Sexualité – Les Français se sont ils émancipés ?
L'érotisation de la société au travers des différents médias ou de la publicité a-t-elle eu des conséquences sur l'évolution des comportements sexuels des Français ? Age moyen de la "première fois" en baisse pour les garçons et les filles, diffusion de la contraception ou encore légalisation de l'avortement... L'Internaute revient sur les changements constatés dans la sexualité des Français.
La "première fois"
La sexualité est partout. Des écrans de cinéma aux panneaux publicitaires, des ondes radios aux messages de prévention du ministère de la Santé, le sexe fait désormais partie de la sphère publique. Cette évolution a-t-elle eu un impact sur la sexualité des jeunes adultes ? L'âge du premier rapport sexuel en a-t-il été bouleversé ?
Les Français et les Françaises ont leur première expérience sexuelle en moyenne à 17 ans et demi.
Une première fois de plus en plus égalitaire
Selon une enquête publiée en mars 2007 et menée conjointement par l'Inserm et l'Ined, l'âge moyen du premier rapport sexuel a, contrairement à certaines idées reçues, peu changé ces 30 dernières années. Le véritable changement est le rapprochement de l'âge du premier rapport sexuel des femmes, 17,6 ans, de celui des hommes, 17,2 ans. A noter cependant, les femmes "sexuellement actives" d'aujourd'hui sont plus jeunes de trois ans qu'en 1950, un changement rapide ayant eu lieu durant les années 1960.
Si, en Europe aussi, la tendance est la baisse de l'âge de la première fois, Michel Bozon, chercheur à l'Ined, distingue deux modèles de sexualité. Dans les pays d'Europe du Sud, comme le Portugal et la Grèce, il existe "une différence de calendrier" entre les hommes et les femmes. Ces dernières commencent leur initiation sexuelle plus tardivement que leurs partenaires, la tradition culturelle voulant que la jeune femme conserve sa virginité jusqu'au mariage. A l'inverse, dans les pays du Nord, l'initiation sexuelle est dite "égalitaire" entre les hommes et les femmes, puisque l'âge moyen du premier rapport sexuel est le même. Pour Michel Bozon, les comportements sexuels en France, proches des pays latins dans les années 1950, se sont donc rapprochés de ceux des pays nordiques au XXIe siècle.
Une première fois protégée
L'enquête révèle aussi que les comportements ont évolué. Le premier rapport sexuel est devenu un acte réfléchi, où la contraception a une grande importance. 90 % des femmes et des hommes ont déclaré avoir utilisé un préservatif et/ou un autre moyen de contraception lors de leur premier rapport sexuel. En 1987, ils n'étaient que 8 %. Un bond important qui s'explique notamment par la prise de conscience et les mises en garde sur les dangers du sida.
Autre évolution importante : aujourd'hui, le premier partenaire sexuel n'est que rarement le premier conjoint. 6 % seulement des hommes de 20 à 24 ans vivent en couple avec leur première partenaire, contre 20 % des femmes.
Une constante est enfin à noter : la différence de perception de la "première fois" entre filles et garçons n'a pas vraiment changé. Les jeunes femmes continuent d'associer fortement sexualité, amour et vie conjugale. A l'inverse, 57 % des hommes de 18 à 24 ans considèrent qu'il est possible d'avoir des rapports sexuels avec quelqu'un sans l'aimer (contre 28 % de femmes).
Education sexuelle : est-ce plus facile d'en parler ?
A la découverte des dessous du baiser, les préados de 9 à 14 ans trouvent des réponses à leurs questions à l'exposition de la Cité des sciences
Que signifie "faire l'amour" ? Pourquoi mon corps change ? Qu'est-ce qu'un préservatif ? Toutes ces questions se bousculent dans la tête des pré-adolescents. Et c'est souvent avec embarras que les parents essayent d'y répondre. Depuis 1973, date à laquelle l'éducation sexuelle entre officiellement dans les programmes scolaires, les enseignants relayent les parents pour expliquer la sexualité aux ados. Mais est-il plus facile aujourd'hui, dans une société plus libérée, d'aborder ces questions ? Et qui est le plus à même d'y répondre ?
La sexualité dans l'école
En 2001, la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et la contraception prévoyait une refonte des programmes d'éducation sexuelle dispensés au cours de la scolarité. Auparavant, elle était prévue pour les classes de quatrième et de troisième.
A partir de 2003, la sexualité est abordée dès le primaire. Les petits écoliers abordent des sujets tels que le respect entre homme et femme ou la lutte contre les préjugés masculins et féminins. Ensuite au collège et au lycée, au-delà de la biologie de la reproduction, les élèves sont sensibilisés aux méthodes de contraception et à la prévention des maladies sexuellement transmissibles (MST). Un projet ambitieux, mais les moyens mis à la disposition des enseignants ne sont pas à la hauteur. Syndicats et associations de professeurs soulignent le manque de supports et de formations pour élaborer leurs cours.
"Zizi sexuel l'expo" fait débat
Si parents et enseignants se trouvent parfois dans l'impasse pour expliquer la sexualité aux plus jeunes, qui peut le faire ? Et pourquoi pas Titeuf ? Le héro de la BD éponyme créée par Zep se pose les mêmes questions que tous les préados. Surfant sur le succès du "Guide du Zizi sexuel" (dérivé de la BD), la Cité des sciences à Paris a décidé de s'en inspirer pour réaliser "Zizi sexuel l'expo". "Tunnel du coup de foudre", "amouromètre", "essoreuse à langue", "course à l'ovule"… A travers ces installations, appelées "manips", les 9-14 ans s'amusent en obtenant des réponses à leurs questions sur l'amour et la sexualité. Cette exposition événement, inaugurée en grandes pompes au mois d'octobre 2007 par la ministre de la Culture Christine Albanel, est une réussite en termes de fréquentation : plus de 100 000 visiteurs à ce jour, dont 18 000 enfants venus avec leur classe.
Pourtant l'expo fait débat. L'association SOS Education a lancé une pétition pour appeler les parents à se mobiliser contre le "Zizi sexuel". Les auteurs de la pétition n'hésitent pas à employer des termes très forts comme "corrompre les enfants", "le vase de la pureté se brise" et conclue sur "nous devons nous mobiliser pour protéger nos enfants de la pieuvre du sexe cru". Mais l'expo ne désemplit pas : cars scolaires et familles continuent d'affluer. Et les témoignages des enfants sont tous largement positifs, relevant à la fois l'humour et les bonnes informations véhiculées par l'exposition. SOS Education et la Cité des sciences s'accordent toutefois sur un point : c'est aux parents que revient la responsabilité de prendre le temps d'aborder les problèmes de la sexualité avec leurs enfants. Mais pas d'inquiétude : magazines féminins et à destination des parents publient de manière récurrente des dossiers pratiques et les conseils de pédopsychiatres sur la meilleure façon de le faire.
La contraception est-elle toujours tabou ?
L'enquête sur le "Contexte de la sexualité en France" publiée en 2007 révèle que les femmes apparaissent plus libérées et épanouies dans leur sexualité. Une évolution qui s'explique en partie par les progrès des méthodes de contraception et leur diffusion. Trente ans après sa légalisation (loi Neuwirth de 1967), la contraception s'est généralisée et est entrée dans les mœurs des Français.
Pilules et préservatifs sont les moyens de contraception les plus utilisés par les Français
Une contraception largement répandue
Dans la dernière enquête du Baromètre Santé de 2005, parmi les personnes âgées de 15 à 54 ans, 7 sur 10 ont déclaré "faire quelque chose pour éviter une grossesse" lorsqu'elles ont des relations sexuelles. Les jeunes (15-24 ans) sont ceux qui ont le plus recours à un moyen de contraception (85,1 %), suivis des 25-44 ans (76,6 %) et des 45-54 ans (50,2 %).
A l'occasion de la campagne "Choisir sa contraception" en octobre 2007, une étude BVA diffusée par le ministère de la Santé révèlait que 58 % des Françaises avaient choisi la pilule pour ne pas avoir d'enfant, et 71 % d'entre elles étaient des jeunes femmes de 21 à 30 ans. La stérilisation à but contraceptif, qui est très répandue aux Etats-Unis, au Canada, en Amérique latine et en Asie, se pratique très peu en France (moins d'1 %).
La contraception : sujet tabou ?
Pourtant, si la contraception s'est généralisée en France, l'enquête montre aussi que de nombreuses idées reçues persistent dans l'imaginaire des Français, surtout chez les plus jeunes. Manque d'information, lacunes dans l'éducation sexuelle dispensée au collège et au lycée… Encore un quart des Français et 34 % des 15-20 ans pensent ainsi que la pilule peut rendre stérile. 53 % croient qu'une femme ne peut pas tomber enceinte si un rapport sexuel a eu lieu pendant ses règles et 64 % qu'il existe des jours sans aucun risque de grossesse, identifiables en surveillant le cycle féminin. Des représentations erronées qui s'expliquent par une gêne persistante à parler de sexualité et de contraception. Si les moyens contraceptifs sont de plus en plus utilisés, les connaissances autour de la contraception se seraient donc mal diffusées, et pour les Français, elle resterait un sujet tabou.
L'avortement, un paradoxe français
Sur la question de l'avortement, la France se trouve dans une situation paradoxale. En 1974, l'avortement était autorisé par le législateur avec l'idée que la contraception ferait de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) un recours exceptionnel. Mais si le taux de diffusion de la contraception est l'un des plus élevés d'Europe, le nombre d'IVG, un peu plus de 200 000 par an, n'a pas diminué. Il augmente même dans certaines tranches d'âge. Comment alors expliquer ce paradoxe ?
Pour une maternité choisie
Promulguée il y a 32 ans, la loi Veil traduisait l'évolution de l'opinion publique sur le droit des femmes à disposer de leur corps et à choisir la maternité. La stabilité du nombre d'IVG n'est pas à chercher dans l'échec de la contraception, mais dans la hausse de la propension à recourir à l'avortement en cas de grossesse non désirée. En 1975, sur 10 grossesses non prévues, 4 étaient interrompues. Aujourd'hui, elle l'est dans plus de 6 cas sur 10.
Les Françaises sont passées d'un modèle de maternité sous contrainte à celui de maternité choisie. Etudes, travail, relation amoureuse… L'enfant est aujourd'hui "programmé" pour arriver au bon moment et dans un contexte stable. Le taux d'IVG atteint d'ailleurs son maximum pour les femmes âgées de 20 à 24 ans (27,4 ‰) et décroît par la suite.
Des réticences
L'avortement n'est pas pour autant une pratique banalisée et reste pour la grande majorité des femmes une étape éprouvante. Pour certaines, l'IVG relève même d'un véritable parcours du combattant, dû en partie à l'absence d'accompagnement dans les démarches. Aujourd'hui encore, les capacités d'accueil sont insuffisantes en France et ne cessent de se restreindre : entre 1999 et 2005, 50 centres IVG ont fermé sur 176. Entre 3 000 et 5 000 femmes sont ainsi obligées d'avorter à l'étranger.
En 2005, une enquête réalisée par la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) a montré qu'une demande de prise en charge d'IVG sur deux était refusée. Les motifs rapportés les plus fréquents étant : le manque de rendez-vous disponibles, la prise en charge impossible au-delà de 10 semaines de grossesse, ou la réticence du personnel médical qui invoque la clause de conscience. Si dans les années à venir les femmes n'ont pas à craindre une remise en cause de leur droit à l'avortement, la dégradation de sa prise en charge risque, à terme, de poser des problèmes.
Contraception : avez-vous la bonne méthode ?
Pilule, stérilet, implant... Les modes de contraception sont nombreux. Etes-vous sûre d'avoir trouvé la méthode qui vous convient ? Enquête, interview et témoignages.
Source : L’Internaute
Le Pèlerin