Algérie - L’aberration du tourisme algérien
Un ministère entier est dévoué au tourisme en Algérie. Un ministre, un secrétaire général, un chef de cabinet, des directeurs centraux, des responsables en tous genres et des centaines si ce n’est des milliers de cadres et employés divers dans une profusion de structures horizontales ou verticales, tout cela pour gérer au fil des ans des budgets colossaux, des infrastructures hôtelières et autres établissements publics ou privés, des patrimoines aussi immatériels qu’irréels, des programmes annuels ou pluriannuels, des séminaires, de vains et coûteux salons aux quatre coins du monde, des agences de voyages, des partenariats, des jumelages, des promotions et des publicités inutiles, des discours sur des projets parfois farfelus comme le tourisme écologique, voire islamique etc. etc. Toute cette incroyable bureaucratie pour absolument rien. Pour pas l’ombre d’un touriste étranger. L’Algérie, voici une pyramide conçue par des fonctionnaires que personne ne daigne visiter si ce n’est, contraints et forcés, quelques hommes d’affaires de passage ou encore quelques fans d’un coin du Sahara – avec Aqmi en embuscade. Et le tourisme national alors, inventé dans les années soixante-dix par les pays dits «socialistes» où il ne faisait pas bon y aller ? On a vu ce qu’a donné ce tourisme par les masses et pour les masses : un effondrement généralisé de ce que la notion même de service, de prestation, d’accueil, peut encore signifier. L’Algérien lui-même va faire le touriste ailleurs. Ou à défaut la harga. Notre bureaucratie pléthorique ne s’est pas contentée de dissuader quiconque à venir chez nous, elle a tout fait pour pousser les nôtres à aller ailleurs juste pour trouver un bout de plage pro-pre et un restaurant correct. La disgrâce du tourisme a fini par gagner l’ensemble du pays. Pas d’activités culturelles, pas de cinémas ou de théâtre, pas d’animations nocturnes, pas de joie de vivre, pas de vie. Les Maîtres de l’hydre bureaucratique vous parlent dans le JT de 20h : «Visiteurs d’ici ou d’ailleurs, vous n’êtes pas les bienvenus !» Certains d’entre eux, qu’ils y furent ou pas, cultivent encore la nostalgie du maquis. Le fantasme de Medine, la cité bénie. L’appel du désert, disait feu Mohammed Dib. La haine du citadin. Le jusqu’au-boutisme des Khmers. Ce pays qui ne veut plus accueillir qui que ce soit et dont les bureaucrates continuent pourtant sur quelque prospectus improbable à vanter, avec leur vulgaire langue de bois, la «légendaire hospitalité» ou «les 1 200 km de littoral», comme on vanterait une chimère, ce pays est quasi naturellement entré en guerre civile avec lui-même pendant une décennie. La mort. Car pourquoi existerait-il si personne ne veut y vivre ou simplement venir le voir ? La question mérite d’être posée.
Source Le Jour d’Algérie Brahim Djalil
Le Pèlerin