Une ville, une histoire : Timimoun, la flamboyante (2e partie)
Résumé de la 1re partie - Brahim veut savoir à qui Sabha destinait ce billet…
Il reprend son guet derrière le gros palmier, et attend. Toute la palmeraie est noyée dans une fraîche pénombre. De temps à autre, un homme passe sur son chameau ou à pied, certains sarrêtent et vont se rafraîchir à la source qui alimente les séguias, enlèvent leurs chèches et mouillent leur tête avec de leau froide. Dautres font leurs ablutions pour la prière du Maghreb, et reprennent la route vers la ville.
Puis, un homme au visage caché sous son nguêb descend de son chameau à hauteur de la source. Il enroule le licou autour dun palmier dun geste négligent et après avoir lancé un regard à droite et à gauche, pour être sûr dêtre seul, sélance dun bond vers le rocher. Sa silhouette est légère, mais de là où il est, Brahim ne peut le reconnaître
Le jeune homme cherche en vain le message, se penche pour regarder par terre, glisse à nouveau ses doigts sous la pierre
Brahim sort de sa cachette, en promeneur, décidé à démasquer son rival.
Salem aleïkoum !
Lhomme sursaute légèrement et se retourne.
Salem ! Ah ! Cest toi, Brahim ?
Cest Monder son cadet.
Que fais-tu là ? demande-t-il, la voix altérée par le choc.
- Rien ! Je me repose un moment
Tu as les mains vides
Nes-tu pas allé au souk pour ramener le sucre et le thé ?
La vieille va être mécontente !
Non répond-il sèchement à son frère intrigué. Jirai demain ! Il tourne le dos et prend le chemin du labyrinthe.
«Mais cest peut-être mieux ainsi, pense-t-il, il est plus jeune que moi, et jai la priorité pour choisir ma fiancée et me marier
Je vais le prendre de vitesse et jirai minstaller au nord à Ouargla ou à Biskra et éloigner Sabha de Monder
et elle finira par loublier, elle est si jeune, elle na que dix-sept ans, et Monder dix-neuf.» Et les vingt-quatre ans de Brahim lui semblent pleins de sagesse et dexpérience
Le lendemain, il participe avec quelques hommes au chaulage du mausolée de Sidi Cherif, situé sur les hauteurs de Timimoun. Avec la chaleur, la chaux sèche aussitôt quelle est appliquée sur les parois, et le monument funéraire reprend sa blancheur immaculée.
Les festivités de Sidi Cherif commencent. De grands plats de couscous sont déposés sur la place des ksour. Le thé coule à flots. Lodeur de la menthe parfume lair, les discussions et les rires des hommes remplissent la place. Les vieillards, assis à part sur des nattes dalfa, souriants, heureux de tout ce bonheur autour deux. De temps à autre, un enfant au teint foncé, vêtu, lui aussi, dune gandoura blanche, vient se jeter sur les genoux de lun deux, avant de reprendre son jeu interrompu…
Puis, les hommes quittent la place par groupes et se dirigent hors des murailles, sur la grande dune qui borde la ville.
Brahim, qui marche seul, les suit, le cur serré. Formant un grand carré, les ahellil sinstallent à même le sable, pour la selka, la récitation du Coran qui va durer toute la nuit
Assis au milieu des hommes, Brahim ne peut se concentrer et, cessant de lutter, il laisse errer son esprit vers la séguia doù il a vu disparaître Sabha, deux jours plus tôt, sa silhouette altière sous sa jarre pleine deau
Il regarde sans les voir les rangées dhommes noirs sous les abeya et les chèches blancs brillant au clair de lune, balançant légèrement leur corps dun côté puis de lautre, débitant les versets dans une parfaite harmonie
(A suivre…)
Source Infosoir Houria Bekiri
A suivre…
Le Pèlerin