Qui va contrôler les Imams ?
Le ministre des Affaires religieuses et des wakfs, Bouabdellah Ghlamallah, fait encore parler de lui. Il confirme l'intention des autorités de mobiliser les mosquées pour appeler la population à voter massivement lors des prochaines élections législatives. Le retour à la mosquée est justifié par son poids en tant qu'organe d'information fréquenté par plus de 15 millions de personnes pour la seule prière de vendredi. Ghlamallah a jugé " normal ", voire " bien " qu'un imam appelle les fidèles au vote, tant que le concerné n'appelle pas à voter en faveur de personnes ou d'un parti précis ", a déclaré Ghlamallah jeudi, à la presse en marge d'une visite dans la wilaya de Boumerdès. D'aucuns se disent d'accord pour le principe, mais seulement la démarche nécessite des garanties, surtout lorsque l'on sache que le sentiment qu'ont certains imams ne va pas toujours de pair avec celui que veulent incarner les responsables. Les indices ne manquent pas. L'on se souvient tous de ces imams ayant refusé de se lever lorsque a retenti l'hymne national, parce que considérant "Kassaman'' comme une ''bid'â'' -et comme telle, elle fait dériver- lors d'un colloque à Dar El Imam, il y a deux années de cela. Ainsi, pour pousser la population à voter, les autorités chargent des imams, comme des promoteurs spirituels du patriotisme, de faire de la propagande. Une question se pose : avec cette référence à l'islam, le travail de l'imam sera-t-il intègre? Ne sera-t-il pas, adapté aux besoins de ces formations politiques islamistes qui foisonnent ? Selon le ministre, qui confirme ainsi les craintes des autorités d'un fort taux d'abstention, la mosquée " joue un rôle avéré en matière de formation de l'opinion publique ". Ce rôle de faiseur d'opinions, a-t-il poursuivi, la mosquée le doit particulièrement à son poids en tant qu'organe d'information qui rassemble presque la moitié de la population pour le seul prêche du vendredi. Le vote est " une préoccupation majeure de la société ", comme l'avait dit le ministre, et " qu'il n'y a aucun mal si la mosquée et l'imam participent à la prise en charge des préoccupations de la société, qui sont au cœur même de leur mission ". La déclaration de Ghlamallah illustre la volonté de l'Etat de reconstituer le sentiment patriotique des Algériens. Ce serait possible avec 15 millions de fidèles, mais qu'en est-il de la neutralité de l'imam ? Les discours tantôt favorables tantôt hostiles aux uns et aux autres ne vont certainement pas à l'avantage du processus démocratique. Mobiliser les minbars au seul profit des formations islamistes risque de discréditer la démarche, et par conséquent, de dissuader davantage la population en butte aux multiples contradictions des responsables. En d'autres termes, les mosquées peuvent être de véritables chambres d'échos pour peu qu'on adopte un discours neutre. Il serait donc imprudent de verser dans la promotion d'un parti politique quelconque.