Ouverture à Bruxelles d'une conférence des donateurs
Quatre mois après le début de l'offensive française, une conférence internationale sur le Mali s'ouvre aujourd'hui à Bruxelles. Hier, les soldats tchadiens ont commencé à quitter le pays. Les groupes terroristes sont battus, mais pas vaincus et on ignore leur capacité de nuisance, sur fond d'un agenda politique incertain.
Le Tchad a accueilli, hier, 700 de ses soldats sur les 2.000 engagés au Mali. Ils sont considérés comme des «héros», selon les sources officielles qui soulignent le fait que les soldats tchadiens ont combattu en première ligne aux côtés de l'armée française, notamment dans le massif des Ifoghas, où étaient retranchés les groupes djihadistes. Le gouvernement tchadien avait d'ailleurs, en mars dernier, attribué à ses troupes la mort, restée longtemps confuse, de l'«émir» d'AQMI, Abou Zeïd, et de Mokhtar Belmokhtar, chef de la branche dissidente d'AQMI qui fut derrière la prise d'otages d'In Amenas. Pour la France, «l'opération Serval a réussi militairement», selon les propos du président François Hollande qui se base sur le constat de la reprise des principales villes qui étaient entre les mains des groupes armés. Leurs installations ont été détruites, leurs communications enrayées. Mais si les terroristes d'AQMI ou du Mujao ont été battus, ils sont encore loin d'être vaincus. Des éléments au nombre indéterminé restent actifs dans certaines zones et mènent des attaques isolées. Cinq d'entre eux se sont ainsi faits exploser samedi près de Gao. Deux militaires maliens ont été tués sur le coup. Des djihadistes du Mujao ont perpétré deux attentats-suicide le 10 mai à Ménaka et Gossi, deux localités du nord du Mali. A Gossi, trois kamikazes sont morts sur le coup, un quatrième est décédé des suites de ses blessures et deux militaires maliens ont été blessés. Dans la ville de Ménaka, l'autre attaque a visé un camp de l'armée nigérienne. Les attentats ont été revendiqués par un cadre du Mujao, le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest. Depuis un mois environ, la situation sécuritaire s'est dégradée dans la région. Depuis quelque temps, les djihadistes changent de tactique. Ils se rendent compte qu'à cause de la sécurité renforcée dans les principales villes du nord du Mali, ils peuvent y commettre difficilement des attentats, alors ils envoient de plus en plus de kamikazes dans les villes secondaires. C'est au moment de la relève du contingent français, il y a environ un mois, que la situation s'est dégradée. D'après le nouveau préfet, arrivé lui-même à peu près à cette époque, des groupes armés seraient descendus du nord jusqu'à une cinquantaine de kilomètres de Ménaka. Ils pilleraient notamment les convois qui approvisionnent en grande partie la ville. La situation s'est également dégradée sur l'axe Ménaka-Ansongo-Gao, où plusieurs véhicules ont sauté sur des mines artisanales, la plupart du temps sans faire de victimes, sauf une fois, où deux militaires maliens ont été tués. Depuis quelques jours, l'armée malienne a donc renforcé ses effectifs à Ménaka. De source militaire nigérienne, on parle d'élargissement du périmètre des patrouilles. Après la tentative d'attentat kamikaze, la surveillance aérienne devrait également être renforcée. Récemment, le préfet a interdit la circulation des deux roues entrant ou sortant de la ville, car les voleurs se déplacent souvent à moto. Il y a deux jours, des commerçants ont ainsi été dépouillés par des hommes armés circulant à deux roues. Le préfet envisage également de réserver les pick-up aux militaires. Dans ces conditions, la reprise de l'activité économique est encore très fragile. L'administration, elle, s'installe doucement. Le budget communal est en cours d'examen.
Le 7 mai dernier, un «émir» d'AQMI, Abou Obeida Youssef Al-Annabi, a appelé à attaquer les intérêts français «partout dans le monde», dans une vidéo mise en ligne.
D'autres groupes se sont repliés dans les pays voisins, en particulier en Libye, ce qui ne fait que déplacer et disperser le problème. «La menace reste présente dans le Sahel, mais elle a été très sérieusement contenue, voire désarticulée. Nous devons rester vigilants et cette vigilance s'impose au Sénégal», commentait le président sénégalais Macky Sall dans un entretien récent à l'AFP.
Côté français, les opérations se poursuivent entre Gao et Tombouctou, mais le retrait des troupes a commencé. Un peu moins de 3.850 soldats devaient être sur place, selon l'état-major hier. Ils étaient 4.500 au plus fort de l'opération Serval. Six d'entre eux sont morts. La France est-elle partie pour s'enliser et le Mali va-t-il se transformer en un second Afghanistan ? Officiellement, l'objectif fixé par François Hollande est de ramener le contingent français au Mali à 2.000 hommes en juillet et à un millier fin 2013. La Mission internationale de soutien au Mali (Misma), la force africaine, qui regroupe des contingents d'une dizaine de pays), qui compte environ 6.300 hommes déployés dans les points stratégiques, devrait être intégrée à la force onusienne (Minusma) annoncée pour le 1er juillet. Cette force de l'ONU de 11.000 hommes comptera aussi des contingents asiatiques et européens. Les Français devraient continuer à intervenir au titre de «force parallèle».
Le mois de juillet, dans l'agenda politique de dépassement de la crise, correspond en fait à l'élection présidentielle malienne. Mais cela suppose que, d'ici là, tout le territoire soit en mesure d'organiser le scrutin. Or, certaines zones restent hors de contrôle, comme Kidal, où les Touareg autonomistes du Mouvement national de libération de l'Azawad refusent la présence de l'Etat malien. A ce sujet, le président nigérien, Mahamadou Issoufou, en visite samedi à Paris, a déclaré à la presse que, de son point de vue, «les futurs Casques bleus déployés au Mali doivent avoir un mandat offensif, pas un mandat classique comme en Bosnie ou au Congo-Kinshasa». Le président nigérien, qui s'est rendu à Bruxelles, estime que si sur le plan militaire «des résultats importants au nord du Mali ont été obtenus», il reste «l'organisation des élections et il faut que ces élections aient lieu sur l'ensemble du territoire malien, y compris à Kidal». Comme pour accélérer les choses, le gouvernement de Bamako, qui compte demander une aide d'urgence de 1 milliard d'euros, essaye de vite planter le décor des élections. Le gouvernement malien a adopté, en fin de semaine passée, le projet de modification de la loi électorale pour organiser les futures élections. Le nombre des candidats pour la présidentielle a franchi la dizaine et est appelé à la hausse. Dans une interview à RTL, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius sur RTL, a expliqué que le but de la conférence de Bruxelles est «de trouver à peu près un milliard neuf cent millions d'euros. Les choses se présentent bien, il y aura une centaine de pays représentés, une dizaine de chefs d'Etat». «On est en train de gagner la guerre, maintenant il faut gagner la paix», a-t-il ajouté.
La conférence de donateurs de Bruxelles est co-présidée par les présidents français et malien, et par le président de la Commission européenne.
Hier, et sur un autre front diplomatique, le groupe de contact de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) sur le Mali a tenu sa première réunion à Djeddah lors de laquelle, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Tiéman Hubert Coulibaly, a demandé à la communauté internationale d’aider au désarmement des groupes armés éligibles au dialogue national dans les conditions fixées par le gouvernement de la transition, selon un communiqué officiel. A la fin de la réunion du groupe de contact sur le Mali, les participants ont notamment «réaffirmé le ferme attachement de l'OCI à l'unité, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale du Mai» et «demandé au MNLA de déposer les armes et à se joindre au processus de paix», dans les conditions fixées par Bamako.
Face à ce qui semble être un consensus international sur l'agenda politique et les élections au Mali, les modalités du projet sont loin de faire l'unanimité au sein de l'opinion malienne. Une partie de l'opposition pense que si le vote a lieu, ce seront essentiellement les populations du sud qui pourront décider de la politique à mener pour le pays, le nord se retrouvant, une fois encore, exclu de facto et cela ne ferait qu'exacerber les divisions. Pour l'opposition au gouvernement provisoire de Bamako, il faut trouver d'autres moyens pour dépasser les causes de la crise : des dirigeants illégitimes, une junte militaire toujours prête à fourrer son nez n'importe où et peu de réponses cohérentes quant à la résolution des problèmes du nord.
Source Les Débats Nabil Benali
Le Pèlerin