Nous sommes au milieu des années 1960, dans une famille algéroise très modeste dont le père travaille comme journalier au port d’Alger. La mère élève difficilement ses trois enfants, aidée de sa belle-mère qui fait de son mieux pour se rendre utile. Toute la famille partage une grande chambre qui fait aussi office de cuisine. On y a aménagé un coin repas, tout cela dans une ambiance calme et sereine, sans heurt ni dispute. Saliha, la maman, avait à peine vingt-cinq ans, et sa vie n’était pas des plus faciles. Son mari, Omar, n’avait pas un travail stable. Il se levait tous les matins aux aurores et s’en allait faire la queue à l’entrée du port, espérant quelque embauche. Si la chance était avec lui ce jour-là, il rentrait le soir à la maison avec un panier plein de choses appétissantes et Saliha s’empresserait de cuisiner un bon plat autour duquel toute la famille se réunirait et dont elle se régalerait. Elle ne manquait pas aussi de mettre de côté quelques légumes et autres produits comme le café, le sucre, le savon, la farine, car son époux ne travaillait pas tous les jours, et elle était surtout une femme prévoyante. Sa belle-mère n’hésitait jamais de lui faire rappeler la situation précaire que la famille vivait, et qu’une vraie femme devait savoir gérer son foyer avec le maigre revenu de son mari. C’était elle qui tenait les rênes pour mener à bien sa tâche au sein de son foyer. Elle lui citait très souvent l’exemple de cette ancienne voisine qui habitait avec eux et dont le mari avait commencé de rien. En peu d’années, il était arrivé à construire sa propre entreprise et toute sa famille avait déménagé pour aller vivre dans un bel appartement en plein centre-ville, et cela grâce au soutien de sa femme qui était sage et très patiente. Elle avait su soutenir son mari dans les moments difficiles sans lui faire sentir qu’il était incapable de subvenir à leurs besoins. Elle avait toujours un plat fumant dans la cuisine pour ses enfants et c’était souvent un plat qu’elle cuisinait avec très peu de choses, qui ne coûtait presque rien, mais qui plaisait à toute la maisonnée. «Tu te rappelles qu’elle nous envoyait souvent une pleine assiette pour nous faire goûter sa tbiekhet el khodra qui n’avait pas de pareille dans toute la grande maison. Va voir maintenant les plats qu’elle cuisine à sa famille ! Elle a su être patiente et Dieu l’a récompensée. C’est une vraie femme et je voudrais que tu lui ressembles.»
Tbeikhet el khodra
Ingrédients :
1 pomme de terre
1 courgette
1 carotte
1 tomate
1 grosse aubergine
Quelques feuilles de cardes
3 ou 4 gousses d’ail
1 c à soupe de concentré de tomates
1 verre d’huile
1 bouquet de coriandre
Sel, carvi, piment de Cayenne
Préparation :
Laver et éplucher la pomme de terre, la carotte, les cardes et la courgette.
Les couper en petits dés. Ajouter l’aubergine coupée en plus gros morceaux ainsi que la tomate fraîche.
Mettre le tout dans un récipient allant au feu. Réserver. Dans un bol en verre, mettre l’ail râpé, le sel, le piment de Cayenne, le bouquet de coriandre, la tomate concentrée et l’huile.
Bien mélanger les épices puis les verser sur les légumes.
Laisser mijoter pendant quelques minutes pour que les légumes s’imprègnent de la dersa.
Mouiller avec de l’eau jusqu’à recouvrir les légumes. Laisser cuire à faitout fermé.
Lorsque les légumes sont cuits, parsemer d’une poignée de riz étuvé ou préalablement cuit.
Laisser mijoter quelques instants. Couper le reste de la coriandre finement et la réserver au moment de servir.