Douze exportateurs s’organisent à Moscou
La carte du gaz sur la table
Quarante-huit ans après la création de l’OPEP, douze pays exportateurs de gaz se sont réunis dans la capitale russe pour décider de la création d’une organisation similaire (FPEG) marquant un tournant décisif dans les relations géostratégiques telles que dessinées jusque-là. La carte de l’énergie sera déterminante dans les rapports de force, la rencontre moscovite en constituera le départ.
La Russie, qui s’est chargée depuis le début de coordonner les positions des membres, a réussi le consensus autour de son parrainage en ramenant les douze à accepter la domiciliation de cette nouvelle organisation dans la ville de Saint-Pétersbourg.
D’emblée, le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, a donné le ton en déclarant à l’ouverture de la réunion, «l’ère du gaz à bon marché était révolue», portant un coup, à bout portant à une situation de fait dorénavant incertaine. Les invités de Moscou, producteurs et exportateurs de gaz dont l’Algérie, l’Iran, le Venezuela et le Qatar comptabilisant à eux seuls 73% des réserves mondiales et 42% de la production gazière, se réapproprient le leadership du marché mondial de l’énergie en pétrole et gaz quitte à fâcher leurs clients, notamment les Européens qui en absorbent près de 40%. Le gaz russe fournit par le géant Gazprom est, ces derniers temps, perçu comme une menace pour une Europe de plus en plus dépendante de son fournisseur russe à hauteur de 24% et à 11% d’Algérie.
La déclaration de Poutine d’hier a fait mal, bien que rien n’a encore été décidé, sinon la mise en place des structures de fonctionnement. Un des membres, en l’occurrence le Qatar reste conciliant vis-à-vis des consommateurs en écartant pour l’instant la question des prix du prix privilégiant le maintien de la formule d’indexation sur les prix du pétrole.
Mais cet avis est loin d’être partagé par Alger, notamment dont, notre ministre de l’Energie Chakib Khelil qui avait réfuté l’utilité d’une telle organisation qui n’aurait pas les possibilités d’intervenir dans la régulation du marché faute de maîtrise des volumes mis sur le marché et donc, incapacité de contrôler la réalité du coût du gaz pratiqué.
La Russie, qui partage cette approche, compte bien le faire admettre en plaidant pour la levée de l’indexation estimant que «les frais de prospection, de production et de transport de gaz augmentent» alors que les prix restent inchangés. Poutine a rappelé par ailleurs une autre réalité, celle imposée par la crise financière qui secoue l’économie mondiale frappée en outre par la récession en mettant en avant l’incapacité des producteurs à satisfaire leurs besoins d’investissement dans le domaine. Il rappellera à ses invités que la Russie investit des dizaines de milliards de dollars dans le secteur énergétique et que sous l’effet de la crise actuelle et pour tous les producteurs de cette énergie, ces investissements «sont devenues une épreuve sérieuse pour le secteur du pétrole et du gaz dans le monde», a tenu à convaincre le chef du gouvernement russe, qui rappellera également que la chute libre des cours du pétrole enregistrée durant les derniers quatre mois de cette année ont été divisés par quatre alors que les frais d’exploitations n’ont pas cessé d’augmenter.
Il faut dire que le discours est insoutenable pour le premier consommateur de gaz des douze, dont notamment l’Europe qui absorbe un quart du gaz fournit par la Russie et y voit un moyen de pression. De bonne guerre, répliquent les douze qui, accusent, en ces temps de crise marqués par la contraction de la demande sur le pétrole et par conséquent la baisse drastique des cours, un manque à gagner en terme de recette mais aussi en termes de perspectives de développement de leurs secteurs énergétiques dont les besoins en financement restent en constante évolution et qui tente depuis des mois de s’entendre sur une stratégie commune en la matière.
«Ce qui a le plus attiré l’attention en Europe, c’est le mot commercialisation, c’est-à-dire le risque de cartel. Jusqu’à présent Gazprom et Sonatrach sont des concurrents sur le marché européen», relève Francis Perrin, rédacteur en chef de la revue spécialisée Pétrole et Gaz arabes. Mais peu de détails ont filtré et rien n’indique pour l’instant que les deux pays fomentent, via leurs entreprises, la création d’une «OPEP du gaz», à rapprocher de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), estime l’expert.
Source La Nouvelle République
Le Pèlerin