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  • : Algérie Pyrénées - de Toulouse à Tamanrasset
  • : L'Algérie où je suis né, le jour du débarquement des Américains, le 8 novembre 1942, je ne l'oublierai jamais. J'ai quitté ce pays en 1962 pour n'y retourner que 42 ans plus tard. Midi-Pyrénées m'a accueilli; j'ai mis du temps pour m'en imprégner...mais j'adore
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De Toulouse à Tamanrasset

 

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Le cirque de Gavarnie

L'Algérie, j'y suis né le jour du débarquement des Américains, le 8 novembre 1942. J'ai quitté ce pays merveilleux en 1962, pour n'y retourner qu'en août 2004, soit 42 ans plus tard...
Midi-Pyrénées m'a accueilli. J'ai mis du temps pour m'imprégner de Toulouse mais j'ai de suite été charmé par ce massif montagneux et ses rivières vagabondes que je parcours avec amour...Ah ces chères Pyrénées, que je m'y trouve bien ...! Vous y trouverez de nombreux articles dédiés à cette magnifique région et la capitale de Midi Pyrénées : Toulouse
L'Algérie, j'y suis revenu dix fois depuis; j'ai apprécié la chaleur de l'accueil, un accueil inégalé de par le monde.......L'espérance d'abord ...Une relative désillusion ensuite...Pourquoi alors que le pays a un potentiel énorme...Les gens sont perdus et ne savent pus que faire....Les jeunes n'en parlons pas, ils ne trouvent leur salut que dans la fuite....Est-il bon de dénoncer cela? Ce n'est pas en se taisant que les choses avanceront.
Il y a un décalage énorme entre la pensée du peuple et des amis que je rencontre régulièrement et les propos tenus dans les divers forums qui reprennent généralement les milieux lobbyistes relayant les consignes gouvernementales...
Les piliers de l'Algérie, à savoir, armée, religion et tenants du pouvoir sont un frein au développement de l'Algérie ....Le Pays est en veilleuse....Les gens reçoivent des ….sucettes...Juste le nécessaire... pour que ....rien nez bouge....
Pourtant des individus valeureux il y en a ....Mais pourquoi garder des élites qui pourraient remettre en cause une situation permettant aux tenants des institutions de profiter des immenses ressources de l'Algérie. Le peuple devenu passif n'a plus qu'un seul espoir : Dieu envers qui il se retourne de plus en plus...Dieu et la famille, cette famille qui revêt une importance capitale en Algérie.

Le vent de la réforme n'est pas passé en Algérie tant les citoyens sont sclérosés dans les habitudes et les traditions relevant des siècles passés....La réforme voire la révolution passera....à l'heure d'Internet, on ne peut bâillonner le peuple indéfiniment...Cela prendra du temps mais cela se ferra...
Pour le moment le tiens à saluer tous les amis que j'ai en Algérie et Dieu sait que j'en ai....C'est pour eux que j'écris ces blogs, quand bien même je choisis souvent mes articles dans la presse algérienne....pour ne pas froisser la susceptibilité à fleur de peau de l'Algérien...

Cordialement,
Le Pèlerin

 

 

 

 

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1 février 2010 1 01 /02 /février /2010 00:44

II y a cinquante ans, le 4 janvier 1960, Albert Camus faisait route de Lourmarin, village situé dans le sud de la France, vers Paris.
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A une centaine de kilomètres de Paris, la voiture dans laquelle il avait pris place, fit une embardée et s’écrasa contre un platane. Albert Camus fut tué sur le coup. On retrouva, dans sa serviette, les feuilles manuscrites d’une œuvre qu’il avait intitulée Le Premier homme, œuvre dont il avait commencé la rédaction et qu’il laissa inachevée. Dans les dernières pages de ce manuscrit, se trouve un texte, d’une vingtaine de lignes, qu’Albert Camus avait écrit, peu auparavant, sur l’avenir de l’Algérie tel qu’il le souhaitait. Ce texte est le tout dernier que Camus ait écrit sur l’Algérie. C’est ce texte que je me propose de vous présenter. Il demeure peu connu parce que Le Premier homme n’a été publié qu’en 1994, soit 34 ans après la mort d’Albert Camus, et que ce texte difficile n’a guère été commenté jusqu’à ce jour (du moins à ma connaissance). Je vous rappelle qu’Albert Camus est un écrivain français, né en Algérie, d’une famille très modeste puisque son père était ouvrier caviste sur une exploitation coloniale. Ce dernier fut mobilisé en août 1914, et dès septembre de la même année, il fut mortellement blessé à la bataille de la Marne. Il mourut peu après. Son fils, Albert, avait moins d’un an, c’est dire qu’il n’a pas connu son père. Dès la mobilisation de son mari, son épouse, Catherine Sintès, d’origine espagnole, était venue s’installer à Alger, chez sa propre mère, dans un appartement situé d’abord au 17 de l’ex-rue de Lyon, puis au 93 de la même rue, dans le quartier de Belcourt. La mère d’Albert Camus ne sait ni lire ni écrire, une maladie de jeunesse l’a rendue sourde et l’a empêchée d’être normalement scolarisée. Elle fit courageusement des ménages chez les autres pour faire vivre sa famille. Albert Camus eut, dès son enfance et durant toute sa vie, une grande admiration pour le courage de sa mère, qui surmontait, sans jamais se plaindre, le lourd handicap de sa surdité, tout en faisant de pénibles journées comme femme de ménage chez les autres. Albert fut scolarisé à l’école communale de son quartier, puis au lycée d’Alger. Il poursuivit ensuite des études à l’université d’Alger où il obtint une licence, puis un diplôme d’études supérieures de philosophie. Plus tard, en une quinzaine d’années, de 1942 à 1956, Albert Camus publia une série d’ouvrages qui lui valurent de recevoir, en octobre 1957, le prix Nobel de littérature. Comme je viens de le dire, il mourut accidentellement le 4 janvier 1960. Il venait d’avoir 46 ans. Vous le savez, sans doute, la position tenue par Albert Camus, concernant l’avenir de l’Algérie, a évolué. Durant les années 1935-1937, inscrit au parti communiste, il soutint l’Etoile Nord-africaine, organisation nationaliste qui militait en faveur de l’indépendance de l’Algérie (cf. AC-JG, 180). Mais plus tard, en 1958, il publia Actuelles III, Chroniques algériennes, ouvrage dans lequel il refuse l’avènement d’une telle indépendance. Il craint que celle-ci ne provoque le départ des Français qui, à ses yeux, étaient, eux aussi, et au sens fort du terme, des « indigènes » (IV, 389), et qui, à ce titre, devaient avoir le droit de demeurer en Algérie. Il craint aussi que le FLN n’installe en Algérie un régime totalitaire, imposant un parti unique et supprimant la liberté d’expression, liberté à laquelle Camus était très attaché. Cependant, doutant de lui, il disait : « Je peux me tromper ou juger mal d’un drame qui me touche de trop près. » (IV, 305). Durant l’année 1959, la situation en Algérie évolua, ce qui provoqua une évolution de la position de Camus sur l’avenir de l’Algérie. En effet, l’opiniâtreté de la lutte des Algériens pour leur indépendance conduisit le général de Gaulle à proposer, en septembre 1959, une sortie de la guerre par le recours à l’autodétermination du peuple algérien. L’avenir politique de l’Algérie sera déterminé par le choix des Algériens eux-mêmes. Albert Camus prit acte des perspectives nouvelles que ce recours à l’autodétermination ouvrait pour l’Algérie. En effet, il apparut, dès cette date, que les Algériens choisiraient l’indépendance de leur pays. Camus accepta cette perspective, en ce sens, du moins, que dans son dernier écrit sur l’avenir de l’Algérie, il ne s’oppose plus à cette éventualité. C’est ce qui apparaît dans ce texte que je vais, à présent, vous présenter, texte dans lequel Camus dit, aussi, son espoir que l’Algérie nouvelle soit édifiée en faveur des plus pauvres. Camus attachait une grande importance à ce texte puisqu’il le fit précéder du mot : Fin. Il estimait, sans doute, qu’il pourrait servir de conclusion à l’œuvre dont il avait commencé la rédaction et qu’il avait intitulée Le Premier homme. Je vous en donne à présent la lecture en la fractionnant en quatre parties.

Première partie

Fin. « Rendez la terre, la terre qui n’est à personne. Rendez la terre qui n’est ni à vendre ni à acheter (oui et le Christ n’a jamais débarqué en Algérie puisque même les moines y avaient propriété et concessions). » (IV, 944). A première lecture, ces lignes ne sont guère compréhensibles. Elles se présentent comme une sommation : « Rendez la terre, la terre qui n’est à personne. » Mais on ne sait pas qui est celui qui parle, ni de quelle terre il parle. On peut penser, et la suite du texte le confirmera, que celui qui parle n’est autre qu’Albert Camus lui-même. De même, on peut penser que la terre dont il parle n’est autre que la terre algérienne, comme, également, la suite du texte le confirmera. A qui faut-il la rendre ? On ne le sait pas. Mais, là encore, la suite dira qu’il faut la rendre aux pauvres. A qui s’adresse cette sommation de rendre la terre ? Elle ne peut s’adresser qu’à ceux qui, en 1959, en détenaient une part sans en avoir le droit, puisqu’on exige d’eux qu’ils la rendent. Camus doit faire allusion, ici, au fait que la terre algérienne a été jadis injustement conquise par les armes et qu’elle a été ensuite confisquée pour être donnée à des colons venus d’ailleurs. L’injuste spoliation initiale perdure, de sorte que beaucoup de ceux qui, en 1959, s’en disaient les propriétaires, l’avaient acquise et la détenaient de façon injuste. Ils devaient donc la rendre. La suite immédiate du texte confirme cette interprétation, car elle fait allusion à la façon illégitime dont des terres algériennes ont été données en concession, notamment à des moines. Nous savons que des moines trappistes venus de France reçurent, en 1843, une concession de 1000 hectares près de Staouéli, pour y fonder un monastère (voir Charles André Julien, Histoire de l’Algérie contemporaine 1827- 1871, PUF, 1964, p. 243). C’est à cet événement que Camus fait allusion quand il écrit : « Même les moines y avaient propriété et concessions. » Les autochtones musulmans qui vivaient sur ces 1000 hectares en perdirent la propriété ou l’usage. Certains durent partir, tandis que d’autres devinrent des travailleurs au service des moines, pour la mise en valeur d’une terre qui ne leur appartenait plus et qui devint le domaine de la Trappe. (Comme vous le savez, peut-être, ces moines trappistes quittèrent l’Algérie en 1904, leur domaine devint celui de Borgeaud, puis, après l’Indépendance, il devint le Domaine Bouchaoui, tandis que le vin produit sur ce domaine continue d’être dénommé « Vin fin de la Trappe »). Que veut dire Camus quand il ajoute : « Oui et le Christ n’a jamais débarqué en Algérie ? » Il veut dire que le Christ n’y a pas débarqué avec les moines qui se disaient ses représentants. Il n’a pas débarqué avec eux, car, selon Camus, le Christ aurait refusé de prendre part à une telle spoliation. Se disant non-chrétien, Camus avait, cependant, une grande estime pour la personne de Jésus. Pourquoi, toujours selon Camus, la terre algérienne « n’est à personne ? » Pourquoi n’est-elle « ni à vendre ni à acheter ? » C’est parce qu’à ses yeux, la terre algérienne est un espace de beauté et de lumière. Espace qui en raison, précisément, de sa beauté et de sa lumière n’appartient en propre à personne. Camus note qu’en Algérie : « La mer et le soleil ne coûtent rien » (I, 32). En effet, la splendeur d’un coucher de soleil sur la mer ne coûte rien. Elle n’appartient à personne en particulier, car elle est donnée à tous. Pour Albert Camus, je le cite : « Tout ce que la vie a de bon, de mystérieux (...) ne s’achète et ne s’achètera jamais. » (IV, 910). Or, par sa lumière et par sa beauté, la terre algérienne fait partie, à ses yeux, de ce qui est bon, de mystérieux et donc de ce qui ne s’achète et ne s’achètera jamais. Elle fait naître en ceux qui y vivent des sentiments d’émerveillement et d’amour, comme autant de dons que cette terre offre gratuitement. Nous pouvons à présent relire cette première partie. C’est Albert Camus qui parle. Il s’adresse à tous ceux qui, venus d’ailleurs, détenaient (en 1959) une part de la terre algérienne. Cette terre avait été, jadis, conquise injustement par les armes, en sorte qu’elle était, aujourd’hui encore, détenue injustement par certains Français, qui s’en disaient les propriétaires. Elle n’est ni à vendre ni à acheter, car, pour Camus, la valeur de la terre algérienne n’est pas, d’abord, sa valeur marchande. Elle est d’être comme elle l’a été pour lui : « La terre du bonheur de l’énergie et de la création. » (IV, 379). En effet, par sa beauté et sa lumière, cette terre fait naître du bonheur en ceux qui y vivent, de plus, elle leur donne le désir et, donc, l’énergie de faire de leur vie quelque chose de beau, qui soit en harmonie avec la beauté de cette terre. L’allusion aux moines, qui ont reçu une concession de 1000 hectares dans la région de Staouéli, permet à Camus d’exprimer son indignation : « Même des moines ont participé à cette injuste spoliation ! Mais le Christ n’a pas débarqué avec eux en Algérie, car, lui le juste, n’aurait pas participé à une telle injustice. »

Deuxième partie

Et il s’écria, regardant sa mère, et puis les autres : « Rendez la terre. Donnez toute la terre aux pauvres, à ceux qui n’ont rien et qui sont si pauvres qu’ils n’ont même jamais désiré avoir et posséder, à ceux qui sont comme elle dans ce pays, l’immense troupe des misérables, la plupart Arabes, et quelques-uns Français et qui vivent ou survivent ici par obstination et endurance, dans le seul honneur qui vaille au monde, celui des pauvres, donnez-leur la terre comme on donne ce qui est sacré à ceux qui sont sacrés. » De façon inattendue, nous apprenons que la mère d’Albert Camus ainsi que d’autres personnes aussi pauvres qu’elles sont présentes auprès de Camus. En effet, c’est en les regardant qu’il renouvelle sa sommation : « Rendez la terre. Donnez toute la terre aux pauvres. » Or, Camus était en France quand, peu avant sa mort, il rédigea ce texte. A cette date, sa mère se trouvait en Algérie ainsi que « les autres » qui sont à ses côtés. Ces personnes ne sont donc pas présentes physiquement près de lui, elles sont présentes dans sa pensée. C’est en les regardant, c’est-à-dire en pensant à elles, qu’il renouvelle son appel à rendre la terre et qu’il explicite sa pensée en déclarant qu’il faut la rendre aux pauvres. Qui sont ces pauvres ? Pour Camus, ce ne sont pas les mendiants assis sur les trottoirs de nos rues (même si eux aussi ont droit à notre attention). Les pauvres dont il parle sont des travailleurs courageux, peu payés, telle sa mère qui faisait des ménages pour faire vivre les siens. Les pauvres dont il s’agit sont, écrit-il, « l’immense troupe des misérables, la plupart arabes, et quelques-uns français qui vivent ou survivent (en Algérie) par obstination et endurance. » Des hommes des femmes qui vivent ou survivent ainsi, Camus en a côtoyés dès son enfance, notamment il a vu sa mère. A son sujet, il écrit qu’elle endurait la dure journée de travail au service des autres, lavant les parquets à genoux, ignorante, obstinée. » (cf., IV, 775). Des hommes, des femmes, qui vivent ou survivent par obstination et endurance, Camus en a rencontrés également en Kabylie, région où il se rendit en mai 1939. Il y découvrit, selon ses propres termes, « des hommes courageux, une des populations les plus fières et des plus humaines en ce monde » (IV, 328 et 336). « Lorsque, dans certains villages, les ressources en grains étaient épuisées, les gens survivaient, en se nourrissant d’herbes, de racines et de tiges de chardon » (cf. IV, 309). Et, il en était sans doute ainsi en d’autres régions d’Algérie qui connaissaient, à la même date, des situations semblables. Selon notre texte, ce sont ces êtres courageux et misérables qui ont le droit de posséder la terre algérienne. Ils ont ce droit, précisément, parce qu’ils sont pauvres et courageux. Il faut la leur donner, écrit Camus, « comme on donne ce qui est sacré à ceux qui sont sacrés ». Selon le dictionnaire Le Robert, est sacré ce qui est digne d’un respect absolu. C’est bien ce sens qu’il convient de donner ici au mot « sacré ». Les pauvres qui, en Algérie, vivent ou survivent par endurance et obstination sont sacrés, c’est-à-dire dignes de notre respect absolu.

Nous pouvons même nous humilier devant eux, car ils sont plus courageux que nous. Albert Camus écrivait en 1958 : « Dans le secret de mon cœur, je ne me sens d’humilité que devant les vies les plus pauvres ou les grandes aventures de l’esprit. » (1,35). Avec tous ceux de son milieu familial et social, Albert Camus jugeait que le courage était « la vertu principale de l’homme » (IV, 841-2). Ayant partagé, dans son enfance, la pauvreté de sa famille, Camus reconnaissait la valeur humaine de ceux qui, avec courage et comme les siens, assumaient les situations difficiles qui étaient les leurs. Après avoir reçu le prix Nobel, qui est la plus haute distinction à laquelle un écrivain puisse prétendre, Camus se disait certain « d’être moins que le plus humble, et rien en tout cas auprès de sa mère », laquelle n’était rien aux yeux du monde (IV, 910). Dans ce texte, la terre algérienne est reconnue également comme sacrée et donc digne de notre respect absolu. En quel sens l’est-elle ? Avant tout en ce sens qu’elle a été pour Camus, ce qu’elle peut être pour d’autres : « La terre du bonheur, de l’énergie et de la création » (IV, 3). Camus a reconnu que, dans son enfance, il avait été élevé dans le spectacle de la beauté qui était sa seule richesse et qu’il avait commencé par la plénitude (cf. III, 609). Cette terre a éveillé en lui, comme elle peut l’éveiller en d’autres, l’amour et l’admiration ainsi que l’énergie. L’énergie, c’est-à-dire le désir et la volonté de faire de sa vie quelque chose de beau qui soit en harmonie avec la beauté de cette terre. (A suivre)

(*) Conférence à la Maison diocésaine d’Alger, le vendredi 8 janvier 2010 (à l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort d’Albert Camus)

Références des citations :

Les sigles, ci-dessous, suivis du numéro de la page de la citation, renvoient aux ouvrages suivants :

1- A. Camus, Œuvres complètes, Gallimard, 2006, Bibliothèque de la Pléiade, tome l, 1931-1944.

II- A. Camus, Œuvres complètes, Gallimard, 2006, ’Bibliothèque de la Pléiade’, tome II, 1944-1948.

III- A. Camus, Œuvres complètes. Gallimard, 2008, Bibliothèque de la Pléiade, tome III, 1949-1956.

IV- A. Camus, Œuvres complètes, Gallimard, 2008, Bibliothèque de la Pléiade, tome IV, 1957-1959.

AC-JG A. Camus Jean Grenier, Correspondance 1932 -1960, Gallimard, 1981.

Todd Olivier Todd, Albert Camus une vie, Gallimard et Olivier Todd, 1996.

Source El Watan François Chavanes

A suivre

Le Pèlerin

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20 janvier 2010 3 20 /01 /janvier /2010 00:26

Aziz Chouaki ou le Serment des Oranges de Lamine Ammar Khodja
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«Nous avons effectivement de l’acné à l’intérieur de nous-mêmes», confirme ce jeune homme lors du débat.
Dans ce film réalisé avec zéro budget, fait par un jeune Algérien, le ton est vite donné. Le film Aziz Chouaki ou le serment des oranges restitue le portrait de l’ancien musicien de rock devenu par la force des choses poète, écrivain, journaliste et dramaturge et nous revoie par la même occasion, de plein fouet, dans d’Algérie d’aujourd’hui avec ses maux et ses défauts. Une Algérie en déconfiture qui souffre de malaise profond dont le nid a été préparé depuis des années et peine aujourd’hui à s’en sortir. En écho, une jeunesse désemparée qui, elle, a le mal de son pays, désenchantée, perdue entre l’alcool et le défaitisme, notamment. Même si on regarde bien, l’espoir et le sourire ne sont pas loin, le drame est bien palpable. Le jeune réalisateur décide de faire le portrait de Aziz Chouaki après que son frère lui ait donné l’envie de lire ses romans. Tombé sous son charme, il ira voir un jour une de ses pièces de théâtre. Et c’est parti... Entre un Aziz Chouaki qui narre son parcours, Lamine filme un échantillon de cette jeunesse algérienne avec tout ce qu’elle comporte comme traits de comportements et langages spécifiques, trahissant un désespoir profond. Aziz Chouaki se remémore sa jeunesse, dans les années 1960 et cette chasse aux cheveux longs pour les hommes, aussi sa passion pour la musique, lui l’enfant de Belfort. Il était à l’époque, dès 1980 directeur artistique de la boîte le Triangle à Riad El Feth et œuvrait à mettre en lumière les artistes qui évoluaient habituellement dans les cabarets comme Khaled et Mami. Il était guitariste dans un groupe de rock avec Karim Ziad, mais la passion de l’écriture ne tardera pas à se faire sentir. L’universitaire Christiane Chaulet-Achour évoque son style «décalé» tout comme cette directrice de la revue littérature Action. Aziz Chouaki se remémore ses déboires et ses débuts dans l’écriture. Il partit en France en 1991 pour garder en tête intactes, les belles images de son pays. Dans ce film, il confie sa fascination pour le langage feutré des rappeurs qu’il qualifie d’une «expérimentation d’une écriture street». Lui-même se plait à employer dans ses œuvres ces mots du quotidien, «ce patois» vif et actuel a contrario de «la langue de bois», fait remarquer son ami le journaliste et écrivain Mustapha Benfodil. L’Algérie et ses périodes phares sont invoquées dans ce film comme le terrorisme. La violence désormais urbaine contrarie la beauté des paysages de notre capitale. De la tourmente dans l’air. Les jeunes semblent ne croire en rien et sombrent dans le trou noir. Mustapha Benfodil parle de laboratoire pour cobayes humains. Aziz Chouaki dénonce le «manque d’identité culturelle chez nos jeunes, ballottés entre l’Occident et Bagdad, prêts à devenir des bombes humaines». Violence dans les mots, dans l’espace et dans la tête. Un jeune oisif déluré cuvant son vin avec ses potes dans une cave d’un immeuble résume sa vie avec cynisme: «l’Algérie c’est comme Kinder surprise», autrement dit, on vous empêche de vivre dans la sérénité et la paix tant l’horizon reste bouché et plombé par d’innombrables problèmes comme le terrorisme. Un jeune, parlant dans un dialecte algérois courant, reconnaît la beauté du texte de Aziz Chouaki et insiste sur le fait qu’il doit être lu par toute la jeunesse algérienne tant ses textes, d’après lui, reflètent la réalité algérienne. Réalisé avec très peu de moyens, le film de Lamine Ammar Khodja dépeint avec un certain souci esthétique la déroute de la jeunesse en Algérie. «Mon but à travers ces images est de coller du sens aux mots de Aziz. Je parle uniquement de son point de vue», dira-t-il en réponse à une remarque lui reprochant de réduire l’image du jeune Algérien à un «junky». «Je fais aussi un parallèle entre la pièce que j’ai vue Une virée et la cave. Je ne dirais pas que la jeunesse de Aziz est celle d’aujourd’hui, mais je défie quiconque qui me dira que l ’islamisme est parti», avoue le jeune et audacieux réalisateur lors du débat qui a suivi la projection, mercredi soir, au CCF d’Alger. Le titre de son film fait ainsi référence à Les Oranges, magnifique et tonique petit livre de Aziz Chouaki sur l’Algérie d’aujourd’hui, ses drames et la difficulté à sortir d’une violence interne que tous pourtant rêvent de voir révolue. C’est grâce à ce texte qu’il se fera connaître. Un texte monté de très nombreuses fois à ce jour, à l’étranger.
Source L’Expression O. Hind
Le Pèlerin

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19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 00:42

Albert Camus, reporter trop méconnu
Albert Camus et sa 4 cv

HOMMAGE - La télé et la radio commémorent les cinquante ans de la disparition de l'écrivain engagé...
Le journaliste Albert Camus est mort le 4 janvier 1960. Oui, oui, le journaliste. Certes le Prix Nobel de littérature est plus connu pour ses romans et essais. Et, cette semaine, les nombreux hommages médiatiques (hors-séries du Figaro, journées spéciales sur France Inter et France Culture, programmes sur France 2, France 5 et Arte) évoquent davantage L'Etranger ou La Peste que ses nombreux articles parus dans Alger Républicain, Combat ou L'Express.
«Il a tout fait dans le journalisme»
«Ce n'est pas l'aspect de sa vie que j'ai choisi, mais c'est évidemment une grande partie de son oeuvre aussi», confirme Quentin Raspail, producteur d'une fiction diffusée ce soir sur France 2. Le documentaire «Camus, le journalisme engagé» diffusé demain sur France 5 à 20h35, dans le cadre de «La grande librairie» spéciale Camus, l'atteste.
«Secrétaire de rédaction, spécialiste des chats écrasés, rédacteur en chef, éditorialiste, il a tout fait dans le journalisme, explique son auteur Joël Calmettes. Pas juste comme certains écrivains en condescendant à plonger dans l'arène, mais en s'engageant complètement. Il prenait ce métier-là autant au sérieux que son travail d'écrivain.»
«Ses articles demeurent une référence»
Et même si cet aspect de Camus est «souvent passé sous silence, ses articles demeurent pourtant une référence», affirme Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de la revue XXI. Il cite, d'abord, les reportages d'Albert Camus en Kabylie en 1939. «Des articles peu connus alors qu'ils représentent un travail journalistique fondamental. Camus a un regard, une précision, ils entrent dans les foyers, dans l'histoire des gens. Aujourd'hui à XXI, nous avons l'objectif, le souhait, d'être fidèle à ce regard de reporter écrivain.»

Au-delà d'un style, Camus avait aussi une conception précise du métier de journaliste. Il avait même commencé à rédiger une charte de la presse. Un de ses principes: «Informer bien au lieu d'informer vite, préciser le sens de chaque nouvelle par un commentaire appropriée, instaurer un journalisme critique...»
Source 20minutes.fr Alice Coffin
Le Pèlerin

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15 janvier 2010 5 15 /01 /janvier /2010 00:49

Tout comme Daru, son héros de «L’Hôte», «dans ce vaste pays qu’il avait tant aimé, Camus était seul».
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Au risque de paraître prétentieux pour certains, je dois me libérer d’une dette morale, dominée par le souvenir et la gratitude. Albert Camus avait lu le manuscrit de ma première œuvre de jeunesse La Dévoilée que lui avait envoyé mon professeur de français au début du printemps 1955. Il m’avait écrit, entre autres, des mots d’encouragement. Ces mots, mon éditeur les reproduisait, quatre ans plus tard, avec l’autorisation de Camus qui était occupé à monter sa pièce de théâtre adaptée du roman Les Possédés de Fédor Dostoïevski: «´´La Dévoilée´´ apporte des promesses qui ne sont pas négligeables. Elle évoque un problème douloureux et le rend sensible à plusieurs reprises au lecteur.»
Sans doute, était-ce là seulement un mot gentil que le futur Prix Nobel 1957 avait voulu m’adresser. Mais comment le jeune homme que je fus ne se serait-il pas imaginé des ailes pour s’envoler follement vers le soleil brillant au zénith? Et d’autant que j’apprenais que le célèbre auteur des Hauteurs de la ville et de Montserrat, Emmanuel Roblès rédigerait une préface chaleureuse à La Dévoilée qui serait éditée chez Subervie au cours du 3e trimestre de 1959 à Rodez!...
Puis, après la parution de La Dévoilée, quelques mois plus tard, le 4 janvier, tombait la funèbre nouvelle qui consterna le Monde des Lettres: Albert Camus est mort dans un accident de voiture. Là, l’exil est atroce, définitif, - à quel royaume mène-t-il? «L’homme, exilé de son pays, s’exile du ciel», écrivait le regretté Jean Pélégri à son sujet lorsque, rappelait-il encore, un certain soir de janvier 1956, Camus, qui «était venu inviter les hommes de son pays à une trêve civile, pour épargner les victimes innocentes - et à cause de cela, sa vie était menacée», fut chassé d’Algérie par les «ultras», «ses frères de race»...
Une déclaration ambiguë
Le regretté Emmanuel Roblès me demandait par une lettre datée du 7 mai 1960 de m’associer à l’hommage que Simoun (une revue littéraire paraissant à Oran) rendait à Camus mort. Il m’écrivait: «Cher ami...Acceptez-vous (et je le souhaite vivement!) de vous joindre à cet hommage auquel vont participer Audisio, Feraoun, Moussy, Pierre Blanchar, etc.? Quelques pages montrant l’influence, le rayonnement d’Albert Camus sur votre jeunesse, conviendraient. Voyez.»
Hélas! Tout est dérisoire et désespoir, et complexe aussi: de la vie à la mort. Car, bien avant que Camus - par réaction à la résistance urbaine algéroise, ne déclarât à la presse: «En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d’Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c’est cela la justice, je préfère ma mère» -, c’est-à-dire au temps de notre jeunesse au Lycée Bugeaud, avant ce grave événement qui nous révéla subitement la complexité de sa vie, nous lisions Les Mains sales de Sartre avec la passion de jeunes élèves de philosophie. Mais pour l’auteur des «Justes» nous avions une admiration plus singulière: il aimait notre pays, il était donc l’un des nôtres. Ne parlait-il pas de nous, peut-être, quand il faisait dire à Kaliayev: «Oui! Mais moi j’aime ceux qui vivent aujourd’hui sur la même terre que moi, et c’est eux que je salue. [...] et pour une cité lointaine, dont je ne suis pas sûr, je n’irai pas frapper le visage de mes frères. Je n’irai pas ajouter à l’injustice vivante pour une justice morte.» (Acte II).
S’agissant pour lui de prendre position dans la guerre d’Algérie qui s’éternisait, sa déclaration devint affreusement ambiguë, et pour les nationalistes algériens et pour les partisans de l’Algérie française. Bien qu’il se fît une haute et claire idée de son art et de son rôle d’écrivain, il avait fini par se soumettre à la communauté à laquelle il n’avait pu s’arracher. Ce à quoi, il avait succombé, solitairement, solidairement, à l’appel du cœur.
Et nous vîmes mieux, tout à coup, dans la plupart de ses ouvrages, ce que beaucoup avaient vu avant nous: l’Arabe porteur de couteau (L’Étranger), l’Arabe violent et revanchard (dans L’Hôte, Daru découvre sur le tableau noir l’inscription anonyme: «Tu as livré notre frère, tu paieras.»),...Au fond, Camus aimait l’Algérie avec la crainte obsessionnelle de perdre ce qu’il s’appliquait inlassablement à conserver avec sa foi d’artiste méditerranéen.
Mais on ne peut tout détruire du monde absurde ni refaire le monde qui se défait. L’œuvre d’Albert Camus témoigne de la liberté d’un homme qui avait essayé de circonscrire la vérité mystérieuse que cachaient les siècles d’histoire de malheur et de joie, de justice et d’injustice. L’art de Camus avait sauvé en partie ce bonheur d’appartenir à une terre qui justement est notre patrie, mais au fond, tout au fond, lui, dans le silence de la solitude ou de l’illusion philosophique, et nous, dans la certitude de la conviction nationale qui renaissait de son long combat contre le désastre de la conquête coloniale, nous ne regardions pas dans la même direction: la terre natale éveillait deux destins différents.
Néanmoins, Dieu, auquel Camus n’avait jamais cru, sait combien nous l’avions admiré, combien nous l’admirons à jamais. Il était entier, à sa façon, sincère avec amour et intelligence, tout comme ses deux amis Roblès et Pélégri avec lesquels, il partageait le sel et le pain de leur terre natale. Il était surtout à l’opposé de certains écrivains pieds-noirs qui, eux, pour avoir si fort chanté l’Algérie, s’offraient, en retour, des privilèges et qui, pleins de gloriole et de fourberie sournoise, dévorés par l’ambition de paraître «ultra indigènes» et grands promoteurs de la culture algérienne, n’ont pas hésité à former dans l’ombre leurs coteries, à semer durablement le trouble, l’esprit de dénigrement, la méfiance et la zizanie chez nos jeunes plumes.
Ah! Si l’on savait combien sont persistants les effets de leur comportement ignoble, que de statues, trop vite élevées, décevraient beaucoup! Mais, comme dit le bon sens paysan: «Laissons le puits de son couvercle fermé.»
Par contre, l’œuvre de Camus compte en totalité encore aujourd’hui des admirateurs et des émules parmi nos anciens, parmi nos jeunes, parmi nos chercheurs, parmi nos hommes de culture. L’absurde se présente alors comme un challenge: notre saine volonté doit retrouver nos vraies valeurs d’unité nationale, d’authenticité, de tolérance, de générosité; il ne faut pas nous séparer de ce qui fait la grandeur de l’âme algérienne: son histoire riche et complexe.
Quant à moi, je me sens heureux de me souvenir de ce qui m’avait ému dans l’œuvre de Camus, dans son geste d’artiste généreux et dans son amour de construire sans regret une intelligence libre et fertile. La bonne conscience est de rester fidèle à la personne humaine. C’est pourquoi, je ne résisterai pas à user de cette immense et émouvante fortune de reproduire in extenso, mon hommage d’il y a cinquante ans, publié dans la revue Simoun, pp. 52-53 (Les noms des autres participants figurent sur la couverture de cette revue).
«La grande colère de l’absurde»
Ici, on ne peut - à mon avis - continuer sans lui. Il était, et demeure, bien entendu, pour les jeunes de mon âge, «Le Maître», l’un des rares écrivains que nous ne pouvions citer sans faire précéder le nom de cette distinction. Et pourtant, avec quelle liberté nous l’abordions dans les salles d’études, au collège, au lycée, hier encore!
Mais notre Maître Albert Camus est toujours parmi nous, malgré l’ordre inhumain des choses, cette mort au bout du couloir. Car enfin, il n’est pas «mort tout entier» et son exécution par l’absurde, contrairement à ce que dit Meursault, n’a pas été accueillie «avec des cris de haine». Quoi qu’il eût pu expliquer, Camus eût réécrit: «Est-ce qu’on peut faire le parti de ceux qui ne sont pas sûrs d’avoir raison? Ce serait le mien.» Pourquoi continue-t-il d’être? Pourquoi continuons-nous d’être avec lui, devrais-je dire? Qui ose le nier? C’est ce Maître qui nous a réappris le jeu terrible de Sisyphe et nous le jouons à notre gré, chacun pour son compte, faisant et refaisant le bilan d’un lourd héritage, disposant presque de son destin si cela ne nous saisissait pas quand nous sommes encore des enfants sans conscience.
Camus savait que les Algériens sont adultes de bonne heure puisqu’il le fut lui-même. Sa douloureuse découverte - l’absurde - nous effrayait, mais nous séduisait, nous fascinait, nous touchait parce que chacun de nous, ayant trouvé déjà ce qu’il y a d’insupportable dans l’expérience de la vie, avait goûté, quelque part en lui, cette dose d’amertume, et plus que tous autres, nous enfants de cette terre.
Comment parler de notre Maître A. Camus quand son œuvre est là, incomplète mais totale, comme une déchirante preuve de l’existence de l’absurde et d’un certain point de vue de l’inexistence de notre nature? L’on demeure confondu devant ce miracle; l’on se demande ce que vaut, tout compte fait, la durée d’un homme, son passage ici-bas, par rapport à l’éternel. Cela est un autre problème, certes. Mais il s’inscrit bien dans la pensée du Maître et pourrait expliquer le drame algérien.
Alors il faut bien se décider à croire que le Maître n’est plus et que son œuvre est finie. Sa voix parviendra à qui éprouve encore un scrupule: «J’ai parlé, faites ce que vous voulez de mes paroles, je me tais maintenant.»
Ce que nous voulons, nous, c’est précisément rendre hommage à cet être, d’ailleurs si exceptionnel qu’il nous est presque impossible de ne pas paraître insuffisants en l’évoquant. Or, l’aimer ou le combattre, de toute façon, c’est se hisser à son niveau. Rappelons donc que «le temps des artistes irresponsables est passé» et que le silence même est quelquefois une manière de s’exprimer. Dans le silence, il y a un enseignement et l’homme de bonne foi trouve toujours son frère.
Beaucoup n’ont pas aperçu son courage, noyé dans sa passion de justice, ce courage de ne prêcher ni la vertu ni la révolte: ne heurter personne, être solitaire pour être solidaire. C’est bien la nostalgie du bonheur, le désir d’être parmi les hommes silencieux, son véritable peuple (méprisé et sans doute haï) qui l’a exilé de notre monde où la liberté de chacun est la gale pour l’autre.
d’un homme, ni même la mort d’une vertu ou la mort d’un silence, mais la GRANDE COLÈRE DE L’ABSURDE, c’est-à-dire la MORT tout court.
(*) Simoun Numéro spécial 31, Revue littéraire bimestrielle, Oran, 1960, 8e année, 74 pages.
Source L’Expression Kaddour M´Hamsadji
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7 janvier 2010 4 07 /01 /janvier /2010 10:39

«L’étranger» au calvaire colonial des Algériens
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« (...) Car il y a seulement de la malchance à n’être pas aimé: il y a du malheur à ne point aimer. Nous tous, aujourd’hui, mourons de ce malheur. C’est le sang, les haines décharnent le cœur lui-même; la longue revendication de la justice épuise l’amour qui pourtant lui a donné naissance...» Albert Camus
On a souvent parlé de Camus comme d’un Français contre l’indépendance de l’Algérie et pendant des années, il était tabou. Les rares intellectuels algériens qui en parlent le font avec des précautions oratoires pour ne pas s’attirer les foudres du consensus révolutionnaire ambiant. Souvenons-nous de la phrase: «Entre ma mère et la justice, je choisirai ma mère.» S’il est vrai que la phrase qui fait débat est souvent citée hors de son contexte, s’il est vrai aussi que comme tout «méditerranéen», Camus aimait beaucoup sa mère, il est possible que Camus, dans le contexte difficile de la guerre, eut à faire un choix douloureux qui lui fait préférer la France à la justice à rendre à ceux qui la réclament. Avec le temps et l’apaisement des douleurs, voici le temps de l’anamnèse. On commence à trouver à Camus quelques talents et même certains s’en réclament voire à tort se l’approprient. Camus l’Algérien! L’était-il ?
Nous allons tracer le parcours atypique d ’Albert Camus qui eut deux vies, celle vécue dans sa terre natale l’Algérie et celle en «Métropole» où il sera amené à prendre faits et causes pour la France coloniale. Le 7 novembre 1913 naissait Albert Camus à Mondovi, petit village près de Annaba. Albert Camus, élevé par sa mère mais surtout par une grand-mère autoritaire, «apprend la misère» dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger où ils ont émigré: «La misère m’empêcha de croire que tout est bien sous le soleil et dans l’histoire; le soleil m’apprit que l’histoire n’est pas tout.» Sa mère, Catherine Sintès, d’origine espagnole, fait des ménages pour nourrir ses deux fils. Camus éprouve pour elle une affection sans bornes. Camus entre au lycée Bugeaud d’Alger en 1924. En 1930 il passe son baccalauréat. Premières atteintes de la tuberculose, maladie. En 1934 il adhère au parti communiste. En 1937 il doit rompre avec le parti communiste qui le somme de réviser ses convictions, favorables aux revendications musulmanes.
Un parcours atypique
Camus fonde, avec Pascal Pia qui en est l’instigateur, le journal Alger républicain qui, aussitôt, tranche avec le silence complice des autres quotidiens. Camus fait scandale par ses prises de position contre l’oppression coloniale, contre une tutelle qui maintient dans la misère et l’asservissement le peuple musulman, il publie, dans les colonnes d’Alger républicain, puis de Soir républicain, organe du Front populaire, plus de cent articles: politique locale ou nationale, chroniques judiciaires et littéraires, reportages, dont l’important Misère de la Kabylie. (1)
Si les écrits de Camus sur la misère sont indéniablement accablants, on ne connaît pas dans le fond la position de Camus concernant la tentative de génocide de 1945. Albert Camus est mort en janvier 1960, au moment où l’option de la négociation avec le FLN pour préparer l’indépendance de l’Algérie commençait à être envisagée par le général de Gaulle. On ne sait pas comment il aurait réagi s’il avait vécu en 1960, 1961 et 1962, à un moment où chacun a eu à choisir entre cette acceptation de l’indépendance et l’option du putsch et de l’OAS. Quoi qu’il en soit, les textes qu’il a écrits en mai 1945 pour le journal Combat montrent son estime et sa grande attention aux populations arabes déshéritées, ainsi que sa conviction qu’il s’agit «de faire jouer à leur propos les principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes.» Voici des extraits de ces textes: «[...] Sur le plan politique, je voudrais rappeler aussi que le peuple arabe existe. Je veux dire par là qu’il n’est pas cette foule anonyme et misérable où l’Occident ne voit rien à respecter ni à défendre. Il s’agit au contraire d’un peuple de grandes traditions et dont les vertus, pour peu qu’on veuille l’approcher sans préjugés, sont parmi les premières Ce peuple n’est pas inférieur, sinon par la condition de vie où il se trouve, et nous avons des leçons à prendre chez lui, dans la mesure même où il peut en prendre chez nous. Trop de Français, en Algérie ou ailleurs, l’imaginent par exemple comme une masse amorphe que rien n’intéresse. (...) Tout ceci, en tout cas, doit nous apprendre à ne rien préjuger en ce qui concerne l’Algérie et à nous garder des formules toutes faites. (...)»(1)
Pour Camus les massacres de 1945 sont un simple ras-le-bol social et économique et il apporte ce faisant, des remèdes superficiels: «L’Algérie de 1945 est plongée dans une crise économique et politique qu’elle a toujours connue, mais qui n’avait jamais atteint ce degré d’acuité. Dans cet admirable pays qu’un printemps sans égal couvre en ce moment de ses fleurs et de sa lumière, des hommes souffrent de faim et demandent la justice. Ce sont des souffrances qui ne peuvent nous laisser indifférents, puisque nous les avons connues. Au lieu d’y répondre par des condamnations, essayons plutôt d’en comprendre les raisons et de faire jouer à leur propos les principes démocratiques que nous réclamons pour nous-mêmes. (..)Un peuple qui ne marchande pas son sang dans les circonstances actuelles est fondé à penser qu’on ne doit pas lui marchander son pain. [...] Les massacres de Guelma et de Sétif ont provoqué chez les Français d’Algérie un ressentiment profond et indigné. La répression qui a suivi a développé dans les masses arabes un sentiment de crainte et d’hostilité. (...) Tout ce que nous pouvons faire pour la vérité, française et humaine, nous avons à le faire contre la haine. A tout prix, il faut apaiser ces peuples déchirés et tourmentés par de trop longues souffrances. Pour nous, du moins, tâchons de ne rien ajouter aux rancœurs algériennes.»(1)
L’écrivain américain Edward Saïd va à contresens de la doxa laudative concernant Camus. Il décèle dans son oeuvre un plaidoyer sincère pour la colonisation européenne à l’instar de Joseph Conrad ou de Rudyard Kipling. Ecoutons-le: Albert Camus est le seul auteur de l’Algérie française qui peut, avec quelque justification, être considéré comme d’envergure mondiale. (...) Camus joue un rôle particulièrement important dans les sinistres sursauts colonialistes qui accompagnent l’enfantement douloureux de la décolonisation française du XXe siècle.
C’est une figure impérialiste très tardive: non seulement il a survécu à l’apogée de l’empire, mais il survit comme auteur «universaliste», qui plonge ses racines dans un colonialisme à présent oublié. (...)(2)
O’Brien, dans un livre qui ressemble beaucoup à l’étude de Raymond Williams sur Orwell, écrit: Il est probable qu’aucun auteur européen de son temps n’a si profondément marqué (...) De plus, Joseph Conrad et Camus ne sont pas les représentants d’une réalité aussi impondérable que la «conscience occidentale», mais bien de la domination occidentale sur le monde non européen. Conrad exprime cette abstraction avec une force qui ne trompe pas, dans son essai Geography and Some Explorers. Il y célèbre l’exploration de l’Arctique par les Britanniques puis conclut sur un exemple de sa propre «géographie militante»: J’ai posé le doigt au beau milieu de la tache, alors toute blanche, qu’était l’Afrique, et j’ai déclaré: «Un jour j’irai là-bas.» Il y est allé, bien sûr, et il reprend le geste dans Au cœur des ténèbres.(2)
Le colonialisme occidental, qu’O’Brien et Conrad se donnent tant de mal pour décrire, est, premièrement, une pénétration hors des frontières européennes et dans une autre entité géographique. Deuxièmement, il ne renvoie nullement à une «conscience occidentale» anhistorique «à l’égard du monde non occidental»: l’écrasante majorité des indigènes africains et Indiens ne rapportaient pas leurs malheurs à la «conscience occidentale», mais à des pratiques coloniales très précises comme l’esclavage, l’expropriation, la violence des armes. C’est une relation laborieusement construite où la France et la Grande-Bretagne s’autoproclamaient l’«Occident» face aux peuples inférieurs et soumis du «non-Occident», pour l’essentiel inerte et sous-développé. (...) Car, si regrettable qu’ait été le comportement collectif des colons français en Algérie, il n’y a aucune raison d’en accabler Camus. (...)(2)
Allant plus loin que la plupart des critiques, O’Brien observe que le choix n’est pas innocent: bien des éléments de ces récits (par exemple le procès de Meursault [dans L’Etranger]) constituent une justification furtive ou inconsciente de la domination française, ou une tentative idéologique de l’enjoliver....) Lorsque son œuvre évoque en clair l’Algérie contemporaine, Camus s’intéresse en général aux relations franco-algériennes telles qu’elles sont, et non aux vicissitudes historiques spectaculaires qui constituent leur destin dans la durée. (...) Il faut donc comparer les assertions et présupposés de Camus sur l’histoire algérienne avec les histoires écrites par des Algériens après l’Indépendance, afin d’appréhender pleinement la controverse entre le nationalisme algérien et le colonialisme français. (...) L’écriture de Camus est animée par une sensibilité coloniale extraordinairement tardive et en fait sans force, qui refait le geste impérial en usant d’un genre, le roman réaliste, dont la grande période en Europe est depuis longtemps passée. (...)(2)
Même si, selon tous ses biographes, Camus a grandi en Algérie en jeune Français, il a toujours été environné des signes de la lutte franco-algérienne. Il semble en général les avoir esquivés (..). Quand, dans les dernières années de sa vie, Camus s’oppose publiquement, et même violemment, à la revendication nationaliste d’indépendance algérienne, il le fait dans le droit-fil de la représentation qu’il a donnée de l’Algérie depuis le début de sa carrière littéraire, même si ses propos font alors tristement écho à la rhétorique officielle anglo-française de Suez. Ses commentaires sur le «colonel Nasser», sur l’impérialisme arabe et musulman, nous sont familiers, mais le seul énoncé politique, d’une intransigeance totale, qu’il consacre à l’Algérie dans ce texte apparaît comme un résumé sans nuance de tout ce qu’il a écrit antérieurement: «En ce qui concerne l’Algérie, l’indépendance nationale est une formule purement passionnelle. Il n’y a jamais eu encore de nation algérienne. Les juifs, les Turcs, les Grecs, les Italiens, les Berbères auraient autant de droit à réclamer la direction de cette nation virtuelle. Actuellement, les Arabes ne forment pas à eux seuls toute l’Algérie. L’importance et l’ancienneté du peuplement français en particulier suffisent à créer un problème qui ne peut se comparer à rien dans l’histoire. Les Français d’Algérie sont eux aussi et au sens fort du terme des indigènes. Il faut ajouter qu’une Algérie purement arabe ne pourrait accéder à l’indépendance économique sans laquelle l’indépendance politique n’est qu’un leurre. (...)»(2)
Quelle différence, conclut Saïd, d’attitude et de ton dans le livre de Pierre Bourdieu, Sociologie de l’Algérie publié, comme L’Exil et Le Royaume, en 1958: ses analyses réfutent les formules à l’emporte-pièce de Camus et présentent franchement la guerre coloniale comme l’effet d’un conflit entre deux sociétés. (...) Camus confirme donc et raffermit la priorité française, il ne condamne pas la guerre pour la souveraineté livrée aux musulmans algériens depuis plus d’un siècle, il ne s’en désolidarise pas. Au centre de l’affrontement, il y a la lutte armée, dont les premiers grands protagonistes sont le maréchal Théodore Bugeaud et l’émir Abd El-Kader. (...) «Il faut empêcher les Arabes de semer, de récolter, de pâturer», avait ordonné Bugeaud. (...) Le général Changarnier décrit l’agréable distraction qu’il octroie à ses soldats en les laissant razzier de paisibles villages; ce type d’activité est enseigné par les Ecritures, dit-il, Josué et d’autres grands chefs dirigeaient «de bien terribles razzias» et étaient bénis par Dieu.(...)(2) Que ces messieurs du Nobel aient cru bon de «couronner» l’immense talent littéraire d’Albert Camus, ne doit pas nous interdire de porter un jugement de valeur sur le combat politique de l’homme. Camus n’a pas compris ou a refusé de comprendre que l’indépendance des colonies était inéluctable; il avait pourtant l’exemple de l’Inde, du Maroc et de la Tunisie. Pour lui l’Algérie devait demeurer française, il disait, qu’il faut se poser la question à partir de quelle conquête une terre vous appartient mais que des «aménagements» devraient y être permis aux indigènes pour que tout reste comme avant. Il est à craindre que les articles de Camus pendant sa période à Alger Républicain sur la misère noire en Kabylie ne soient, en fait, que des appels à la charité et non pas des appels à la liberté, à l’égalité et la fraternité...
L’Algérie aseptisée
Les exégèses de Camus s’évertuent à décortiquer le sens profond de telle ou telle phrase. Pour nous, Camus a raté le train de la décolonisation en s’accrochant à une vision passéiste du monde. Cela n’enlève rien à son immense talent, à ses beaux textes sur l’Algérie de Tipaza la Romaine, de Salsa la Berbère, bref, une Algérie aseptisée, avec les monuments sans arabe, sans culture autochtone si ce n’est celle de Meursaut...le personnage central de l’Etranger Pour sa position ambiguë sur l’Algérie, au contraire de celle de Jean-Paul Sartre qui refusa, lui, le prix Nobel en écrivant au Comité Nobel une lettre magnifique: «(...)Pendant la guerre d’Algérie alors que nous avions signé le Manifeste des 121, j’aurais accepté le prix avec reconnaissance, parce qu’il n’aurait pas honoré que moi mais aussi la liberté pour laquelle nous luttions. Mais cela n’a pas eu lieu et ce n’est qu’à la fin des combats que l’on me décerne le prix.»

Il n’est pas sûr que Camus aurait aussi, s’il avait vécu, signé le fameux «Manifeste des 121» dont la conclusion est sans appel avec trois propositions finales: «Nous respectons et jugeons justifié le refus de prendre les armes contre le peuple algérien. Nous respectons et jugeons justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres.» Camus restera encore une énigme controversée et il serait malvenu aux Algériens de «se l’approprier», car il a vécu dans une Algérie à des années-lumière d’une autre Algérie, celle des damnés de la Terre dont parle si justement Frantz Fanon, un autre géant qui, lui, s’impliqua à en mourir pour la liberté de l’Algérie.
*) Ecole nationale polytechnique
(*) enp-edu.dz
1.Albert Camus: L’Algérie en mai 1945 Revue les deux rives de la Méditerranée 29 10 2007
2.Edward Saïd: Albert Camus, ou l’inconscient colonial.Le Monde Diplomatique 11/ 2000
Source L’Expression Pr Chems Eddine Chitour (*)
Le Pèlerin

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6 janvier 2010 3 06 /01 /janvier /2010 07:46

Le titre du film qui sera diffusé ce mercredi sur France 2 ne peut pas être plus court, il s’intitule simplement Camus.
etranger le plus lu de jeunes

Parmi les scènes mémorables que revivront avec intensité les téléspectateurs algériens et aussi les Français d’Algérie qui ont connu cette fameuse journée de 1956. Jour où, la proposition d’Albert Camus d’une trêve civile fut vilipendée par des manifestants remontés à bloc contre l’écrivain. Cet événement mis en scène dans cette fiction réalisée par Laurent Jaoui sera l’un des temps-clé du film tourné au début de l’année 2009 à Tarascon dans les Bouches-du-Rhône (lire notre édition du 16 mars 2009). Les contestataires huèrent avec une rare violence cette tentative et défilèrent dans les rues d’Alger aux cris de : « A mort Camus ! », joignant dans le même sac le président du conseil, Pierre Mendès-France.
C’était le 22 janvier 1956. Du côté algérien, si certains du FLN étaient présents au cercle du progrès pour écouter avec attention, voire avec curiosité, cette tentative inédite, beaucoup refusaient d’emblée tout ce qui aurait pu s’assimiler à une démobilisation, l’indépendance étant la seule proposition négociable possible. Camus, après ce jour difficile pour lui, ne parla plus d’Algérie, refusant tout paraphe de quelque pétition que ce soit, jusqu’à sa mort, le 4 janvier 1960, il y a exactement cinquante ans ce lundi 4 janvier 2010. Le film, une première, entend retracer les dix dernières années du prix Nobel obtenu par l’auteur de L’Etranger, en décembre 1957. Cette vie d’écriture, de soucis quotidiens et de tourments face à l’histoire est interprétée par Stéphane Freiss, Anouk Grinberg dans la peau de Mme Francine Camus.
* 20h 35, mercredi 6 janvier, France 2, durée 105 minutes
Source El Watan Walid Mebarek
Le Pèlerin

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5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 07:17

A ce jour, l’engouement populaire pour l’homme et son œuvre ne se dément pas.
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La participation active d’Albert Camus dans la vie politique et intellectuelle du XXe siècle en France n’est plus à démon-trer, et l’abondante production qui continue à lui être consacrée un demi-siècle après sa mort, en témoigne. L’écrivain, de formation et de culture littéraires, avait déjà fait connaître au public, L’Etranger, son premier roman, publié en 1942, un best-seller absolu en format de poche, avec près de sept millions d’exemplaires vendus. D’ailleurs, l’engouement populaire pour l’homme et son œuvre ne se dément pas. Cinquante ans après sa mort, le 4 janvier 1960, Albert Camus reste une figure mythique de la littérature française, tant par son goût de la justice que par son itinéraire exceptionnel, des quartiers populaires d’Alger au prix Nobel de littérature à seulement 44 ans. A 29 ans, Camus signait par ces premiers mots son entrée parmi les grands auteurs. Succès immédiat, qui ne s’est pas démenti depuis.
Le roman à été traduit dans une quarantaine de langues. Son œuvre composée d’une trentaine d’ouvrages, porte un regard humaniste sur le monde, pour plus de justice et de liberté, dont des pièces de théâtre, est inlassablement enseignée dans les lycées, mais reste, en revanche, boudée par les universitaires français, au contraire de leurs collègues étrangers. Dans ce sens: «Il disait qu’il voulait parler pour ceux qui n’ont pas la parole ou ceux qui sont opprimés», souligne, pour l’AFP, sa fille Catherine Camus pour expliquer la passion qu’il suscite 50 ans après sa mort. C’est elle qui gère l’œuvre de son père depuis 30 ans et qui fait patienter depuis des semaines Nicolas Sarkozy. Le président français souhaite que la dépouille de l’écrivain soit transférée du cimetière de Lourmarin, en Provence, au Panthéon où reposent déjà des monuments de la littérature française comme Victor Hugo, Jean-Jacques Rousseau ou Emile Zola. Tout en exprimant ses «doutes», Catherine Camus n’a pas rejeté l’idée du chef de l’Etat, contrairement à son frère, Jean Camus. Ce geste officiel constitue de ce point de vue un hommage à l’écrivain et au critique reconnu que fut Camus, défenseur d’un néoclassicisme éclairé et original, ayant exercé une influence décisive sur plusieurs personnalités. Mais l’opposition de gauche et beaucoup d’intellectuels crient à la récupération politique. Loin de faire l’unanimité, cette mesure partage même l’opinion publique française. Une chose est sûre, la situation actuelle porte à confusion sur le transfert au Panthéon décidé par Nicolas Sarkozy, sur les avalanches de louanges qui auraient fait sourire le défunt. Mieux que personne, sans doute, cet homme détaché, aussi drôle qu’il était tourmenté, savait mesurer le dérisoire des éloges post-mortem, et parfois leur vanité.
Mort tragiquement à l’âge de 46 ans, quand la voiture dans laquelle il rentre à Paris s’encastre dans un arbre près de Sens (centre), Albert Camus, a l’aura des destins brisés. Né le 7 novembre 1913 en Algérie, il est issu d’un milieu extrêmement pauvre, ce qui le distingue dès le départ des autres intellectuels français. Son père est tué à la guerre, en octobre 1914. Sa mère, femme de ménage, ne sait ni lire ni écrire. Camus grandit sous le soleil d’Alger. Son instituteur le repère et réussit à lui faire des études. C’est à lui que Camus dédiera, en 1957, son discours du Nobel.
En 1942, installé à Paris, il entre à Combat, l’un des titres clandestins de la Résistance dont il sera le principal éditorialiste. Il publie la même année Le mythe de Sisyphe un essai dans lequel il expose sa philosophie de l’absurde: l’homme est en quête d’une cohérence qu’il ne trouve pas dans la marche du monde. «L’une des seules positions philosophiques cohérentes, c’est ainsi la révolte», écrit-il. Mais Camus pose la question des moyens: tous les moyens ne sont pas acceptables pour atteindre le but que l’on s’est fixé.
Engagé à gauche, il dénonce le totalitarisme en Union soviétique dans L’homme révolté (1951) et se brouille avec Jean-Paul Sartre. Pendant toutes ces années, Camus est un homme seul et la guerre d’Algérie l’isole un peu plus, lui le Méditerranéen, le pacifiste dont la mère vit toujours dans un quartier populaire d’Alger. Son appel à la Trêve pour les civils lancé en janvier 1956 l’éloigne de la gauche, qui soutient la lutte pour l’indépendance algérienne. Au moment de sa mort il travaillait sur un roman autobiographique, Le Premier homme, publié à titre posthume en 1994.
Source L’Expression Idir Ammour
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5 janvier 2010 2 05 /01 /janvier /2010 06:55

Littérature - Albert Camus, 50 ans après sa disparition : Actuel plus que jamais
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Le 4 janvier 1960 disparaissait brusquement Albert Camus considéré comme le géant de la littérature contemporaine. Aujourd’hui, jour pour jour, 50 ans après, l’auteur de «L’étranger» et prix Nobel marque encore plus le monde de la littérature et de la philosophie.
Albert Camus l’enfant de Belcourt a été littéralement attaché à son sol. L’Algérie est pour lui sa terre natale qu’aucun autre lieu ne peut remplacer. C’était un européen mais pas imbus de complexe de supériorité qu’avaient ses concitoyens envers le peuple algérien autochtone. Cette attitude s’explique par le fait qu’il avait une origine humble. Cette condition sociale l’a amené à vivre dans un quartier pauvre de l’époque coloniale, Belcourt.
Il a ainsi côtoyé les petites gens qui ont façonné ses idées, des personnes affables et généreuses envers les couches sociales défavorisées. C’est pourquoi, dès son éveil à l’écriture et à la vie professionnelle, il intègre le parti communiste algérien, un milieu où la soif de justice et d’égalité constituait le crédo de ce parti.
A cette époque, le parti communiste algérien était la seule organisation politique empreint d’un esprit fraternel avec le même idéal européen et musulman.  C’est de là qu’Albert Camus a façonné des idées nationalistes en faveur d’une Algérie loin de l’emprise coloniale.
Son art dans l’écriture a contribué à comprendre la situation misérable vécue par les populations algériennes. Journaliste au quotidien communiste «Algérie Républicain», il a réalisé un long reportage sur la misère en Kabylie. Au déclenchement de la révolution en 1954, il était déchiré par les murs qui séparaient les deux communautés.
En sa qualité d’européen, il était difficile de se ranger ouvertement du côté du FLN. Il n’a pourtant pas cessé d’œuvrer à la recherche d’une voie contre la violence. Dans cet esprit, Albert Camus s’est impliqué personnellement avec d’autres algériens pour trouver une issue à la guerre. C’est son intervention en public dans une salle d’Alger où il a fait un discours qui a été rejeté par les européens de l’époque. Albert Camus se rapproche des thèses du parti réclamant l’autonomie de l’Algérie et qui est le PPA. Il manifeste sa sympathie pour Messali El Hadj.
Il soutient ses revendications ce qui lui attire les foudres des ultras de la communauté pieds noirs, comme cela a été dit plus haut. Ces derniers l’empêchent même de tenir un discours libéral en faveur de la cause algérienne. Plus tard, en France et après l’obtention du prix Nobel, Albert Camus intervient personnellement auprès du général de Gaulle pour l’amnistie de plus d’une dizaine de nationalistes algériens. La mort l’a surpris ce qui aurait mis au jour davantage sa prise de position pour une Algérie indépendante dans un contexte libéral. Parallèlement à sa vie politique, Albert Camus a mené une très brillante carrière dans la littérature couronnée par le prix Nobel.
Ces œuvres sont lues et traduites pratiquement dans le monde entier. Rappelons que dernièrement, le président français Nicolas Sarkozy a émis le souhait de voir transférée la dépouille de l’écrivain du cimetière de Lourmarin, en Provence, au Panthéon où reposent déjà des monuments de la littérature française comme Victor Hugo, Jean-Jacques  Rousseau ou Emile Zola.
Sa notoriété est telle qu’il sera dans un temps plus au moins court sacré au Panthéon, temple de la très haute culture et de l’immortalité.
Pour l’Algérie, Albert Camus restera toujours ce géant de la littérature qui a œuvré pour un rapprochement des communautés dans l’esprit d’ouverture, de générosité et d’hospitalité du peuple algérien.
Source Horizons  Samira Sidhoum.
Le Pèlerin

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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 06:47

Cinquantenaire de la mort d’Albert Camus (1960-2010)

France Télévisions, Arte et France Culture lui rendent hommage
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À l’occasion de la célébration du cinquantenaire de la mort d’Albert Camus, survenue le 4 janvier 1960, dans un accident de la route, les chaînes de France Télévisions, d’Arte et de France Culture bouleverseront leurs programmes habituels, et ce à partir d’aujourd’hui, pour rendre hommage à l’auteur de L’Étranger.
La chaîne publique France 2 diffusera une fiction intitulée Camus, avec Stéphane Freiss, suivie de plusieurs émissions qui reviendront sur cet intellectuel engagé aux multiples casquettes, à la fois écrivain, dramaturge, philosophe et journaliste. Le 4 janvier, jour anniversaire de sa mort, Albert Camus sera évoqué dans la matinale de William Leymergie, Télématin, ainsi que dans les éditions d’information de la journée. Grâce à cette fiction, les téléspectateurs pourront découvrir les dix dernières années de l’écrivain. Scénariste et réalisateur du téléfilm, Laurent Jaoui offrira un portrait intimiste du philosophe à travers ses positions politiques, ses frasques amicales et sentimentales. Franz-Olivier Giesberg consacrera un numéro spécial de “Vous aurez le dernier mot” au romancier, le 15 janvier prochain. L’émission littéraire de Philippe Lefait, “Des mots de minuit”, dédiera également une soirée à Albert Camus au cours du mois de janvier. Sur France 3, l’auteur sera l’objet d’un numéro du rendez-vous culturel de Frédéric Taddeï “Ce soir ou jamais !” Un livre, toujours d’Olivier Barrot, offrira une présentation de l’un de ses romans les plus célèbres, L’Étranger, le 23 janvier prochain à 17h15.
Sur France 5, François Busnel se chargera de l’hommage à Albert Camus. Le 7 janvier à 20h35, le présentateur accueillera en direct dans “La grande librairie”, Catherine Camus, sa fille. L’émission sera suivie par la diffusion d’un documentaire inédit, Albert Camus, le journalisme engagé.
Sur Arte, la chaîne franco-allemande s’est penchée sur la vie d’Albert Camus à travers ses deux passions, la littérature et les femmes. Dans Albert Camus, un combat contre l’absurde (lundi 4 janvier, 23h05), James Kent dresse le portrait d’un homme engagé et d’un intellectuel controversé.  Sur France Culture, du 3 au 10 janvier, Albert Camus occupera une grande partie de l’antenne de la station de Radio France. À la veille du cinquantenaire de sa mort, aujourd’hui, Colette Fellous recevra entre 14h et 15h dans “Carnet nomade” Catherine Camus. Le lendemain, France Culture programmera dix heures d’émissions consacrées à Albert Camus.
Les auditeurs pourront notamment suivre à 10h “Les nouveaux chemins de la connaissance” de Raphaël Enthoven qui parlera du philosophe tout au long de la semaine. Du 4 au 15 janvier à 20h35, les auditeurs découvriront le feuilleton L’Etranger, une adaptation radiophonique du roman en dix épisodes, lu par Jean-Michel Dupuis.
Dans la journée du 6 janvier, Joëlle Gayot évoquera l’homme de théâtre dans “Les mercredis du théâtre” à 15h, en compagnie de Virginie Lupo, auteure de la thèse “Le théâtre de Camus, un théâtre classique ?” Et de Jean Sarocchi, auteur de Camus, le juste ? Tewfik Hakem et Jacques Munier prendront le relais à 16h avec “A plus d’un titre”. Ali Baddou rendra également hommage à Camus, le 9 janvier prochain à partir de 15h30 dans Radio Libre. En direct du Forum de La Bellevilloise, l’animateur s’entourera des philosophes Frédéric Worms et Raphaël Enthoven.  À partir de 20h, France Culture reviendra sur le pays natal d’Albert Camus, l’Algérie, à travers Cabaret Camus où Tewfik Hakem proposera la retransmission des performances de Cheikh Sidi Bémol, artiste de rock et de blues algérien, Kamel El Harrachi, chanteur chaâbi et du réalisateur et comédien Lyès Salem, enregistrées dans l’après-midi à La Bellevilloise. Le rapport entre l’Algérie et Albert Camus sera également au cœur des “Nuits de France Culture”, entre 1h et 6h. Les auditeurs pourront découvrir la correspondance entre Albert Camus et René Char dans “Perspectives contemporaines” de Blandine Masson, le 9 janvier à 23h.
L’animatrice reviendra le dimanche 10 janvier à 20h pour laisser place à l’homme de théâtre.
Dans Théâtre et Cie, la pièce Les Justes, mise en scène par Jean Negroni en 1972, sera rediffusée. Au cours de la nuit, entre 0h30 et 6h, “Les nuits de France Culture” reviendra sur les œuvres théâtrales d’Albert Camus (Caligula, Le Malentendu, Les Justes...), apprend-on.
Source Liberté
Hakim Hadidi
Le Pèlerin

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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 00:11

4 Janvier 1960 / Mort d’Albert Camus

  «Nous ne vivons vraiment que quelques heures de notre vie…»   

Albert Camus, Carnets, Cahier n°6 (avril 1948-mars 1951), Gallimard, Collection blanche, 1964, page 252.
Il y a quarante-sept ans, le 4 janvier 1960, Albert Camus était tué sur le coup dans un accident de voiture au lieu-dit « le Grand Frossard », à Villeblevin, près de Montereau (Yonne). Il avait 47 ans. La voiture que conduisait Michel Gallimard, neveu de l’éditeur Gaston Gallimard, s'est écrasée contre un platane. Aux côtés d'Albert Camus, on retrouvera le manuscrit (en cours d'écriture) du Premier homme, son journal, Le Gai Savoir et Othello. Michel Gallimard succombe à ses blessures cinq jours plus tard. Albert Camus était né à Mondovi (Algérie) le 7 novembre 1913…En sa mémoire je vous re-diffuse l’article que j’avais écrit le 14 septembre 2005 :
L'Étranger, né Camus
Je vous présente une seconde version de la vie de Camus complémentaire à la simple biographie que je vous avais faite lors d’un article précédent.
Cet article présente des informations complémentaires à celles de mon précédent article. Cet article je l'ai récupéré dans "La Littérature pour les ls" un livre fort interessant..  

Étrange destin que celui de Camus, qui semble avoir préparé ou annoncé dans chacune des phrases de son œuvre le hasard de sa propre  vie

Dépêche 

Tiens pour changer, pourquoi n'achèteriez-vous pas le journal Le Monde, en ce mercredi 6 janvier 1960 ? C'est fait ? Il fait froid, un vent vif cingle vos joues. Vous entrez dans un café. Vous vous asseyez sur la banquette de moleskine rouge sombre. En attendant le garçon, vous ouvrez votre journal, et vous n'en croyez pas vos yeux ! Vous lisez : Lundi 4 janvier I960. Route Nationale numéro 5, entre Sens et Fontainebleau : Albert Camus est tué dans la Facel Vega conduite par Michel Gallimard. Il avait quarante-trois ans. Albert Camus, mort ? Mais, comment, que s'est-il passé ? C'est tellement absurde, oui, absurde. Et vous vous rappelez : l'absurde ! Le thème de prédilection d'Albert Camus. Son roman, L'Étranger... Cette première phrase que vous connaissez par cœur : Aujourd'hui, maman est morte. Où peut-être hier, je ne sais pas... 

Meursautt tue
L'Étranger ! Meursault qui se raconte, qui décrit sa vie monotone à Alger. On le dirait étranger à tout, rien n'a de prise ou d'emprise sur lui, pas même l'amour de Marie qu'il rencontre au lendemain de l'enterrement de sa mère. Tout lui est égal. Il est absent de sa propre scène, du théâtre de ses jours. 

Et puis voici qu'une bagarre éclate sur la plage. Le pistolet de celui qu'il défend, Raymond Sintes, se retrouve dans ses mains. La bagarre terminée, Meursault s'en va, puis revient sur les lieux : il croit voir une lame briller dans le soleil, alors il tire, trois fois, quatre fois. Meursault vient de tuer. Son procès a lieu. Il est condamné à mort. Alors il s’éveille,  se révolte lace à l'absurde. Il est sur d’avoir été heureux puisqu’il l’est  encore.  Mais il est bien tard car l'absurdité est au pouvoir, partout  l'innocent Meursault est devenu un Meurtrier sans raison, par hasard, sans le vouloir. Il va subir la peine de mort, autre absurdité. Mort, Camus….
L’Article du Monde

C'est vers 14 h 15 que s'est produit sur la route nationale numéro 5, à vingt-quatre kilomètres environ de Sens, entre Champigny sur Yonne et Villeneuve-la-Guyard l'accident qui a coûté la vie à Albert Camus. La voiture, une Facel Vega, se dirigeait vers Paris. L'écrivain était à l'avant, à côté du conducteur M. Michel Gallimard. D'après les premiers témoignages, la puissante automobile qui roulait à une très vive allure, 130 kilomètres à l'heure selon certains, a brusquement  quitté le milieu de la route, toute droite à cet  endroit, pour s'écraser contre un arbre è droite de la chaussée.

Sous la violence du choc, la voiture s’est disloquée. Une partie du moteur a été retrouvée à gauche de la route, à une vingtaine de mètres, avec la calandre et les phares. Des débris du tableau de bord et des portières ont été projetés dans les champs, dans un rayon d'une trentaine de mètres. Le châssis s'est tordu contre l'arbre. D'après les premières constatations de la gendarmerie l'accident aurait été provoqué par l'éclatement d’un pneu, mais cette version n’est pas encore confirmée.  II n'est pas impossible que le conducteur ait eu un malaise.
Journal «Le Monde», 6 janvier 1960.
La conscience de l'absurde
Vous lisez sa brève biographie : Albert Camus est né à Mondovi, en Algérie, le 7 novembre 1913. Son père, Lucien Camus, ouvrier agricole meurt à la guerre, en 1914. Sa mère, Catherine Sintes, une jeune servante d'origine espagnole ne sait pas écrire et s'exprime avec difficulté. Elle s'installe dans un des quartiers pauvres d'Alger, Belcourt. Grâce à l'aide de l'un de ses instituteurs, M. Germain, Albert Camus obtient une bourse et peut ainsi poursuivre ses études. Mais, atteint de tuberculose, il ne peut passer l'agrégation de philosophie. Journaliste à Alger Républicain, puis à Paris Soir, il milite dans les rangs de la Résistance dès 1942. C'est l'année de L'Étranger et du Mythe de Sisyphe - un essai où l'absurde entre dans la conscience rationnelle comme une donnée fondamentale de la vie.
Camus en pensées
- J’ai une patrie : la langue française - Carnets. 

- La passion la plus forte du XXe siècle : la servitude - Carnets.  

- Il  n'y a pas d'amour sans désespoir de vivre - L'Envers et l'Endroit.  

- L'homme est du bois dont on fait les bûchers - L'État de siège.    

- La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent -L'Homme révolté.   

- La mort n'est rien. Ce qui importe, c'est l'injustice - La Peste.    

- L'absurde, c'est la raison lucide qui constate ses limites - Le Mythe de Sisyphe.
Il est en l'air !
La rencontre de Jean-Paul Sartre et de Camus, en 1944, est pleine de promesses. Sartre écrit de son nouvel ami qu'il est l'admirable conjonction d'une personne et d'une œuvre. Bien ! Mais lorsque Camus publie, en 1951, L'Homme révolté où il condamne le marxisme qu'il accuse de totalitarisme, l'équipe de la revue des Temps modernes se déchaîne. Jean-Paul Sartre qui la dirige écrit : Camus n'est ni de droite, ni de gauche, il est çn l'air ! Les démêlés entre les deux hommes agitent durablement le petit monde germanopratin (c'est-à-dire de Saint-Germain-des-Prés, cœur de la vie littéraire, à Paris). Ils ne se réconcilieront pas.
Des héros ordinaires
En 1947, Camus publie son deuxième roman : La Peste. Il s'agit d'une chronique fictive, tenue par le Dr Rieux, sur la propagation de l'épidémie de peste à Oran, dans la décennie des années 40. Le lecteur comprend ainsi, dès les pre­mières pages, que la peste n'est pas la peste, c'est l'allégorie du nazisme qui a commis ses ravages en Europe et de toutes les oppressions politiques. Point d'ostentation, point de héros brillants, magnifiques dans La Peste, seulement des héros ordinaires, c'est-à-dire des hommes qui ne marchandent pas leur générosité, qui servent des idéaux à la portée de tout le monde : la paix au quotidien, le bonheur. Le suc­cès du roman- en France et à l'étranger ne s'est jamais démenti.
L'étrange Clamence
La crise algérienne atteint Camus au plus profond de ses racines ; il écrit sa douleur dans de nombreux articles qui paraissent dans L'Express. À Alger, il lance un appel à la réconciliation, que personne ne veut entendre. Est-ce cette surdité du monde qui le conduit à publier La Chute ?  Cette œuvre, qui prend la forme d'un récit, demeure énigmatique : un narrateur, Clamence, réfugié dans la géographie concentrique d'Amsterdam semble vouloir démonter  toute la construction idéologique de l’auteur lui-même. Le cynisme et l'Ironie qui se mêlent à sa virtuosité langagière atteignent, par ricochet, le lecteur, qui se sent impliqué dans cette réflexion, étourdi, désarçonné.
Grenier, Guilloux, Guéhenno, Mac Orlan
Albert Camus a pour professeur, à Alger, Jean Grenier (1898-1971), né à Paris, mais élevé à Saint-Brieuc d'où sont originaires ses parents. C'est là que Grenier fait la rencontre d'un autre jeune Briochin : Louis Guilloux (1899-1980). Celui-ci, fils de cordonnier, publie en 1927 La Maison du peuple, une histoire de solidarité entre ouvriers guettés par la misère. Ce livre émeut un autre fils de cordonnier, grand univer­sitaire, normalien et écrivain : Jean Guéhenno (1890-1978), né à Fougères. Les deux hommes se lient d'une amitié indéfectible. Autre ami sûr de Guilloux : André Malraux. Le chef-d'œuvre de Louis Guilloux, Le Sang noir, paraît en 1935 ; il rate de peu le Concourt, ce qui ne l'empêche pas d'obtenir un succès international. On y découvre un personnage étonnant : le professeur de philosophie Cripure - qui tire son surnom de la déformation de la Critique de la raison pure, en Cripure de la raison tique... Cet être rejeté de tous sert de révélateur à l'abjec­tion du monde. Ses aventures sont conduites par la plume généreuse, tendue et magnifique d'un Louis Guilloux, toujours bouleversé par les déshérités. En 1949, il obtient le prix Renaudot avec son roman Le Jeu de patience.
Contemporain de ces trois Bretons, Pierre Mac Orlan (1882-1970 - Mac Orlan est le pseudo­nyme de Dumarchey) naît à Péronne, connaît la misère noire à Montmartre. Puis il s'y fait des amis : Max Jacob, Apollinaire, Carco, Dorgelès, Picasso, Vlaminck. Il y rencontre celle qui devient son épouse pour... cinquante-deux ans! Il y écrit Le Quai des brumes (1927) devenu en 1938 le film à succès que tout le monde connaît!
Œuvre utile
Pour l'ensemble d'une œuvre qui met en lumière, avec un sérieux pénétrant, les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes, tels sont les termes employés par le jury Nobel pour justifier l'attribution de son prix de littérature à Albert Camus, en 1957. C'est la gloire suprême. Tout le monde -ou presque... - congratule Camus, mais Camus est amer. Il aurait préféré que ce prix fût décerné à son ami, son maître, celui qu'il admire : André Malraux ! Vous êtes toujours assis sur la banquette de moleskine rouge sombre, dans le café où vous vous êtes réfugié pour fuir la bise d'hiver. Le garçon ne vous a pas encore servi. Votre regard se perd à travers la vitre dépolie qui filtre la lumière pâle. Soudain, une phrase vous revient, une phrase lue dans Le Mythe de Sisyphe, qui vous avait marqué : Ce qui vient après la mort est futile... Camus, mort ? Non : ses phrases sont vivantes ! Et toute son œuvre, utile...
Le Pèlerin 

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