Procès Charlie Hebdo: la polémique naît d'un soutien inattendu de Sarkozy
La première journée du procès de Charlie Hebdo, poursuivi à Paris pour avoir publié des caricatures de Mahomet, a tourné au débat sur le statut de la liberté d'expression face au respect des croyances, une controverse nourrie par le soutien de Nicolas Sarkozy à l'hebdomadaire.
Prenant le parti de la liberté d'expression, le ministre de l'Intérieur et des Cultes et candidat UMP à la présidentielle, a, de manière inattendue, apporté son soutien à l'hebdomadaire satirique. Il a salué sa démarche qui s'inscrit, selon lui, "dans une vieille tradition française, celle de la satire".
Dans un courrier lu à l'audience par Me Georges Kiejman, l'un des avocats de Charlie Hebdo, le ministre affirme: "Je préfère l'excès de caricature à l'absence de caricature".
La lettre-surprise a rapidement trouvé un écho hors de l'enceinte de la 17ème chambre du tribunal correctionnel où se déroulaient les débats, le Conseil français du culte musulman (CFCM) organisant une réunion "exceptionnelle".
"Le Bureau exécutif du CFCM déplore la politisation d'une affaire judiciaire tendant à dénoncer (...) un acte de provocation créant l'amalgame entre terrorisme et islam", a déclaré Dalil Boubakeur, président du CFCM et recteur de la mosquée de Paris, qui lisait le texte adopté par cette instance.
"Il souhaite une plus grande retenue pour laisser dans son contexte propre une plainte qui vise deux caricatures injuriant les musulmans", a-t-il ajouté.
L'entourage de Dalil Boubakeur avait indiqué qu'une "démission en bloc du CFCM" était en jeu.
M. Boubakeur a justifié ce choix par "une démarche d'apaisement, de paix", invoquant en outre le fait que la lettre émanait du candidat UMP, et non du ministre des Cultes à l'origine de la création du CFCM, et qu'une telle décision n'aurait pu être prise "parce que le bureau n'était pas au complet".
La lecture du courrier de M. Sarkozy suivait l'interrogatoire de Philippe Val, directeur de publication du journal: celui-ci a longuement plaidé, dans une salle comble, qui lui était globalement acquise, pour le droit de "critiquer la religion en tant qu'idéologie".
Les débats se sont poursuivis dans l'après-midi avec l'intervention de quelques-uns des treize témoins cités par la défense, dont François Hollande: "Ce procès n'aurait pas dû avoir lieu. Il valait mieux un bon débat plutôt qu'un mauvais procès", a déclaré le Premier secrétaire du PS.
S'adressant à la Grande Mosquée de Paris et à l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), parties civiles, M. Hollande leur a lancé: "Je ne vous dénie pas le droit de faire ce procès".
"Mais, quelle que soit la décision qui sera prise par ce tribunal, je ne pense pas que vous ayez fait progresser la cause que vous défendez", a-t-il ajouté.
"Je me réjouis qu'à l'occasion de ce procès, des hommes et des femmes viennent dire qu'ils défendent la liberté d'expression", a-t-il dit en allusion au message de M. Sarkozy, tout en ajoutant: "Mieux vaut tard que jamais".
Parmi les autres témoins cités par le prévenu figurait Fleming Rose, rédacteur en chef des pages culturelles de journal danois Jyllands-Posten qui avait, le premier, publié les caricatures. Il a estimé que "le droit de critiquer n'importe quelle idéologie religieuse ou politique (était) la clé de la liberté d'expression".
Les témoins de la défense devaient continuer à déposer dans la soirée et jeudi après-midi avant les plaidoiries et le réquisitoire. La présence de François Bayrou, candidat UDF à la présidentielle, est annoncée.
Comme le prévoit le code de procédure pénale, les avocats de Charlie hebdo auront les derniers la parole. Le jugement est attendu dans plusieurs semaines.
Source Seniorplanet
Le Pèlerin