820 sociétés en état de banqueroute mais dont on n’a jamais appliqué la faillite pour faciliter leur rachat, et d’un secteur privé confronté à mille et une difficultés.
Le FMI ne courtise pas l’Algérie pour l’achat de ses bons
«Il faut penser aux générations futures. Les modalités pour le faire sont différentes», a dit Dominique Strauss-Kahn, invitant ainsi les responsables algériens à mieux utiliser et à mieux gérer l’argent du pétrole. Pour le patron du FMI, «il y a des risques que l’économie mondiale rechute».
L’institution monétaire maintient inchangée sa prévision de croissance de l’Algérie pour 2011, soit 4%, «mais cette prévision dépend aussi de la nécessité de diversifier l’économie algérienne» afin, dit-il, de la consolider.
Pour le moment, celle de ces dernières années est tirée essentiellement du seul concours des recettes pétrolières, reconnaît, en substance, le patron du FMI.
L’Algérie a injecté ces dernières années 15% de son PIB pour créer 3% de croissance, laquelle est jugée trop fragile.
A la question de savoir si sa visite s’inscrit dans le cadre de la volonté du FMI d’alimenter à nouveau son capital en recherchant des ressources dans les pays disposant d’importantes réserves en devises, M. Strauss-Kahn a répondu en balayant d’un revers de la main l’intention du FMI de solliciter l’Algérie pour l’achat des bons émis en avril 2009, au lendemain de la réunion du G20 à Londres : «Cette question d’achat des bons émis par le FMI ne se pose pas actuellement puisque les 500 milliards de dollars que nous avons demandés ont été achetés et la demande est donc remplie. Mais si l’Algérie s’intéresse à cette question, il faudra attendre une éventuelle prochaine émission de bons par le FMI.»
C’est-à-dire que le patron du FMI n’est pas venu solliciter le concours de l’Algérie pour l’achat de ses bons émis en avril 2009 afin de renflouer les caisses de cette institution.
A une question qui évoquait cette espèce de «protectionnisme» adopté depuis l’été 2009 par le gouvernement algérien, Dominique Strauss-Kahn a expliqué que son institution s’oppose à cette formule et «s’inscrit résolument avec le commerce libre. Mais il est vrai que pendant la période de crise, chacun a essayé de limiter les dégâts et il y a eu ainsi des poussées de fièvre çà et là». L’idée défendue à cor et à cri par le patron du FMI est la nécessité, pour l’Algérie, de développer son secteur privé afin de créer une croissance solide et une vraie richesse.
Source El Watan Ali Titouche
Le Pèlerin