Témoignage d’Elisabeth
Descendante, 39 ans, secrétaire, née à Paris, vit en Allemagne. Deux parents pieds-noirs, d'Alger.
Identité pieds-noirs? Non, fille de Pieds-Noirs, j'ai une autre identité.
Je dirais que mon identité est construite sur une base de souvenirs géographiques, familiaux et historiques très riches, en grande partie non palpables. Affinée par des périodes (enfance et adolescence) très calmes. Complétée par le choix de mon départ de France. Un Pied-Noir dans votre famille, et ça vous secoue votre identité...Imaginez mon rôle de mère, rôle qui se veut transmetteur…
Fragment d'affiche. Le bateau : symbole fort de l'exil pied-noir, il laisse son sillage dans les mémoires transgénérationnelles, consciemment, ou pas.
En effet, dans Le Petit Larousse, je lis que l'identité sociale, c'est la conviction d'un individu d'appartenir à un groupe social, reposant sur le sentiment d'une communauté géographique, linguistique, culturelle, et entraînant certains comportements spécifiques. Alors, si on laisse de côté la géographie, je suis un sacré morceau pied-noir! Cette origine a énormément d'importance : le sentiment d'être le « produit » d'une époque heureuse, mais brisée d'un coup.
Oui, mes amis allemands savent mon origine. Cela se perçoit-il ? Oui. Peut-être par mon ouverture aux autres. Bien sûr que mes parents m'en parlent (mes grands-parents sont décédés). Ma tante m'apprend beaucoup de choses. Je cherche de plus en plus à m'informer, grâce à l'Internet!
L'influence de mon origine ?
Grande, en bien : quelle richesse !
Souffrance?
Il manque la présence sur les lieux (la mienne).
Mes références?
Des comiques: Robert Castel et Lucette Sahuquet. Jean Brua, pour ses parodies.
J'ai quitté la France sans peine, sans mal de pays, pour m'installer en Allemagne, pour des raisons privées, de cœur. Le contact est resté avec ma famille en France.
Sinon, rien ! Mes parents avaient 35-40 ans quand ils sont arrivés en région parisienne en 1962, et ils n'ont jamais eu d'amis français. J'ai finalement fait comme eux.
En Allemagne, je suis très heureuse, et j'ai des amis formidables. Parmi eux, une Française de Bretagne installée en Allemagne depuis 12 ans et une Belge qui n'a fait qu'y passer 3 ans pour partir vivre aux États-Unis. La personne que je pourrais appeler « ma meilleure amie » a 35 ans, et elle a été rapatriée, à 9 ans environ, de Pologne, d'un ancien territoire d'Allemagne. Cela me fait réfléchir...
J'ai un problème avec le mot «communauté». Car qu'est-ce qu'une communauté ? Si je prends les membres de ma famille. Ils ont tous une sensibilité différente par rapport à ce qu'ils ont vécu et ce qu'ils en ont gardé. Mes parents ne se sont jamais lamentés, ils étaient très forts.
Je voulais dire que je trouve le terme « pied-noir » bien mignon, mais il ne colle pas avec mes parents, ils avaient perdu presque toute leur joie de vivre à leur arrivée sur le continent européen. De l'autre côté, le terme « rapatrié » est ridicule parce que faux: ce n'était pas un retour vers la patrie ; le mot « exilé » est meilleur. Il ne me concerne pas personnellement, car j'ai quitté volontairement la région parisienne où je suis née. Peut-être que dans cet acte, j'ai remis les pendules à l'heure pour les parents? Cela me plaît d'y croire.
J’ai deux enfants : un garçon de 3 ans, une fille de 9 ans. À elle, j'ai expliqué, avec des mots simples, l’image que j'ai de la vie qu'avaient mes parents à Alger (la famille, les voisins), une vision un peu multicolore, car plusieurs cultures se mélangeaient, s’appréciaient, se respectaient. Puis je lui ai parlé de leurs pertes à leur départ (ils n'avaient ni terre ni argent mais tout le reste qu'il faut pour être heureux), et je crois qu'à son âge, c'est ce qu'on comprend le mieux: perdre ses amis, sa ville, pour partir pour toujours. Elle m'a demandé pourquoi on avait laissé partir les gens puisque, étant nés en Algérie, ils étaient Algériens, donc dans leur pays! Mes enfants sont bilingues (allemand, français), je ne leur parle qu'en français, le français est ma langue émotionnelle pour eux. De temps en temps, il m'échappe un mot « pied-noir ».Je ne me corrige pas : les petits parisiens apprennent aussi l'argot !
A suivre……
Nota : Ce texte tiré de l’œuvre ci-dessus indiquée est diffusé à des fins de vulgarisation de la culture Pied-Noir.
Que les auteurs en soient remerciés.
Votre serviteur un Pied-Noir d’Hussein-Dey se retrouve dans les propos de ce document.
Le Pèlerin