Le Château de Purpan
La famille du Barry, au XVIIT siècle,, s'installa en trois lieux, toulousains remarquables pour leur maison et leur jardin. Guillaume fit édifier Reynerie, Jean-Baptiste l'hôtel de la place Saint-Sernin, Claire-Françoise etjeanne-Marie-Berthefirent construire Purpan. Chacun des frères et sœurs voulut éblouir Vautre par la richesse de la décoration de leurs demeures respectives. Malheureusement celle de Purpan a entièrement disparu...
Galerie de Purpan, aujourd'hui disparue
Léonard Rolland possédait, en 1487, un vaste domaine appelé alors Lavelanet. Ses héritiers en prirent possession dès 1502 mais, vendirent leur bien vers 1533 au conseiller au Parlement, Mariet d'Angilbaud, seigneur de Saint-Simon. Le nouvel acquéreur, devant messire Jean de Narbonne, abbé de Moissac et prieur de la Daurade, se déclara prêt à payer les quatre livres tournois d'oblie qu'il devait pour arrérages, à condition qu'on lui montrât les titres authentiques des anciennes reconnaissances. Lors de rétablissement du cadastre de 1571, Lave lanet, fort de quatre-vingt-dix arpents appartenait à Béranger de Caylon, officier subalterne au greffe du Parlement. Sa fille hérita du domaine qu'elle vendit un peu plus tard à la famille de Gargas.
Au début du xviie siècle, le fief de Lavelanet passa aux Purpan - étymologiquement le pain pur. Cette famille, lors de son accession à la noblesse, blasonna ses armes en y plaçant une main tenant des épis de blé. « Parpan », quelquefois employé pour désigner cette propriété, procède d'une erreur étymologique... Le 29 juillet 1608, Bour-guine de Forés, veuve du conseiller au Parlement, François de Gargas, vendit au maître chirurgien François de Purpan sa métairie de Lardenne haute avec ses édifices et quatre-vingt-dix arpents de terre. Le 30 octobre 1621, à sa mort, le domaine revint à son fils aîné Pons François de Purpan. Marié à Peyronne de Cocural qui lui donna neuf enfants, il allait être le doyen de la faculté de médecine puis de l'université. Il fut l'auteur d'une Pharmacopée toulousaine dédiée à Jean de Berthier-Monrabe, premier président au Parlement. Le domaine resta entre leurs mains jusqu'au mois de juin 1696.
Pour rembourser certaines dettes de famille, l'avocat au Parlement, Pierre de Purpan, seigneur de Vendine, vendit la propriété à noble Pierre de Colomès, ancien capitoul. Son fils aîné, Jean-Pierre de Colomès, qui avait succédé à la charge paternelle de receveur général des finances dans la généralité de Toulouse, hérita du domaine le 15 octobre 1712 : une maison à haut et bas étage, avec ses offices et autres bâtiments, sol, jardin, bois et vigne, tout en un tenant, de contenance en tout de 72 arpents, 2pugnères, 2 boisseaux, à ce compris 18 arpents de vigne tenus par divers particuliers en locatairie perpétuelle du dit sieur de Colomès, sous la forme de censive pour tout de 4 sols tolzas valant 10 livres... un grand enclos dans lequel est une fontaine ou vivier avec un pigeonnier, le tout au-devant de la dite maison, le chemin étant entre deux qui était là ou on a mis la chapelle..
Marié à Marie-Anne du Breuil, Jean-Pierre de Colomès eut huit enfants. L'aîné, baptisé Jean-Pierre comme son père, hérita de Purpan qui passa ensuite à ses deux fils Joseph et Hugues. Le 22 janvier 1768, Joseph de Colomès testa en faveur d'Isidore de Poulhariès, conseiller au Parlement. Mais la mauvaise gestion de sa fortune et ses perpétuelles difficultés financières conduisirent le Parlement à prendre un arrêt sévère. En effet, le 27 avril 1784, il attribua Purpan à Claire-Françoise du Barry, dite Chon, et à sa cadette Jeanne-Marie-Marthe, dite Bischi. C'étaient les sœurs de Guillaume et de Jean-Baptiste du Barry dit le Roué, et les belles sœurs de Mme du Barry la favorite de Louis XV. Elles consacrèrent d'importantes sommes d'argent pour élever un magnifique château là où n'était qu'un rustique manoir : Les demoiselles considèrent Purpan comme leur ouvrage, aussi devient-il pour elles un lieu de telle prédilection que, si on en juge par les travaux d'embellissements exécutés jusqu'à la Révolution, aucun sacrifice d'argent ne leur semble trop lourd pour en augmenter l'agrément. Elles s'y amusent à jouer aux fermières ; elles plantent de la vigne et sont bientôtfières d'avoir comme cliente leur propre belle-sœur Madame du Barry qui envoie, de sa main, à Chon un reçu pour fourniture de vin.(2}
Sur la terrasse qui domine Lardenne basse, au milieu de prairies qu'ombrageaient des frondaisons multiples, le château se compose de deux ailes se faisant face, reliées entre elles par une galerie. Dans l'un de ces bâtiments, les sœurs firent aménager les appartements de réception, salons et boudoirs au rez-de-chaussée, les chambres à l'étage. La galerie du levant, formant le salon d'été, conduisait à la seconde aile qui abritait la salle à manger, les cuisines et les communs. Cette demeure à l'architecture typique de la fin du règne de Louis XVI s'inscrivait dans cette période de transition qui annonçait le Directoire. Sa seule ornementation consistait en d'élégantes terres cuites : frises de pal-mettes et rinceaux, couronnes civiques, tympans de fenêtres en éventail, lions et sphinges.
Purpan Sphinge en terre cuite dominant la cour d’honneur
Chon et Bischi quittaient à la belle saison leur hôtel de la rue Saint-Rome pour s'installer à Purpan. À mesure que passaient les années, leurs vies apparaissaient de plus en plus austères. Devenues très pieuses, elles se montraient secourables envers les pauvres de leur quartier. Au moment de la Révolution, leur simplicité n'amadoua cependant pas les représentants du peuple. Le 12 octobre 1793, des perquisitions furent effectuées à Purpan où leur jardinier, Jacques Clerc, avait été nommé séquestre. Les deux sœurs furent arrêtées le 9 novembre 1793 et incarcérées à la maison de Saint-Sernin. Dans le registre d'écrou, Chon et Bischi apparaissaient comme d'un caractère suspect et immoral^ ayant manifesté des sentiments inciviques, regrettant fort l'Ancien Régime.^ Entre temps, le 9 juin 1794, le bail de la ferme de Purpan fut adjugé pour trois ans au citoyen Robert, moyennant six mille sept cents livres. Le 18 juin, Jean Bach commissaire délégué par le bureau de la sûreté générale se rendit au château pour dresser l'inventaire du mobilier. Il demanda au citoyen Clerc, le jardinier gardien du séquestre, de le guider à travers la vaste demeure. Mais, sur intervention d'un officier municipal, les demoiselles du Barry furent remises en liberté le 26 frimaire de l'an III par le représentant Mallarmé. Vieillies, diminuées, appauvries, elles retrouvèrent cependant Purpan : La Chon et la iy les confidentes de la favorite ; les familières des petits cabinets de Versailles, s'étaient transformées en deux vieilles, austères, revêches, très dignes, auxquelles leurs rares intimes ne pouvaient reprocher qu'une sévérité un peu hautaine et une pruderie trop susceptible.^
Après la mort des sœurs du Barry, Purpan revint à leur nièce Albanie Guillemette Madeleine Dubarry-Conty d'Hargicourt. Elle était la fille unique du marquis Dubarry d'Hargicourt marié en secondes noces à Rosalie de Chalvet. A son tour, l'héritière épousa le marquis Jean-Jacques de Narbonne-Lara, vicomte de Saint-Girons. Le 12 mars 1846, ce dernier ouvrit toutes grandes les portes du château pour accueillir quatre-vingts convives célébrant le succès remporté par Jasmin(5) à L'Athénée. Le chroniqueur du Journal'de Toulouse nota : Une demoiselle a placé sur le front du poète une couronne d'immortelles et de pensées unies par un ruban terminé en tresse d'or sur lequel était tracée aussi en lettres d'or cette devise : Vos pensées sont immortelles.^ Les Narbonne-Lara avaient une fille, Ernestine-Hortense -Marie, à qui revint la propriété. Le 2 septembre 1849, elle épousa Henri Brunet de Castel-pers, vicomte et marquis de Panât.
Le château, en 1870, était transformé en ambulance. En effet un camp de volontaires, placé sous la responsabilité d'Armand Dupor-tal(7), fut créé en contrebas de Purpan dans le cadre d'un décret du 12 novembre qui prévoyait la mise sur pied d'un corps d'armée du Midi. Les Catelpers vendirent leur propriété aux banquiers Courtois de Viçose. Cette famille le garda au-delà de la guerre de 1914-1918. Mais l'extension de la cartoucherie avait fait disparaître une partie du domaine et certaines de ses essences. Les nouveaux acquéreurs étaient des marchands de biens dont la société parisienne avait pignon sur rue au n° 7 de la rue de Londres. En un an, MM. Roux et Bringer, hommes sans scrupule, firent procéder à un abattage d'arbre en coupe réglée. Ayant réussi en peu de temps à exploiter Purpan pour en retirer le maximum de revenus, ils décidèrent de le revendre.
Pendant la Première Guerre mondiale, des propriétaires terriens du Sud-Ouest, sous l'inspiration d'un jésuite le père Dubruel, avaient cherché les moyens d'assurer à la jeunesse paysanne de la région un minimum de formation technique, humaine et chrétienne. Le besoin s'était fait sentir d'un centre permanent pour assurer une structure et une base matérielle à leurs désirs. Dès 1919, sous l'instigation du père Dubruel et d'Henri Théron de Montaugé - voir Gramont -, s'ouvrit à l'institut catholique de Toulouse une section agricole dirigée par le père Boule. Un an plus tard, le 8 décembre 1920, elle s'installa sur le domaine que venaient d'acquérir à dessein le marquis de Villeneuve, MM. Satgé, Dubois, Ambroise-Rendu, de Fraisse. Ce fut la naissance de l'école supérieure d'agriculture de Purpan. Les débuts déjà difficiles de la maison furent stoppés par la guerre en 1939. Le « retour à la Terre », préconisé plus tard, favorisa un regain de l'établissement dont l'activité allait connaître désormais une courbe ascendante. À partir de 1947, une classe préparatoire à Purpan fut même installée au château du Mirail - voir ce nom. Depuis 1964, l'école était reconnue comme établissement d'enseignement supérieur par le ministère de l'Agriculture et donnait, après cinq années d'études, le titre d'ingénieur en agriculture.
Les élèves de cette école et leurs professeurs occupèrent tout naturellement le château dont l'intérieur devait subir de profondes transformations dans la seconde moitié des années 1960 : disparition des colonnes aux extrémités de la grande galerie, restructuration de certaines salles. Toutes ces pièces perdirent leur décor d'origine au profit de la fonctionnalité. À l'issue d'une visite les Toulousains de Toulouse et Amis du vieux Toulouse constatèrent : La dernière restauration du château a fait disparaître les colonnes (fausses en vérité, et ne jouant qu'un rôle de décor, comme à l'Hôtel Dubarry, place Saint Sernin). Les volumes des trois pièces visitées par nous en 1965 (vestibule, salle à manger, salon) ont été modifiés pour les adapter aux fonctions actuelles, et à peu près plus rien ri y apparaît de leur structure d'autrefois^ Purpan n'en était pourtant qu'au début de ses meurtrissures...
Dès 1969, la profonde saignée de la rocade ouest vint séparer le château de ses bâtiments agricoles. Une passerelle en béton, lancée sur le trafic automobile, fut chargée de rétablir la liaison entre les deux parties... Grâce à l'indemnité reçue, les jésuites firent édifier un ensemble fonctionnel à l'architecture de contraste ! Le nouvel édifice qui comprenait de nombreuses salles de cours, vint s'adosser contre la façade sud de la demeure des du Barry. Plus tard, un grand hôtel - Novotel-Purpan -, fut construit au début de l'ancienne allée du domaine, là où s'étalaient jadis les vignes de Chon et de Bischi... Non loin se dessinaient les artistiques volutes de la grille en fer forgé, du portail principal, qui fut volée au cours d'une nuit. Dans la décennie 1970, la ville de Toulouse traça une nouvelle rue, la voie du toec, en contrebas de la propriété, puis réalisa en bordure un vaste espace vert ouvert au public : les Jardins du Barry.
Le domaine de Purpan offre quelques curiosités : un étang traversé d'un pont de fer datant du xvme siècle ; un magnolia considéré comme le plus grand d'Europe. On ne saurait oublier la massive fontaine qui, après celle de la place Saint-Etienne, est la plus ancienne de Toulouse, édifiée par décision capitulaire en 1745. L'édicule carré en brique et en pierre s'achève en dôme à quatre pans. Chacune des faces présente une niche formant coquille à sa partie supérieure. Dans le bas, le précieux liquide jaillissait d'un mascaron et se répandait dans un bassin rectangulaire. L'eau de Purpan était célèbre à Toulouse et réputée excellente. En 1769, un particulier avait même obtenu des capitouls de la vendre sur la place Rouaix et celle du Capitole - place Royale. Aujourd'hui un écriteau « Eau non potable » met en garde les éventuels amateurs.
Source : Les Châteaux de Toulouse
Le Pèlerin